Au mois d’août, Nicolas Kanning va donc laisser quelques jours de côtés ses deux autres activités professionnelles [il travaille chez Adidas 25 heures par semaine et est aussi coach sportif, ndlr] pour partir à Rio avec Teddy Riner et, ainsi, mesurer tout le travail effectué cette année. Ensuite, en fonction de la suite que veux donner Riner à sa carrière, viendra peut-être le temps de troquer son kimono de sparring-partner pour celui d’entraîneur : « Je m’amuse avec le meilleur judoka du monde et j’aimerais devenir entraîneur pour que d’autres profitent de mon expérience avec Teddy. »
En 2009, à 25 ans, Nicolas Kanning décide d’arrêter sa carrière de judoka, lui qui a remporté trois titres de champions d’Allemagne chez les + de 100 kg. Il quitte Berlin et son pays natal pour vivre avec sa fiancée en France, la judoka française Lucie Louette. Cet exil par amour signifie la fin de sa carrière de judoka de haut niveau sous les couleurs allemandes.
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A Paris, le colosse d’1m86 pour 120 kg découvre un nouvel environnement qu’il tente d’appréhender du mieux possible. Le rugby, sa deuxième passion, a notamment facilité son intégration en région parisienne [il a joué à Bobigny, avant de jouer ensuite au Rugby club de Vincennes et à Vitry-sur-Seine, ndlr].
Mais Nicolas n’a pas pour autant rangé son kimono et sa ceinture noire obtenue à 16 ans. Plusieurs fois par semaine, il est le partenaire d’entraînement de celle qui partage sa vie, à l’Institut du judo, dans le 14e arrondissement de la capitale. C’est pendant ces séances d’entraînement en couple que Christian Chaumont remarque l’Allemand. L’entraîneur de Teddy Riner a alors une idée derrière la tête : trouver un partenaire d’entraînement à son poulain qui, à l’époque, n’est pas encore champion olympique.
« C’est compliqué à accepter comme travail car il faut accepter de tomber 60 à 70 fois pendant une séance alors qu’au judo il faut tout faire pour ne pas tomber, explique le cube de muscle né en 1984 à Berlin. Mais Christian m’a convaincu en me disant que j’allais m’entraîner avec celui qui allait devenir le meilleur judoka de tous les temps ». Et puis il y a un peu la passion du sport quand même. Les premiers entraînements ont lieu au mois de novembre 2010. Depuis, Teddy Riner a tout cassé : une médaille d’or aux jeux de Londres, quatre titres mondiaux et quatre autres titres européens.
Quand on dit à Nicolas Kanning qu’il a sa part de responsabilité dans les résultats hallucinants du judoka guadeloupéen, il réfute aussitôt : « Ce n’est pas moi qui combat, c’est lui », répète-t-il régulièrement. Il n’empêche, même si Teddy Riner a des dispositions physiques uniques et casse tous ses adversaires sur les tatamis, les entraînements hebdomadaires avec un judoka du gabarit de Kanning ne peuvent être que des atouts au moment d’aborder une compétition. Car il est important pour tout judoka de se mesurer à différents profils dans différentes situations et c’est dans ce but que Christian Chaumont s’est tourné vers l’Allemand. « Un partenaire dédié à 100 % est un vrai plus. Nico est devenu mon ombre, disait Teddy Riner au JDD en août 2011. C’est un bœuf, très dur à soulever. Je ne peux plus me passer de lui. »
À raison de deux entraînements par semaine, le lundi et le jeudi, Nicolas Kanning affronte donc celui qui fait trembler tous les poids lourds de la planète judo pour l’aider à progresser et à poursuivre l’écriture de sa légende. Au cours d’une séance, plusieurs thématiques de travail sont abordées, « les différentes techniques de Teddy, l’uchi-mata, le combat intensif ou la prise de kimono ». Et Nicolas n’a qu’une mission : résister et défendre aux attaques de Riner et de ses 135 kg. « J’ai toujours aimé laisser venir mon partenaire, sentir son judo et sa manière de combattre. Donc ça ne me dérange pas du tout et ça me fait bosser physiquement », précise l’intéressé.
Résister ne l’empêche pas de céder à maintes reprises face aux assauts du meilleur judoka de l’Histoire. En même temps, qui pourrait lui en faire le reproche ? « Il mesure 2,04 mètres pour 135 kg, il est mobile et a une bonne coordination, qui a tout ça aujourd’hui dans sa catégorie, se demande Nicolas, qui est très optimiste sur les chances du judoka français au Brésil. Il progresse tout le temps, techniquement notamment, et sait se mettre dans les bonnes dispositions à l’approche d’une compétition. Il est certes monstrueux physiquement mais il faut voir tout le travail qu’il fait à l’entraînement. »