Ça vous a peut-être échappé mais, avant-hier, c'était la Saint-Valentin. Malgré trois ans de vie en couple, je ne me suis jamais vraiment intéressé à cet évènement où se télescopent à peu près tous les trucs qui m'angoissent dans la vie. Cette année, j'ai finalement renoué avec le célibat et en conséquence, avec l'envie d'aller célébrer « le jour de l'amour » en compagnie de gens qui, tout comme moi, cherchaient une excuse pour aller draguer lourdement des filles bien portantes à talons hauts.
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Après quelques recherches sur internet, je suis tombé sur cette soirée au nom accrocheur. D'abord rebuté par le potentiel hormonal dégagés par les mots « espace lounge » et « salsa », j'ai fini par me dire que cette soirée au Cap Rouge était l'occasion de ressortir mon unique chemise blanche, précieuse relique de mes années en école de commerce. Soudain gagné par un excès de confiance en moi – je venais d'enfiler la chemise à ce moment-là – je me suis décidé à mettre toutes les chances de mon côté afin de, moi aussi, trouver ma « valentine » au détour d'un cocktail sexy à base de menthe forte. Tel un Spartiate s'en remettant au dieu Eros avant une bataille, j'ai demandé à deux « experts » de me filer quelques tuyaux pour mener à bien mon projet : je me suis donc retrouvé avec une pléiade d'accessoires tels que des magazines, une eau de toilette, le livre Walden ou la vie dans les bois, des cigarillos bon marché et un porteclé en forme de chaussure pour enfant destiné à attirer les personnes du beau sexe.Accompagné par un pote et son appareil photo numérique, je me suis donc pointé rue Mouffetard sur les coups de 22h. À partir de là, il s’agit de reconstituer tous les évènements importants de cette soirée à l’aide des photos suivantes.
Voilà une partie de mon nécessaire de drague : un tour du monde de l'actu, de la littérature pour survivre en forêt, de la mode urbaine, du lifestyle et, bien entendu, le dernier numéro de notre très cher magazine.
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Là, c'est moi devant le bar en question. À cet instant de la soirée (il est 22h15), j'ai encore assez d'assurance pour ne pas m'inquiéter de toutes les vibrations érotico-cubaines que dégagent ces rideaux pourpres. Je me souviens avoir été fortement attiré par le logo suggestif de l'établissement, évoquant à la fois une lueur incandescente, un chapeau et une crinière de femme, soit trois éléments indispensables à une soirée réussie.
Devant le manque d'intérêt de ces meufs pour l'actualité européenne – j'avais commencé par feuilleter un numéro de Courrier International à propos du « renouveau allemand » –, j'ai sorti mon Walden en espérant que ce mouvement éveille leur conscience écologique.
Aucune réaction devant mon intérêt pour les belles lettres de Thoreau. Brusque changement de tactique : je commande cinq shooters parfum malabar. Cet événement signe mon entrée officielle dans le monde de la fête, ou plus exactement, de la fiesta.
Le coup du malabar a fonctionné : je me retrouve assailli par un gang de meufs. Un simple coup d'œil sur leur consommation m'en dit long sur leurs intentions. On ne commande pas un Port-aux-Princes (citron, mangue, rhum, rhum) si l'on n'a pas une idée sexy derrière la tête. Avec le recul, je pense que j'avais une touche avec celle de gauche qui prétendait ressembler à Catherine Zeta-Jones « avec une touche d' Astrid Veillon ».
Alors que la soirée bat son plein et que déjà, quelques « célibatards » déploient leurs premières routines en direction des « nanas », j'abas ma carte « journaliste dans le vent » en filant un exemplaire du numéro de février à cette fille. Quand elle se met à lire les chroniques de disques, je me fais habilement passer pour le contributeur Marco Polio.
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Après avoir troqué mon magazine lifestyle contre un sourire poli, je reprends confiance en moi et m'allume un cubain dont l'odeur fait très vite chier tous les convives du Cap Rouge.
Une demi-heure plus tard, me voilà en train de jubiler à l'idée que cette photo soit ma prochaine profile pic Facebook. L'ambiance est à son comble ; le DJ vient d'enchaîner Rihanna sur un autre Rihanna. De part et d'autre de la piste, les conversations fusent, les danses se font plus lascives, les meufs paraissent plus latines. Anecdote amusante : ces meufs s'appelaient Marie, Alice et Marie-Alice.
SCORE ! Jusqu'alors, aucune des filles abordées n'avait accepté de me donner son numéro. Alice, apaisée par le morceau ragga proposé par le maître ambianceur, me fait croire qu'elle veut mes coordonnées.
Mis en confiance par l'hospitalité du staff et les sept vodka-carambar que je viens de m'enfiler, je propulse une vanne bien sentie au barman à propos du mystère DSK et des événements de la chambre 2806 – rebaptisée pour l'occasion « chambre 28-zéro sexe ». Loyal, mon interlocuteur est mort de rire. Pour autant je n'oublie rien de ma mission ici, comme en atteste la charmante créature rousse en train de se glousser à ma gauche.
Deux heures du mat' : papa est dans la place, visiblement décidé à proposer une chorégraphie zouk-love à une foule de fêtards à jeans sculptés. Cette rate à talons sexy (déjà prise, malheureusement) me lance un regard « qui en dit long », ce à quoi je réponds par un sourire « qui en dit trop ».
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Une heure plus tard, bourré. L'épisode du regard et les échecs successifs m'ont définitivement décidé à rentrer chez moi. Savourant une dernière pinte en jaugeant la foule qui s'agite, maussade, ayant oublié pour de bon les raisons qui m'avaient décidé à me ridiculiser sur de la musique de merde en aspergeant mon estomac de cocktails excessivement chers et sucrés, je m'apprête à partir.
Un épisode de la soirée que j'ai oublié. Il doit être quelque chose comme 3h30 du matin, je suis probablement en train d'être reconduit dans le nord de Paris à l'arrière d'un taxi qui n'aura aucun mal à m'extorquer quelques euros de plus. J'ai cette expression résignée qui signifie « j'aurais pu mieux faire », et il ne reste de ma superbe que cette insolente moustache. C'est la première fois en 25 ans que je fêtais la Saint-Valentin, et je crois que j'aurais pu attendre deux ou trois années de plus.TEXTE : LOÏG HASCOATPHOTOS : FRANÇOIS SÉGALLOU
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