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LE NUMÉRO FICTION 2011

Reviews

Ce bouquin parle d'un ingénieur qui se découvre un jour des pouvoirs de dématérialisation surhumains qui l'entraîneront dans toutes sortes de tristes péripéties, jusqu'à la mort et l'acceptation de celle-ci.

IAIN SINCLAIR

XAVIER DE MOULINS

MARC WERSINGER

JONATHAN COE

MICHAEL JACKSON

Pierric Bailly

P.O.L.

Cher Pierric,

On n’a pas tout compris à ton livre. Déjà c’est pas sur Michael Jackson. Ensuite ça tournoie un peu quand même, la structure. C’est un genre d’histoire d’amour en 3D, c’est ça ? On a trouvé ça cool quand même. Nous aussi, on est né dans les années 1980. La vie de ton personnage principal, et même la vie de tous tes personnages, c’est notre vie et la vie des gens qu’on connaît. On a l’impression d’avoir été à la fac en arts du spectacle à Montpellier avec toi et d’avoir traîné dans des sinistres parties fines avec tes potes. Après, on n’est pas dupe, on sait que pour écrire il ne suffit pas de recopier la vie et qu’il se passe quelque chose de spécial avec toi. Tu trouves des

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punchlines

, tu parles de l’amour mieux qu’une chanson de R&B (il est entendu que l’auteur de ces lignes tient le R&B en haute estime). D’ailleurs ton premier livre,

Polichinelle

(2008), était chanmé. S’il te plaît ne deviens pas tout nul en vieillissant, ne te mets pas à écrire sur ta vie d’écrivain comme tous ces romanciers français relou pris du vertige de la page blanche. Et passe au bureau la prochaine fois que tu es à Paris. On est dans le 18e.

ADA OULHARDEUR

Le groupe Kohler qui a repris la société Jacob Delafon (cabinets, bidets, lave-mains, vasques, robinetterie) en 1986 est peut-être responsable de l’anoblissement forcé qu’a subi Jacob de Lafon, le héros de

The Real Subject

en français. À moins que les héritiers Jacob et Delafon eux-mêmes aient interdit l’usage de la marque légendaire à des fins si peu nobles (un livre de poésie contemporaine). Pourtant, en y regardant de plus près (

http://www.jacobdelafon.com

), on trouve de grandes similitudes éthiques, esthétiques et théoriques qui réunissent le livre et cet « acteur incontournable de la salle de bain » : « Univers pur et contemporain, formes libres et légères », « Douceur des angles et lignes tendues », « Des formes qui vous ressemblent ».

SAMUEL BIQUETTE

LE NOYAU DE TOUTE CHOSE

Hubert Lucot

P.O.L.

VINGT-DEUX LIGNES

CAHIER 100

Bernard Collin

Les Petits Matins

« Vous savez les titres, c’est très suffisant, quelqu’un aime beaucoup les titres de vos ouvrages, mais il n’a jamais lu les livres et nous demande où il pourrait les trouver sur Internet, ce n’est pas un bon chercheur, il faut lui répondre, mon ami, vous cherchez, comment faut-il répondre au paresseux, puisqu’il n’est pas vraisemblable qu’un jeune écrivain d’aujourd’hui n’ait pas un cerveau pour chercher, Amazon vous les livre en trois jours au Chili, le plus simple est peut-être de poser la question au libraire donc si j’ai bien compris votre mot, vous faites une lecture dans quelques jours, et encore plus simple ne pas vous répondre du tout, on ne voit pas nettement s’il faut sourire d’une insolence ou se vexer du manque de considération pour le grand âge. Intrépide jeune homme, je ne me rappelle pas l’âge que vous aviez, mais la dernière phrase de votre note indique un très jeune homme innocent, insolent ou inconscient qui écrit sans penser à autre chose qu’à ses propres livres qu’il va lire en public bientôt, à votre âge, vous ne pouvez pas vous vexer, à votre âge on ne soigne plus aucune maladie, je ne sais donc pas ce qu’il faut répondre à celui qui demande où il pourrait etc. le plus simple encore une fois etc. en vous souhaitant un grand succès. » Si j’avais pu mettre une note et pas un de ces smileys idiots j’aurais mis 10.

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LOL TRÉAMONT

LA SÉCURITÉ DES PERSONNES ET DES BIENS

Manuel Joseph et Myr Muratet

P.O.L.

Ah, tiens, un bouquin de Manuel Joseph qualifié de

drame social

. Et pas que du texte, des photos aussi ! Parfait. Alors, en gros, c’est très bien. Voire même excellent. Les photos sont pas passionnantes mais le texte défonce. D’un côté, une étude hyper sérieuse des MMC, soit des Métaphores médico-chirurgicales employées dans la littérature militaire. De l’autre, un type atteint de TOC. Je vous donne tout de suite le résultat de l’équation : la société = la mort. L’inconnue X était : comment faire pour que la société ne se branche pas sur nos organes ?

BARBIE D’AUREVILLY

Certains auteurs peuvent être lus dans le désordre et même n’importe comment. Ce n’est pas le cas d’Hubert Lucot. Où se trouve le manuel d’instruction ? On a raté combien de saisons ? Il faudrait avoir parcouru tous ses bouquins parus chez P.O.L. depuis quinze ans et éventuellement tous les autres publiés chez des éditeurs également très ­fréquentables pour comprendre et se sentir complice de ce

Noyau de toute chose

pour ­initiés. La preuve par l’exemple : « …je prends conscience que m’émeut NON PAS Provence-soleil-printemps mais le cézannisme de mes écrits, de mon aventure propre, non pas un objet (tels l’herbe ou la bâche goudronnée) mais un style. » Écrit comme un journal ininterrompu qui se situerait au cœur de l’œuvre, les bouts de récits s’enfilent de manière à 1) faire comprendre au lecteur qu’il est dans l’intimité totale du cerveau de Lucot, 2) lui montrer à quel point c’est chouette d’être entre soi, 3) l’obliger à s’intéresser à toute son œuvre ou à abandonner.

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PASCAL QUINARRE

London Orbital

, c’est l’histoire d’un type qui marche le long du périphérique, la M25, à Londres. Énoncé comme ça, on dirait un compte rendu de randonnée ou le film

Les Randonneurs

avec Vincent Elbaz. Au final, les balades se révèlent passionnantes et tiennent davantage du courant psychogéo­graphique, héritage du situationnisme remanié ici à l’anglaise, que du simple récit de promenade. Le livre emprunte à Ballard (comprendre qu’aujourd’hui Londres n’est que la banlieue de son aéroport, que les centres ­commerciaux de la périphérie sont le nouveau centre), à la poésie Beat, et à une certaine forme d’occul­tisme : tout l’enjeu est de montrer ce qui est caché, de faire apparaître, par le langage, le monde autour de nous, tel qu’il est. C’est un genre de programme politique en faveur des banlieues du futur, quoi.

ALI TERATION

LA CHUTE DANS LE NÉANT

Marc Wersinger

L’arbre Vengeur

Ce bouquin parle d’un ingénieur qui se découvre un jour des pouvoirs de dématérialisation surhumains qui l’entraîneront dans toutes sortes de tristes péripéties, jusqu’à la mort et l’acceptation de celle-ci. Je vous ai déjà raconté la fin ? C’est vrai, mais attendez de lire ce qui suit. Le long de son parcours, le héros sera confronté à un indien maléfique, des policiers stupéfaits, des badauds hypnotisés, des microbes géants et la matérialisation ­électrique de la pensée. Il est aussi délicat de chroniquer ce livre que de mettre une note à la vie, mais si jamais vous vous demandiez ce qu’aurait écrit Edgar Allan Poe s’il avait vu

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Jurassic Park

, ça donnerait un truc du genre. J’ai la flemme de digger Wikipedia là, mais il s’agit probablement du meilleur livre qui soit sorti en 1947, tous styles et formats confondus. Nique ta race le nouveau roman.

JIMMY MORE HELL

Si vous avez envie de savoir ce qui se passe dans la tête d’un homme qui en attaque un autre avec un tournevis, ce livre est pour vous : il vous rendra meilleur. Je savais déjà que ce mec était un romancier génial (

Des putes pour Gloria, La Famille royale, Central Europe

), mais là je découvre son travail journalistique et je suis dégoûtée. Je ne comprends pas que Vollmann existe. Résumons : le succès critique de son premier roman lui permet de coiffer la casquette de journaliste et d’aller faire le con dans les endroits les plus craignos de la terre. Par « faire le con » j’entends demander à un général khmer rouge ce qu’il a branlé, enquêter sur les yakuzas, les gangs, le roi de l’opium et les miniprostituées. Ce bâtard ne se la joue jamais héroïque et il a des ressources illimitées d’empathie. Je parie qu’il rêve d’interviewer Hitler, s’il le pouvait, « pour comprendre ». Notre théorie est la suivante, de même que Claro, qui fut trahi par l’abondance de ses statuts Facebook, Vollmann est constitué par une armée secrète d’entités AUTRES qui rédigent ses livres et dirigent sa marionnette à distance (peut-être de l’espace). Comment expliquer autrement la longueur de son essai monstre sur la violence (

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Rising Up and Rising Down

, McSweeney’s, 3 000 pages) dont ce volume est extrait ? Comment expliquer autrement que ce bouquin soit aussi cool ? À moins qu’il n’y ait un putain de romancier derrière le journaliste et un putain de journaliste derrière le romancier.

MARGUERITE DU RAT

En 1976, Gary Gilmore a été condamné à mort pour le meurtre d’un mormon en Utah. Il a été fusillé en 1977, après être devenu une sorte de star nationale. Ça faisait dix ans que personne n’avait été exécuté aux États-Unis, et en plus Gary a décidé de ne pas faire appel. Ce truc a été raconté des dizaines de fois, notamment dans

Le Chant du Bourreau

, mais aussi à la télé avec Tommy Lee Jones et par les punks de The Adverts, et on murmure même que le slogan de Nike aurait été inspiré par les dernières paroles de Gary, «

Let’s do it

». Cette fois, c’est son petit frère, Mikal, qui raconte l’histoire et celle de sa famille un peu dégénérée. Ça pue la tristesse, la violence et ce qu’il convient d’appeler des vies gâchées, et il y a un passage qui fait tellement peur que j’ai envisagé de me pisser dessus plutôt que de sortir de mon lit. C’est un des livres que j’ai lus cette année que j’ai préférés, même si je trouve le fait que la rédac chef me l’ait donné en disant « celui-ci je l’ai pris en pensant à toi » un peu inquiétant.

NORMAN MEILLEUR

AUTOBIOGRAPHIE MÉDICALE

Damian Tabarovsky

Christian Bourgois

Tabarovsky n’est pas un novice : il a traduit plein de bouquins, écrit un essai sur Duchamp et est aussi éditeur. Il manie une érudition implacable et un humour assassin, à faire ­passer les Dos et Don’ts pour des smacks d’école primaire. Je me suis rué sur

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Autobiographie médicale

 : Dami est consultant dans un Observatoire de tendances socioculturelles mais la scoumoune lui colle au cul et la maladie entrave à chaque fois son ascension sociale. Passé vendeur de chaussettes ambulant, il chope un ongle incarné et finit par renoncer. Dami se coltine la poisse tout au long du livre – du daltonisme à la scoliose en passant par un ulcère provoqué par les médocs. À la manière d’un Bartleby, ce antihéros fait preuve d’une distance salutaire avec le monde, et, à travers ses pépins de santé, il fait l’expérience du communisme solitaire : « Le communisme de ceux qui s’excluent de toute communauté. »

PABLO VENOM

JÜRGEN TEIPEL

Dilapide ta jeunesse

Allia

Les livres sur un courant musical donné font partie de cette grande famille des choses qui ne nous étonnent jamais, et qui, avec les autres sous-catégories dominantes que sont les biographies de groupes et les encyclopédies du rock, ont tendance à être les mêmes. Celui-ci est un poil plus innovant, puisqu’il traite du punk et de la new-wave allemands au sortir des années 1970 – et, à moins que vous ne soyez un gros creep obsessionnel, il est peu probable que vous y connaissiez quelque chose. Là j’en suis vers la page 200, et c’est le moment où tous les kids du début commencent à prendre de l’héro. Tout ça à cause de cette tantouze de Lou Reed ! Merde ! Tiens, maintenant, le passage vers les synthés, les débuts de l’indus, Einstürzende Neubauten, S.Y.P.H., des goths, pas mal de maquillage, des lesbiennes, des pédés et les années 1980. Raconté par des intervenants d’époque qui portent des noms déconneurs tels que « Moritz R® » ou « Pyrolator ». Même Holger Czukay, frontman à large moustache de Can, se permet quelques commentaires enthousiastes sur ces gens qui portaient des croix gammées pour se marrer. Je finirai le livre demain, mais je suis presque sûr de tomber sur le

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come down

de tous ces gens qui vont bientôt s’apercevoir que la moitié de leurs amis sont morts, que l’autre affiche un sérieux problème avec l’alcool et que Berlin n’est plus séparé en deux. J’ai pas envie de mettre un barf pleurnichard à cet excellent bouquin, du coup je mets un smiley tant qu’il en est encore temps.

KELLY SLAUGHTER

À défaut d’avoir vraiment étudié ce conflit, mes représentations de la guerre du Vietnam sont issues de la culture populaire américaine – de ses films. Et en les matant, j’étais plutôt enclin à éprouver de la sympathie pour les GI’s qui en chiaient pour rester en vie en écoutant les Rolling Stones et en buvant des bières dans un paysage retourné à l’état d’horreur expressionniste – de la même façon, j’ai découvert ma faculté d’indignation en voyant les pacifistes de l’arrière fumer des joints sur les grasses pelouses des campus universitaires, théâtres d’insupportables orgies de sagesses orientales et de concerts de pétasses hippies à cheveux raides qui allaient façonner l’inconscient collectif de cette génération qui serait bientôt appelée devant le tribunal de l’Histoire : les baby-boomers. Je croyais que le récit de guerre était un genre littéraire strictement européen, circonscrit aux deux guerres mondiales, et qu’il se limitait à quelques grands livres comme

Orages d’acier, La Guerre comme expérience intérieure et La Comédie de Charleroi

. Je n’avais jamais entendu parler de ce récit semi-autobiographique de Tim O’Brien, publié en 1973 et qui vient d’être traduit en français, pourtant un classique aux États-Unis. J’ai vite trouvé ça chiant. Je ne comprenais pas comment un témoignage sur l’expérience du front pouvait être aussi désincarné. Puis j’ai compris que le problème venait de la traduction française qui ne lui rend pas du tout justice. Traduire l’argot des GI’s de 1968 est sans doute un calvaire, mais des phrases comme « Mais t’es dingue, hein ducon attends pas l’arrivée des engins à chenilles pour balancer tes trucs et dégommer les niakoués ! » (j’ai reconstruit cette phrase à partir de mots du bouquin pour démontrer mon point) ont l’air de sortir d’un mauvais épisode de

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South Park

.

IRÈNE NOW

DIEU BÉNISSE L’AMÉRIQUE

Mark SaFranko

13e Note

Dieu bénisse l’Amérique

raconte l’enfance de l’alter ego de Mark SaFranko, le fils d’immigrés polonais pauvres à tendances violentes Max Zajack. Étrangement, les choses auxquelles ce bouquin me fait penser sont : le mec avec qui je partageais ma chambre à l’internat (il portait ses pantalons tellement bas que sa mère lui disait « mais tu dois bander en permanence pour le faire tenir comme ça »), le final de

Thelma et Louise

et le passage de

The Road to Los Angeles

où Arturo bute des ­centaines de crabes avec son pistolet à air comprimé. Une sorte de milk-shake de souvenirs qu’on ne songerait pas à associer, et dont le résultat n’est ni meilleur ni moins bon que ­chacun des aliments pris séparément. Ça a juste un goût différent, qui reste longtemps dans la bouche sans qu’on parvienne à l’identifier.

ROMANO PRODIGE

FORÊTS NOIRES

Romain Verger

Quidam

Quiconque a eu l’occasion de suivre un cours de L3 sur le surréalisme sait ce qu’il en est du carnavalesque chemin vers la vie renouvelée : on commence par se nourrir avec confiance des larmes et du sang de l’adolescent, on finit par se noyer dans l’océan sylvestre d’Argol, et entre-temps on est sorti du onze de départ parce qu’on a dit à André Breton qu’il était quand même hyper bourré le jour où il s’est cru capable de convaincre une époque entière qu’on se faisait chier en lisant Dostoïevski.

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Forêts noires

c’est la même chose, sauf que ça se passe dans l’ordre inverse, que les morts cachés sont bien dans cette terre, que le vent souffle un peu moins fort et que ça commence au Japon.

SLAVOJ ŽIŽOU

Philippe Sollers se paie Stendhal ! Soit, mais au final, ça ressemble à « Philippe Sollers est Stendhal ». Il est un peu en roue libre dans ce roman, comme dans tous ses derniers romans. C’est un homme intelligent, un directeur de revue hors pair, un éditeur génial, un critique qui se répète un peu, mais, pour paraphraser Nabe – qu’il a édité avant que ce dernier ne se mette à brûler ses livres en couverture de magazines infréquentables – c’est aussi l’homme qui n’arrête pas d’écrire. Ce serait bien de faire une pause dans les romans, là, Philippe. Bon en même temps ça se lit bien, hein, c’est court, et j’ai appris deux, trois trucs passionnants sur Stendhal. Mais sans ce prétexte stendhalien, je qualifierais

Trésor d’Amour

de bluette.

PAUL MOURANT

Au collège, j’avais pris l’habitude de ­placer tous les mots intelligents que je connaissais dans mes rédactions afin de séduire mes professeurs amoureux des belles lettres. Je crois même que je dois mon passage en quatrième au mot « condescendance » qui a illuminé nombre de mes copies. Ce qui me sépare de Xavier de Moulins, c’est que je n'ai pas écrit de livre basé sur cette astuce qui ne trompe plus personne passé le brevet. Peut-on combler la vacuité d’un roman qui énonce des platitudes comme « C’est fou de voir qu’une vie entière peut tenir en trois camions de déménagement » ou « Après une grossesse, la libido a la fâcheuse tendance de chuter » avec des mots comme « misandre » ou « séditieux » ? Après 179 pages noircies par les plaintes d’un père célibataire qui a choisi d’habiter à trois rues de son ex-femme, c’est dans la souffrance que j’ai accouché d’une réponse négative.

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ANNA GALVAUDÉ

CARNETS DE MASSACRE, 13 CONTES CRUELS DU GRAND EDÔ

Auteur : Shintaro Kago

IMHO

Les mangas édités par IMHO montrent que la BD japonaise peut être autre chose que des grands yeux et des tenues d’écolières qui mouillent. Il y a aussi un tas de dessinateurs qui s’inspirent d’autres trucs que ce qu’on apprend dans les écoles d’art ­subventionnées pour faire sa vie en imbibant d’encre de Chine des torche-culs indignes. Avant que mes yeux tombent sur ses ignobles et envoûtants

Carnets de Massacre

, j’avais oublié que son auteur, Shintaro Kago, avait collaboré à Vice. Ça ne légitime pas la qualité de ses histoires pornorribles, au graphisme évoquant des hantises psychanalytiques dégueulasses, mais je sais que ça en con­vaincra certains de s’y intéresser de près et finalement je suis là pour ça parce que

Carnets de massacre

est un bouquin aussi maudit que céleste.

AL BATARD

LA VIE TRÈS PRIVÉE DE MR SIM

Jonathan Coe

Gallimard, NRF

PLOP

Rafael Pinedo

L’Arbre Vengeur

Si vous ne voyez la lumière que dans la nuit et écrivez dans votre journal que vous êtes « goth », ce livre devrait vous plaire.

Plop

raconte des histoires vraiment chelou du genre : « Les secrétaires ont frotté leurs visages avec les organes. » Ou : « Malgré l’évanouissement, le SouSec s’est encore débattu quand il a senti les rats entrer dans son corps. » Ou : « Ils lui ont ouvert le ventre pour en extraire le fœtus qu’ils donneraient aux porcs. » Sinon pour le reste, on n’a rien compris. C’est une histoire de secte et d’un mec qui s’appelle Plop parce qu’il est né dans la boue et que ça a fait

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plop

. Il devient un valeureux guerrier et est nommé chef de la secte dont les activités principales sont baiser, trouver de la bouffe, tuer, violer et se manger les uns les autres. C’est ­tellement incompréhensible que c’est sans doute génial, le genre « météorite des Lettres argentines, roman cru et sauvage, picaresque et futuriste » que vont adorer les

Inrocks

.

PHILIPPE GROLLERS

Maxwell Sim est VRP pour une compagnie de brosses à dents. Maladroit, déprimé, il a perdu sa femme encore plus perdante que lui et sa fille le snobe. En plus son père est pédé, sa mère est morte du cancer, il n’est pas riche, il a pris des kilos et il est traversé par des fantômes chelou. Oui, depuis

Testament à l’anglaise

, Jonathan Coe s’est transformé en Michel Houellebecq. Même qu’à la fin du roman, il dialogue lourdement avec le narrateur de son récit : « “Ça ne peut pas être fini”, dit Max. “Facile, a dit l’écrivain, je vais vous le dire, moi, comment ça finit.” Il m’a fait un dernier sourire, navré mais impitoyable, et il a claqué dans ses doigts : “Comme ça.” » Coe utilise vraiment cette pirouette de gros naze pour terminer son bouquin. En tout cas, il a un éclair de lucidité quand il écrit d’entrée de jeu : « Vous avez toujours envie de lire les 300 pages qui ­suivent ? » et conclut par : « Merci à ceux qui m’ont accompagné jusqu’ici. Sincèrement, j’apprécie. Et j’admire votre endurance, il faut le dire. » Hyper drôle, trouduc.

ARTHUR RAMBO