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Le joujou low-tech de la police de Denver : le nez télescopique antiweed

Le Nasal Ranger est le nouveau gadget débile des forces de l’ordre du Colorada.

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Sentez-vous à l'horizon la douce odeur enivrante de la marijuana légale ? Le 6 novembre 2012, les électeurs du Colorado et de Washington ont respectivement approuvé l'amendement 64 et l'initiative 502, autorisant la production, la vente et la consommation de marijuana pour les adultes de plus de 21 ans, au même titre que l'alcool et le tabac. Pour les fumeurs de beuh du pays, c'est une énorme victoire, un pas de plus vers une légalisation élargie à tout le pays. L'ouverture de centaines de dispensaires dans ces deux États est prévue pour janvier 2014. Et l’un des derniers décrets promulgués à Denver, dans le Colorado, vise l’odeur tenace de la bonne weed bien collante.

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Denver fait partie de ces villes qui ont décidé de réguler les odeurs, ce que l'avocat de l'Union américaine pour les libertés civiles (ACLU) Mark Silverstein qualifie de « terriblement exagéré, peu judicieux, inutile et inconstitutionnel ». L’amende monte jusqu’à 1500 € pour les délinquants qui sentent mauvais. Le nombre de plaintes relatives aux odeurs de marijuana dans le Colorado est passé de 7 en 2010 à 16 en 2012, et ce nombre va indubitablement continuer à augmenter l'année prochaine, lorsque la vente au détail de weed sera possible, bien que les plaintes actuelles concernent l'odeur entêtante de plants de beuh et non les fumeurs eux-mêmes. Réglementer reste délicat : comment jauger la puanteur d’un lieu précis ? Faites un aquarium en plein été dans la voiture familiale, et en quelques minutes, l'odeur devient indétectable pour les gens qui baignent dedans. Entrez dans la voiture le lendemain, elle a l'odeur des étrons de Wiz Khalifa. Pour faciliter la détection, la police de Denver s'est offert un bijou high tech, futuriste : le « Nasal Ranger », créé pour aider ses usagers à détecter les quantités d’odeur.

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L'appareil, aussi appelé olfactomètre, ressemble à un télescope/respirateur/mégaphone pour nez, et bien que le site de la marque qui le commercialise est inondé d'expressions du genre « taux de dilution », « calibrage traçable » et « localisation d'odeur », l’accessoire n’impressionne pas vraiment. C’est moins un instrument de mesure qu’un tube avec des trous de tailles différentes avec deux filtres au bout. L'idée, c'est qu’en inhalant, une partie de l'air est filtré par le charbon actif, et l'autre provient directement de l'air environnant,permettant ainsi à l'utilisateur de constater à quel point l'odeur est détectable. D’instinct, je dirais qu’abandonner ce dispositif et se contenter d’utiliser le nez que Dieu nous a donné est sans doute une méthode plus simple pour déterminer si oui ou non, une odeur perturbe l'atmosphère – et comme la mesure, via cet instrument, reste fondée sur le flair du policier équipé du Nasal Ranger, on ne peut pas parler de fiabilité, encore moins évoquer des normes qui permettraient d’infliger effectivement des amendes.

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Avec un prix fixé à environ 1 100 € pour le Nasal Ranger, et les deux cours d’entraînement payants dispensés par le fabriquant, St. Croix Sensory, il pourrait en coûter jusqu’à 2 600 € par appareil aux forces de l’ordre – en comptant le coût du programme breveté Odor Track'r, qui autorise l’heureux propriétaire de l’une de ces minitrompes technologiques à enregistrer les détails de son inspection d'odeur avec les coordonnées GPS du lieu et génère une représentation graphique de l'intensité de l'odeur sur Google Earth. Cette nouvelle technologie ne me semble donc utile qu’à cacher le caractère dérisoire de ce nouveau décret, et, au final, ce gadget représente un coût monstrueux pour ce qui reste un jugement olfactif et subjectif.

Le « smell-o-scope » de Futurama. Capture d'écran via

Ben Siller, dont le nom est impossible à lire sans penser au mec de Zoolander, est un enquêteur du service de la Santé environnementale de Denver. Il a déclaré au Denver Post que le seuil d’illégalité pour le ratio d'air à nettoyer (gross-to-clean) est d'au moins 7 pour 1 – à savoir, l’odeur reste détectable lorsqu’on mélange un volume de cet air à sept volumes d’air propre. Selon Siller, personne n’a eu d’ennuis avec ce décret depuis 1994. Pourtant, en 2012, une entreprise produisant de la nourriture pour chiens s’est vue forcée de payer une amende de 370 € par la DSE pour ne pas avoir correctement organisé l’évacuation des odeurs s’échappant de leur usine. L'amende et le procès sont tombés à l'eau, donc, ouais, techniquement, personne n'a eu d'amende depuis 1994. Et même si le Nasal Ranger est utilisé à Denver, ville où les gens se sont détendus au sujet de la marijuana, certains États moins indulgents pourraient utiliser ce machin plutôt que des  chiens pour détecter et identifier des odeurs suspectes. Je m'imagine déjà, assis dans ma voiture à Dallas, et observer cet interminable tube blanc en plastique pénétrer à travers ma vitre entrouverte à un feu rouge, pour m’entendre dire par un flic que l'odeur de « cette plante démoniaque » est détectable à un niveau 10:1.

En octobre, le conseil municipal de Denver a proposé une liste de règles concernant la consommation de marijuana. L’une d’entre elles pourrait criminaliser le fait qu’une odeur sorte d’un espace privé pour pénétrer dans un espace public – qu’elle passe par dessus le buisson du fond de votre jardin ou à travers vos conduits d'aération. La vague de protestations qu’a provoqué la distinction entre fumer « en public » et fumer « ouvertement » va sûrement impliquer une marche arrière de la part des régulateurs. La présidente du conseil municipal, Mary Beth Susman, a expliqué dans le Denver Post : « C'est difficile de légiférer sur une odeur. Nous devons étudier de près les ressources que nous allons mettre dans le Nasal Ranger. » Elle a ajouté : « Je me demande également si les gens vont finir par s'habituer à l'odeur, si leur dégoût pourrait s’atténuer avec le temps. »

@jules_su