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Sébastien Peineau est l'unique professionnel français de sa discipline, l'arc à poulies

Champion du monde en 2016 et n°2 mondial du tir à l'arc poulies, il nous parle des JO et de sa discipline, méconnue.
Photo World Archery

Dimanche 6 mars en Turquie, Sébastien Peineau a écrit une page d'histoire de sa discipline. Il est devenu le premier champion du monde français de tir à l'arc à poulies, plus sophistiqué, plus rigide et plus puissant que les autres arcs. À Ankara, l'archer de 28 ans, originaire de la région parisienne, a vaincu le Néerlandais Mike Schloesser en barrages. Il rejoint Sophie Dodemont au palmarès tricolore, championne du monde en 2014.

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Une juste récompense pour un homme passionné et professionnel depuis peu, le seul en France. Deuxième mondial, il tire depuis qu'il a 4 ans, en famille. Toujours aux quatre coins du monde pour participer à la Coupe du monde, il s'est posé quelques minutes pour répondre à nos questions. À quelques mois des Jeux olympiques qu'il regardera à la TV, il regrette l'absence de l'arc à poulies dans cette grande fête du sport.

VICE Sports : Comment se retrouve-t-on à faire du tir à l'arc ?
Sébastien Peineau : Avant que je naisse, mes parents faisaient déjà du tir à l'arc. J'ai toujours été attiré. Gamin, chez mes grands-parents, je pratiquais durant les grandes vacances d'été. En 1992, j'ai vu Sébastien Flute remporter les Jeux olympiques de Barcelone. Ça m'a motivé [S_ourires]._ Je me suis mis au tir à l'arc en rentrant à la maison à Paris. L'histoire était en marche.

Vous faites du tir à l'arc à poulies. Quelles sont les différentes catégories du tir à l'arc ?
Il y a le tir à l'arc classique, ce qu'on peut voir aux Jeux olympiques. Il existe depuis des milliers d'années et il a fortement évolué avec le temps. Sur le principe, ça reste la même chose. L'arc à poulies a été inventé à la fin des années des 1970 et au début des années 1980. J'ai fait du classique jusqu'en 2003. Je n'ai pas eu le choix. Je ne fais pas de corne qui se forme au niveau des doigts. Quand vous tirez, vous avez des points de contact assez forts. Avec la répétition des tirs, vous avez de la corne qui apparaît pour protéger les doigts. En 2002, j'ai ramené deux médailles au championnat de France. La Fédération m'a proposé de faire une détection pour intégrer un pôle espoir. J'ai intensifié mon entraînement mais je me flinguais les doigts car je n'avais pas de corne. Du coup, je me devais protéger mais c'était impossible. J'ai donc opté pour l'arc à poulies.

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Quelles sont les différences entre les deux arcs ?
L'arc à poulies est plus puissant et plus rapide. La précision est améliorée. À chaque extrémité des branches vous avez une poulie en haut et bas ce qui permet de démultiplier la puissance. Ce sont les grosses différences. C'est une façon vraiment différente de tirer. Il y a un temps d'adaptation pour trouver ses marques. Si tu as un niveau correct en classique, le changement est plus aisé. Après pour être au top en arc à poulies, il faut de l'entraînement. Comme partout [Sourires].

Vous me parliez du pôle espoir. Comment s'articule la formation ?
Comme dans quasiment tous les sports, il y a des pôles espoirs. Il y en a quatre. Après le tireur peut intégrer un des trois pôles France et après l'INSEP. Il y a des entraîneurs nationaux, des stages, etc. Ils observent et détectent les jeunes durant les compétitions. Il y a toujours un vivier important pour préparer l'avenir.

Les sports olympiques sont à l'INSEP. Qu'en est-il de vous ?
Le tir à l'arc classique y est évidemment. Or, le tir à l'arc à poulies n'est pas une discipline olympique… C'est malheureux. J'espère qu'on y sera un jour. Néanmoins, j'ai la possibilité de m'entraîner là-bas quand le coach national est présent. Ce que je vais faire aujourd'hui. Nous avons accès à l'INSEP pour profiter des installations, mais nous ne sommes pas internes comme les archers classiques qui préparent les JO.

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Dernièrement, vous avez été champion du monde en salle. Avez-vous vécu ça comme une confirmation ou autre ?
C'est compliqué de dire que c'est une confirmation. En arc à poulies, la précision est vraiment difficile, surtout en compétition. Nous tirons à 18 mètres et le 10 (score maximum, ndlr) est de 2 centimètres. Quand il y a des matches à élimination directe, il peut avoir des égalités. Pour se départager, tout se joue à une flèche et quelques millimètres. C'est une semaine qui a été parfaite. Lors des qualifications, j'avais très bien tiré. Tout s'est enchaîné. C'est une vraie satisfaction d'être champion du monde. C'est le plus beau titre qu'on peut avoir en tir à l'arc à poulies. C'était un de mes objectifs et une semaine qui va rester gravée dans ma tête.

A quoi ressemble une semaine type d'archer de haut niveau ? Y a-t-il une préparation spéciale avec le championnat du monde ?
Avant, je travaillais tous les jours, du mardi au samedi. Je m'entraînais donc le soir. Grâce à mes sponsors, je suis passé professionnel. Mon dernier jour de boulot était le samedi avant de partir aux championnats du monde. Maintenant, c'est l'entraînement dans la journée et cela me permet d'améliorer ma préparation physique ainsi que les tests sur le matériel.

Est-ce que vous sentez déjà une différence ?
Oui, évidemment. Je m'impose un planning pour ne pas m'endormir et rester dans une certaine forme de confort : tant d'heures d'entraînement par jour, etc. Je bosse aussi à la maison, je fais de la communication pour mes sponsors. Si je suis un peu fatigué, je peux me permettre de dormir une demi-heure de plus. Quand je pars à l'étranger, je peux commencer à gérer le décalage horaire. Ce sont des détails qui font la différence.

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Le tir à l'arc est un sport où le mental est primordial. Comment travaillez-vous ça ?
À vrai dire, nous avons une préparatrice mentale qui intervient lorsque nous sommes en stage avec l'équipe de France. Mais c'est surtout l'expérience qui prédomine à ce niveau. Lorsque tu es en finale pour la première fois et que tu peux décrocher une médaille, tu es liquide. Ça m'est arrivé en 2011 lors des Championnats d'Europe en salle. J'ai mené tout le long et, lors de la dernière manche, je me fais rattraper et je perds aux barrages. Cette défaite est clairement de ma faute, mon mental a une responsabilité. Au lieu de me concentrer, j'ai voulu basculer au niveau du résultat. Je n'ai pas tout mis en place pour tirer 3 bonnes flèches. Nous apprenons de nos erreurs. L'expérience permet de gérer son tir, de savoir comment s'y prendre, etc.

Avez-vous une préparation avant de tirer ?
Pas spécialement. Nous nous entrainons avant sur le terrain des finales. Je fais surtout attention aux placements pour bien mettre en place les choses. Une fois qu'il y a de l'engagement et que tout est en place, c'est un raisonnement positif. Même si je fais une petite erreur, je vais de l'avant, je suis positif. Dans un sport individuel, c'est nécessaire.

Durant les compétitions, avez-vous un coach qui donne de la voix ?
Notre premier adversaire, c'est nous. Sur les compétitions en équipe de France, le coach est toujours présent. Il tourne entre les différents archers. Quand il y a un mec dans le dur, il va plutôt aller vers lui pour le recentrer. Il n'y a pas un coach par athlète.

Il y a aussi une compétition par équipe. La notion du collectif semble primordiale dans votre discipline.
Même si on fait des qualifications à titre individuel, elles comptent pour le classement en équipe. Nous nous soutenons quoi qu'il arrive. Nous essayons de tous rester positifs et encourager l'autre qui est dans le dur.

Comme dans tous les sports, il y a des nations phares dans votre discipline. Pourquoi et comment expliquez-vous leur succès ?
En tir classique, les Asiatiques (surtout la Corée, ndlr) sont vraiment doués, ils dominent. En Corée, l'entraînement est quasi militaire. Les Américains et les Danois sont très forts en arc à poulies. En France, nous sommes très bien placés aussi. L'entraînement joue un rôle essentiel, mais pas que. Ils ont des méthodes différentes. Je pense que c'est avant tout une différence de culture. Il n'y a pas spécialement une méthode mieux que les autres.

Par rapport à ça, y a-t-il des athlètes qui sont partis en Corée ou autre pour approcher une méthodologie différente ?
Cela ne se fait pas ici. Par contre, il y a des coachs coréens, en Espagne ou aux Etats-Unis par exemple. Ce sont eux qui s'exportent.

Nous avons compris que l'absence de votre discipline aux JO est une déception. Les instances se battent-elles pour cette reconnaissance ?
Nous militons pour ça. Pour le moment, ce n'est pas le cas. Ce serait une super récompense et ça modifierait la vision de l'arc à poulies et ça permettrait d'avoir plus d'argent, plus d'aides ainsi que de reconnaissance.