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Crime

Comment la vie sur Terre pourrait détruire la vie sur Mars

Un virus ou un microbe terrestre pourrait-il bousiller la biosphère d’une autre planète avant même que nous la découvrions ? Et à l’inverse, un microbe martien rapporté d’une mission pour une étude scientifique pourrait-il déclencher une maladie venue...
Image par NASA / JPL-Caltech / MSSS / James Sorenson

La NASA confirme avoir trouvé de l'eau liquide sur la planète Mars, il semble donc raisonnable qu'on envoie la sonde Curiosity voir cette eau de plus près pour y chercher de la vie, n'est-ce pas ? Malheureusement, non. Il y a un petit problème — ou la possibilité d'une multitude de problèmes : les microbes. La question est, quels microbes créeront le plus de problèmes : ceux de Mars, ou ceux de la Terre ? C'est le problème central que le bureauappelé "protection planétaire" tente de résoudre.

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À lire : De l'eau sur Mars : ce que la NASA a annoncé exactement

Tout le monde sait qu'on mourrait dans l'espace sans combinaison. Malgré tout, les risques mortels de l'espace pourraient être un peu exagérés. Par exemple, les astronautes ont récemment trouvé du « plancton extraterrestre » vivant en dehors de la station spatiale internationale. C'est un endroit où il n'y a pas d'air et beaucoup de radiations. Bien sûr la station n'est pas le seul endroit où les microbes pourraient survivre au-delà de la Terre.

Il y a des lunes glacées autour de Jupiter et Saturne sans atmosphère, avec beaucoup de produits chimiques nocifs contenus dans la roche, et de fortes radiations qui grillent la surface, mais avec beaucoup d'eau liquide. Et il y a aussi la poussiéreuse et rouillée planète Mars, avec son atmosphère faible et donc son eau salée qui se cache sous la surface.

Le système solaire au-delà de la Terre est assez dur, donc comment pourrait-on le "contaminer" ? Si la biologie terrestre nous a appris quelque chose, c'est que si on a de l'eau liquide, on peut avoir de la vie. Et on dirait bien qu'il y a de l'eau liquide dans toutes sortes d'endroit.

À lire : Ok, on a découvert un océan sur une lune de Saturne. Mais est-ce qu'il y a des poissons de l'espace ?

Le docteur David Coil, un microbiologiste de l'université de California-Davis, explique la raison de son inquiétude : « Les microbes sont incroyablement adaptables et peuvent se trouver dans des endroits très inhospitaliers [déchets nucléaires, hors de la station spatiale, à l'intérieur de roches profondément enfouies dans le sol, etc.]… Je dirais que la contamination [de Mars par les hommes] est assez probable. »

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Ça se passe comme lorsqu'on apprend dans une série télé que quelqu'un a « contaminé une scène ce crime ». Dans le cas de Curiosity, il pourrait y avoir des microbes attachés au robot, et ayant survécu à la « salle blanche » de la NASA, au vide de l'espace, et à l'atmosphère martienne. Si Curiosity venait à rouler dans l'eau sur Mars et que les bactéries terrestres y entraient, les questions des scientifiques se multiplieraient alors plus vite que… et bien… que des bactéries : « Est-ce une bactérie autochtone ? Comment est-elle arrivée là ? Est-ce exactement la même espèce que celles trouvées sur Terre ? Si c'est une bactérie terrestre, à quelle vitesse va-t-elle se multiplier une fois exposée à de l'eau ? Oh mon dieu, qu'avons-nous fait ?! »

Mais si des bactéries terrestres se perdaient sur Mars, pourquoi cela serait-il un problème ?

« Le point le plus noir ce serait d'exterminer l'écosystème qui est déjà là, » selon Coil. « D'un point de vue philosophique, s'il n'y a pas de vie sur Mars, je suppose qu'il existe un argument selon lequel on ne devrait pas répandre nos ordures terrestres partout. Mais le plus gros souci pour moi c'est s'il y a de la vie, et que nous la ruinons avant même d'avoir eu la chance de la comprendre. »

Considérant l'adaptabilité de la vie même dans un environnement aussi dur que l'espace, la contamination transplanétaire gâche le sommeil de beaucoup de scientifiques. Un virus ou un microbe terrestre pourrait-il exterminer la biosphère d'une autre planète avant même qu'on la découvre ? Un microbe martien rapporté pour une étude scientifique pourrait-il déclencher une maladie sur Terre ?

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Jusqu'à ce que nous déterminions si la vie existe sur Mars et comment elle se comporte, les agences spatiales gardent leurs robots aussi propres que possible. Selon la communauté internationale qui s'intéresse à ce sujet, « propre » cela signifie moins de 30 microbes par mètre cube à la surface d'un véhicule qui atterrit dans certaines "zones spéciales" sur Mars — les endroits où l'on suspecte qu'il y ait de l'eau ou de la vie.

Pour comparer cela à un environnement normalement propre, la surface d'une table dans un hôpital nettoyée avec du savon et de l'eau peut contenir pas moins de 34 000 bactéries.

Le chien et la météorite

Si nous nous inquiétons des microbes qui se trouvent dans les toilettes publiques, les caddies, l'eau potable ou la nourriture que nous mangeons sur cette Terre qui nous est familière, il semble logique que nous fassions attention à ce que nous rapportons d'une autre planète.

Aujourd'hui, nous trouvons folklorique que les astronautes de la mission Apollo aient été placés en isolation une fois revenus de la Lune. Cela peut sembler un peu exagéré, mais en 1969 nous ne savions pas qu'il n'y avait pas de vie sur la Lune et n'avions aucun moyen fiable de le vérifier. Le mieux qu'on a trouvé a été de garder les astronautes 11, 12 et 14 de la mission Apollo isolés durant trois semaines pour voir s'ils avaient attrapé la fièvre lunaire, s'ils mouraient ou s'il leur arrivait des choses étranges. De même, alors que les astronautes jouaient aux cobayes, diverses plantes et animaux étaient exposés aux échantillons lunaires pour voir s'ils s'effondraient. Il ne fait aucun doute que des expériences similaires pourraient être réalisées si des astronautes devaient revenir de Mars.

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Le Dr Robert Zubrin, président de la Société de Mars et auteur de Cap sur Mars, est un défenseur de l'idée d'envoyer des hommes sur Mars dans la décennie à venir. Ce n'est pas un fan des règles de protection planétaire.

« L'obsession avec la protection planétaire est devenue obstacle à l'exploration de Mars. » Zubrin pense que le problème de la contamination croisée a déjà été surmonté grâce à certains événements.

« Nous recevons près de 500 kilogrammes de matériaux martiens chaque année sous forme de météorite. À part un chien qui est mort à cause d'une chute de météorite en Égypte en 1911, personne n'est mort à cause de cela. »

Selon Zubrin, il ne peut pas y avoir d'agents pathogènes sur Mars, car il n'existe aucune mégafaune [grands animaux, ndlr] sur le dos desquels ils peuvent vivre. Le docteur Coil approuve : « Le risque de contamination inversée de quelque sorte que ce soit est si faible que je ne pense pas qu'il vaille le coup de s'inquiéter à propos de cela. »

Tous des Martiens ?

Cependant, il pourrait être un petit peu hâtif de totalement refuser toute contamination interplanétaire. La semaine dernière, un astrobiologiste a publié un article scientifique expliquant que la vie sur Terre était potentiellement originaire d'autre part. La théorie du scientifique est que le premier géniteur de la vie — l'acide ribonucléique (ARN) — s'est combiné avec des matières grasses arrivées sur Terre grâce à une météorite qui s'est écrasée sur notre planète. Ainsi, la combinaison de l'ARN et de ces matières grasses venues d'ailleurs a formé les premières cellules. Un autre chercheur pense que cette météorite pourrait être venue de Mars — donc peut-être qu'on est tous des Martiens.

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Comment savoir si la vie terrestre est vraiment originaire de Mars ? Robert Zubrin avance une théorie possible pour répondre à cette interrogation : « Si vous trouvez sur Mars quelque chose qui a le même ARN ou ADN qu'un truc sur Terre (mais plus simple qu'une bactérie), cela prouverait que la vie terrestre provient en réalité de Mars. »

Pour le moment, nous ne pouvons obtenir les réponses nécessaires relatives à une possible vie sur Mars, parce que nos outils ne sont pas encore prêts. Par exemple, si Curiosity pouvait se rendre sur une des flaques saumâtres que l'on voit depuis l'espace, le robot n'a pas les instruments nécessaires pour détecter la vie — qu'elle soit importée ou native.

Au bout du compte, la protection des planètes n'est pas tant une question d'empêcher la vie de voyager de planète en planète. (Nous voulons envoyer des gens sur Mars et qu'ils reviennent avec des échantillons sur Terre.) La question est de savoir à quel point nous voulons nous protéger de l'inconnu. Nous espérons trouver une approche raisonnable : on ne veut pas que Mars soit une planète morte, mais nous ne voulons pas non plus que trop de formes de vie « agressives » migrent de nouveau vers la Terre. Nous voulons juste rapatrier quelques formes de vie pour apprendre quelque chose d'important sur la vie dans l'univers.

Suivez Bart Leahy sur Twitter: @SciCheerGopher

Photo via Wikimedia Commons