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​Ces athlètes qui ont eu recours au crowdfunding pour financer leur préparation aux JO

Derrières les médaillés des JO, certaines athlètes galèrent pour pratiquer leur sport et arriver à Rio. Comment se débrouillent financièrement les athlètes olympiques de l'ombre ?

Derrière le porte-drapeau Teddy Riner ou les athlètes ultra-médiatisés que sont Renaud Lavillenie, Tony Parker ou Florent Manaudou, il y a le reste de la délégation française qui défilera lors de la cérémonie d'ouverture des Jeux de Rio ce vendredi 5 août. Des sportifs presque anonymes, les meilleurs de leur discipline parfois, mais qui ont une reconnaissance nationale limitée s'ils ne conquièrent aucun podium pendant les Jeux olympiques.

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Ces athlètes-là n'ont pas de tapis rouge qui leur est déroulé pour arriver jusqu'aux Jeux. Conjuguant généralement leur pratique sportive de haut niveau avec un emploi ou leurs études, leurs émoluments uniquement sportifs sont limités aux subventions, salaires versés par les clubs ou éventuels sponsors. Impossible de vivre de son sport dans ce cas et un peu juste parfois pour réussir au mieux sa préparation et pouvoir performer lors des Jeux.

C'est pourquoi s'est développé depuis quelques années le crowdfunding sportif, qui vise à apporter un soutien financier à ces athlètes qui, parfois, galèrent un peu. Des plateformes de financement participatif comme Sponsorise.me ou Fosburit permettent donc à ces sportifs de l'ombre de solliciter les internautes (plus généralement leurs proches) afin de rassembler de l'argent pour pouvoir préparer les grandes compétitions sans trop s'inquiéter pour leur porte-monnaie.

En 2009, le perchiste Romain Mesnil avait ainsi fait découvrir cette pratique en réalisant une vidéo devenue virale où il courait nu dans les rues de Paris, histoire de signifier qu'il avait perdu tous ses sponsors. Pour cette vidéo, il avait demandé de l'aide de Gilles Dumas et Loïc Yviquel, créateurs d'une agence de marketing sportif. Ceux-ci créeront ensuite la plateforme Sponsorise.me, pour mettre en contact athlètes et sponsors. En 2014 se lance par la suite Fosburit, qui revendique plus de 90% de réussite dans ses campagnes de crowdfunding. Pour les JO de Rio, elle a hébergé 25 campagnes dont 24 sont allées au bout, pour plus de 116 000 euros collectés en tout.

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Parfois, le crowdfunding mène à de belles histoires, comme celle de Daniah Hagul, nageuse libyenne, qui a collecté plus de 6 800 euros sur GoFundMe pour participer à ses premiers Jeux. Alors que la fédération libyenne de natation est presque inexistante et que seules quatre Libyennes ont pris part à la compétition de natation dans l'histoire des Jeux.

Mais ces plateformes de crowdfunding participent activement également à ces campagnes. Sponsorise.me s'est alliée à Powerade en vue de ces Jeux de Rio. Le site a aidé en tout 121 sportifs pour 14 pays représentés et 3 600 euros collectés en moyenne. La plateforme démarche parfois les athlètes olympiques pour leur proposer de les rejoindre et ainsi lancer une page leur permettant d'acquérir un petit bonus avant de s'envoler vers Rio.

VICE Sports a parlé crowdfunding et galères financières avec trois de ces athlètes français qui participeront aux Jeux :

Maroussia Paré, 4x100 mètres, 2023 euros collectés

« C'est Sponsorise.me qui est venu directement vers moi. Je n'avais pas vraiment de besoins au niveau financier, grâce aux aides de la Fédération, mais je me suis dit que ça pouvait m'aider. La somme récoltée ce sera pour la saison prochaine. Au niveau des revenus, j'ai les aides de mon club, de la région et de la fédération, grâce à une bourse à laquelle j'ai le droit depuis cette année seulement.

Pour mes heures d'entraînement, vu que je suis étudiante en troisième année de psycho, j'ai le temps de m'entraîner environ dix/douze heures en moyenne par semaine. Je n'ai pas à financer mes équipements vu que j'ai un contrat chez Adidas, c'est plutôt pratique là-dessus. Pendant l'année, ce qui coûte le plus cher, ce sont les stages d'entraînement, avec les déplacements, l'hébergement. Je suis partie deux fois au Portugal cette saison, où il y a un bon rapport qualité/prix. En tout, j'en ai pour 2000 euros dans une saison. »

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Pauline Pousse, lancer du disque, 2320 euros collectés

« J'ai arrêté de travailler le 1er avril pour tenter l'aventure des Jeux olympiques. J'ai eu recours au financement participatif parce que je me retrouvais sans revenus. Les gens qui m'ont financée, c'était soit la famille, soit des connaissances, et quelques personnes que je ne connais pas. Un tiers de chaque environ, pour un objectif de 1 500 euros.

En commençant ma carrière sportive, je savais que je n'allais jamais pouvoir vivre de mon sport. J'avais donc tout misé sur mes études de kiné. Jusqu'en avril dernier, je travaillais à mi-temps, tout en ayant 20 heures d'entraînement par semaine, 4 heures par jour. Je me suis rendue compte après avoir quitté mon travail que les conditions d'entraînement étaient incomparables, au niveau de la récupération notamment. On n'a pas la fatigue du travail, je peux faire des siestes quand je veux… Avant, j'arrivais à l'entraînement et j'étais déjà fatiguée. L'an dernier par exemple, j'ai fini la saison à un mètre des minimas, mais surtout j'étais épuisée physiquement et surtout psychologiquement. J'ai donc décidé de ne pas faire la même erreur cette année. J'ai pris le risque, mais je sais que je retrouverai du travail dans mon secteur. Après, j'ai gagné un peu de sous en participant à des meetings que je n'aurais pas faits si je travaillais encore, donc je ne regrette rien.

Personnellement, je n'ai pas beaucoup de frais pour pratiquer mon sport : tout juste mes paires de chaussures spécifiques. J'en use quatre ou cinq paires pendant l'année, à une centaine d'euros la paire. Je n'ai pas de frais de stage d'entraînement, parce que je n'ai pas les moyens d'en faire. Et l'argent gagné grâce à mon sport part dans le loyer et la nourriture.

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Au niveau de mes revenus, j'ai mon club qui m'aide un peu, quelques milliers d'euros à l'année, en fonction de mes résultats. J'ai monté un dossier pour avoir un financement du comité d'athlétisme de l'Essonne, j'ai touché 1 500 euros. Et après j'ai un peu moins de 2000 euros de la fédération pour l'année.

Le problème avec ce système, c'est qu'on vous demande d'abord des grosses performances, et après on vous aide. Si vous êtes à la limite des podiums, si vous n'êtes pas assez médiatiques, on ne vous aide pas beaucoup.

En même temps, il n'y a que la fédé d'athlétisme qui a un tel fonctionnement. Je comprends qu'elle soit obligée de choisir, de mettre des critères élevés pour aider au mieux. Seulement derrière, on galère un peu. Après, c'est sûr que je ne fais pas mon sport pour l'argent. Mais si j'étais sûre d'avoir de quoi payer mon loyer à la fin du mois, ce serait peut-être plus simple. »

Jérémy Monnier, carabine 10M hommes, 3562 euros collectés

« C'est la plateforme de financement participatif qui m'a contacté début avril. J'avais déjà vu quelques athlètes qui s'étaient lancés là-dedans, je me suis dis "pourquoi pas ?". C'est quelque chose qui arrive en plus de ce que j'avais prévu dans ma préparation pour les JO. Les gens qui ont participé étaient surtout de mon entourage, des gens de la communauté du tir ou quelques entreprises locales. Ça m'a permis d'être plus à l'aise pour financer du nouveau matériel.

Dans mon sport, la fédération prend en charge une bonne partie des munitions. Nous, au niveau de l'équipement, ça coûte 2000 euros pour tout ce qui est vestimentaire, et les carabines peuvent aller jusqu'à 6000 ou 7000 euros. On a une aide de la fédé, 2000 euros environ et j'ai des sponsors, des institutions qui m'apportent une petite aide financière.

Je vis surtout grâce à mes études et ma profession : je suis prof de sport, rattaché au ministère des Sports. J'aide des jeunes qui pratiquent le tir à la carabine lors de stages ou de compétitions. Ça me prend en tout deux à trois mois dans l'année et ça me laisse le temps de m'entraîner 20 à 30 heures par semaine. Là, ce crowdfunding m'a surtout permis de m'acheter un deuxième canon à 50 mètres, un canon de secours à 4000 euros, et un simulateur de tir, un outil qui permet de s'entraîner même chez soi, pour 2000 euros. »