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Tourner un film sur le toit du monde, dans un espace restreint

Le film "Meru" a établi un nouveau standard dans le cinéma de montagne. Et, dans le monde, il n'y a que quelques personnes capables de réaliser ce genre de travail.
Courtesy of Music Box Films. Photo by Jimmy Chin

Cet article a été réalisé en collaboration avec Canal +, dans le cadre de la diffusion du film Meru le mardi 14 décembre à 20h50.

Meru est un film qui parle d'une montagne, mais son propos est essentiellement humain : les échecs et triomphes de trois hommes qui se lancent dans l'ascension du pic de l'Himalaya le plus difficile à grimper techniquement, le Meru Central, qui culmine à 6 604,10 mètres d'altitude. C'est peut-être grâce à cela qu'il a su captiver une large audience – il a gagné le Prix du public (dans la catégorie documentaire) lors de l'édition 2015 du festival de Sundance et a été diffusé dans des cinémas partout aux États-Unis, là où tant d'autres projets sur l'escalade et l'alpinisme ont échoué.

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Meru, est le fruit du travail d'une équipe composée de trois des alpinistes parmi les plus talentueux au monde : Jimmy Chin et Renan Ozturk, derrière la caméra, et Conrad Anker, qui a rêvé de cette ascension pendant longtemps.

Le trio entreprend l'ascension du Meru en passant par le Shark's Fin (littéralement l'aileron du requin), un mur de pierres escarpé de plus de 1 200 mètres, au sommet de la montagne. L'épreuve est quasiment impossible à réaliser, car elle pose des contraintes techniques et physiques difficilement contournables. Chin l'a décrit comme l'El Capitan (dans la vallée du Yosemite), empilé sur le Denali (Alaska). L'ascension nécessite un matériel d'alpinisme sophistiqué, de camper en haute altitude, de prendre des centaines de mesures précautionneuses (comme couper les étiquettes des vestes) et impose un rationnement strict de la nourriture.

En ce qui concerne la photographie, l'équipe dispose d'une faible réserve de piles et de seulement deux appareils photo à partager, un Canon 5D et un Panasonic TM9000, un appareil "en forme de canette de bière". Pas de trépied, ni de moyen d'archiver et de sauvegarder les données recueillies. La batterie est l'une des ressources les plus importantes. Choisir ce qui vaut la peine d'être filmé ou non est un sujet de préoccupation constant. Tourner la nuit, par exemple, signifie une utilisation de batterie plus importante que le jour, mais offre le potentiel de produire des images exceptionnelles.

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Les productions de films d'aventure proviennent généralement de deux types d'expéditions : celles orchestrées dans le but de produire ledit média, disons un film, et celles où la production vient après un but physique, disons, escalader une montagne ou filmer une espèce rare dans son milieu naturel.

« Le tournage le plus difficile est celui que nous avons fait sur Meru – c'est une expédition où tu es pressé et tu filmes, et ce qui en ressort est secondaire parce que ce qui compte, c'est avant tout l'ascension, tellement intense, avoue Chin, qui a réalisé le film avec Elizabeth Chai Vasarhelyi. L'espace est restreint, en particulier lorsqu'on essaye de filmer des séquences de haute qualité sur le plan cinématographique, parce qu'en gros, il faut être un athlète professionnel en même temps. »

Chin est skieur et alpiniste professionnel pour The North Face depuis 2001. Ozturk est alpiniste professionnel pour The North Face depuis 2005. Tous deux ont déjà participé à des aventures pour un film ces dix dernières années. Sur des projets comme Meru, ils doivent continuellement décider quelle est la priorité entre filmer et escalader.

Jimmy Chin dans Meru. La photo, prise par Renan Ozturk, est publiée avec l'aimable autorisation de Music Box Films.

Il aura fallu deux essais pour que l'équipe parvienne au sommet du mont Meru. Durant le premier, en 2008, les trois hommes se sont retrouvés piégés au cœur de la montagne pendant 19 jours, survivant avec des vivres pour tenir une semaine seulement. « Quand grimper te demande autant d'efforts, comme tirer le poids de toute l'équipe pour aider Conrad à réaliser son rêve, tu te sens privilégié de filmer dès que tu en as l'occasion », estime Ozturk.

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« Imaginez prendre toutes les personnes capables de grimper des montagnes aussi difficiles que Meru. Dans cette élite, prenez celles capables de filmer quelque chose qui sera projeté à Sundance, y gagnera un prix et sortira dans tous les cinémas du pays. C'est du jamais vu », a déclaré Sadie Quarrier, une photographe à National Geographic Magazine ayant collaboré avec Chin et Ozturk par le passé.

« En général, derrière les films qui arrivent à Sundance, il y a une grosse équipe, capable de prévoir et d'organiser les shoots à l'avance et les réorganiser si jamais c'est nécessaire, a ajouté Quarrier. Là, vous avez des mecs dans des conditions extrêmes. Sortir un film de la qualité cinématographique de Meru, c'est un exploit. Je suis sûre qu'il existe une ou deux autres personnes sur terre capables d'une telle prouesse, mais ils n'arrivent pas à la cheville de ces gars-là. »

En plus de Sundance, Meru a reçu d'autres distinctions, parmi lesquelles on compte le Charlie Fowler Award au Festival du Telluride Mountain Film. Il a récolté les louanges des critiques (91 % de critiques positives sur Rotten Tomatoes). C'est aussi un succès commercial puisque Meru a réalisé un score de 2 332 000 dollars au box-office rien qu'aux États-Unis.

« Meru, c'est filmer la nature pour décrire l'humain, pas l'inverse, reconnaît Chin. Cette expérience était tellement crue que j'ai du mal à croire que j'y ai vraiment participé. C'est impossible de recréer cela. Les gens le sentent en le voyant. »

Cet article a été réalisé en collaboration avec Canal +, dans le cadre de la diffusion du film Meru.