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LE NUMÉRO ART PARMI D'AUTRES

Tonetta

Ce soir, je vais t'épuiser. » Qu'est ce que vous pensez de cette entrée en matière ? Inoubliable ? Perverse ? Et en même temps... bizarrement alléchante ? N'oubliez pas que celui qui dit ça a un peu plus de soixante ans...

Des images tirées des clips « Sweet & Sexy » et « Grandma Knows Best » de Tonetta.

« Ce soir, je vais t’épuiser. » Qu’est ce que vous pensez de cette entrée en matière ? Inoubliable ? Perverse ? Et en même temps… bizarrement alléchante ? N’oubliez pas que celui qui dit ça a un peu plus de soixante ans, une perruque blonde platine vissée sur la tête, et qu’il agite sa bite devant la caméra, depuis son appartement de Toronto. Même en prenant en compte le facteur « Dancing with Myself », Billy Idol n’arrive pas à la cheville de ce mec. Dans sa vidéo Grand Ma Knows Best, il n’est vêtu que d’un mini slip noir, avec ses courts cheveux coiffés en pics. Ses décisions artistiques sont complètement connes. Dans Sweet and Sexy, son visage est caché par ce qui semble être un masque de porcelaine blanche. Les points communs entre la musique et les visuels sont étrangement inspirés. Quand il chante un truc à propos de Jésus, en maillot de bain pour femme et large ceinture, on se dit que c’est ce qu’aurait pu créer un clone anencéphale de Serge Gainsbourg si les yéyés lui avaient présenté Jeanne Moreau. À la fois cool et dérangeant, voilà ce qu’est Tonetta, aka Tony Jeffrey, artiste, performer, et force de la nature contagieuse. Dans cette époque de perroquets, Tonetta va jusqu’à faire du play-back de ses propres paroles. « Que fait un homme des cavernes ? » se demande t’il. "Eat, drink, and screw / That’s all I want and all I know / I was blessed with a ten-inch pole." « Manger, boire et baiser / C’est tout ce que je veux et tout ce que je connais / J’ai été honoré d’un mat de 25 cm. ». Alors que Tonetta enregistre ses chansons incroyablement accrocheuses depuis 1983, ses vidéos faites à la maison sont nées il y a deux ans. Elles ont rapidement trouvé un cercle de fans dévoués, qui lui passent toutes ses conneries. N’importe quel artiste donnerait un oeil pour avoir le genre de commentaires qui pleuvent sur les vidéos de Tonetta : « Je n’ai jamais ressenti ça avant…ça me terrifie mais je ne peux pas détourner le regard…comme un accident de voiture » ; « Je mets le son à fond et je danse en sous-vêtements ! Tonetta connection ! » Le plus bref est aussi le plus indéniable : « On ne peut pas ne pas le voir ».

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Même si les termes « flippant » et « effrayant » reviennent régulièrement, Tonetta offre clairement aux gens quelque chose qui leur manque dans leur vie de plus en plus prédictible, qu’ils le sachent ou non, et même s’ils ne veulent pas se l’avouer. Tonetta redéfinit le terme « petits plaisirs coupables » non seulement en termes de permission - dans le sens où il autorise son public à passer un bon moment - mais aussi, sans la gênante contrepartie du remords : il SE donne la permission. Dans une société répressive, faire exactement ce dont on a envie, c’est comparable au plus grand crime imaginable ; le très prolifique Tonetta, fait figure d’authentique exemple, de guide, particulièrement à son âge. Pas le genre faussement lisse à la Naomi Campbell, Tiger Woods ou Elton John. Alors que la plupart des gens sont occupés à faire les morts ou à retourner leur veste, Tonetta enchaine les tubes addictifs du genre « Drugs Drugs Drugs » et « Yoassismine ». Mettez votre masque de ninja, ouvrez votre cuir, huilez vos muscles saillants, et préparez-vous à faire hurler la mini-guitare. Laissez tomber le zonage inintéressé dans un hall formaté du MoMA, c’est de la performance, aussi inventive, acharnée, et baisée que le jour est long.

Et pile quand vous pensiez qu’il ne pouvait pas nous amener plus loin, il en rajoute une couche. Il se trouve que Tonetta est aussi un excellent dessinateur qui met son imagination douteuse au service de dessins curieux qui frôlent la surface de l’inconscient et sondent les profondeurs du quotidien. Un tour de la collection de dessins de Tony, c’est un voyage dans un monde bizarrement tortueux, et ça implique aussi d’accepter de visiter des destinations mystérieuses et enchanteresses auxquelles on était pas vraiment préparés. Dans un portrait, la moitié supérieure d’un corps de femme regarde en avant alors que l’autre partie est étrangement tournée, ses seins pendants reposent sur le bord considérablement large de son cul : une vénus hottentote déformée. Dans un autre tableau sans visage, un corps anatomiquement féminin pour la partie supérieure est affublé d’un énorme pénis non-circoncis. L’image naturaliste d’une patineuse nue serait déjà inhabituelle en soit, mais l’ajout d’un beagle géant berçant l’énorme ventre distendu de la femme enceinte ajoute à la scène. Un joli petit bébé noir dans son berceau aurait pu sortir d'une photo de famille, mais le fait qu'un groupe d’enfants africains, les yeux exorbités et des coupes vides à la main l'entourent, donne au délicieux portrait un air de fin du monde. Là, Tony se pose la question EST-CE JUSTE en omettant largement le point d’interrogation. Avec ce réalisme social qui lorgne vers le surréalisme, on est littéralement plongé dans la rêverie à l’état brut. L’un des dessins, semblable à un rêve, représente le corps d’une femme enveloppant un trio d’amants extraterrestres. On peut aussi voir un adorable extraterrestre semblant être enlevé par la trompe d’un bébé éléphant voilé - en réalité, c’est pas ça mais on dérive au beau milieu d’un océan de magie. Suspendez votre incrédulité nom de dieu, ne serait-ce qu’un court instant. Malgré un évident côté « dérangé », il y a quelque chose de très tendre et poignant dans ces dessins, et comme il convient au digne héritier du trône surréaliste, un évident courant d’obsessions et un malin plaisir non repenti du fétichisme. Bienvenue dans le monde de Tonetta. « Épuisez-vous ».

Les vidéos de Tonetta sont disponibles chez Black Tent Press (www.blacktentpress.com).