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Le type qui s’est acheté une île en Croatie pour en faire un Ibiza écolo

Est-ce que vous avez déjà entendu parler d’Obonjan ? Non ? Normal, Obonjan (qui se prononce O-BON-YAN) est une île d’1,5 kilomètre carré située sur la côte dalmate, au sud de la Croatie. Ça ressemble à un rocher paradisiaque, surplombé de pins et d’oliviers. Après avoir été visitée par une poignée d’êtres humains, l’île est restée totalement inhabitée ces dix dernières années – mais c’est sur le point de changer.

Quand l’info a circulé il y a quelques mois, que les organisateurs du mégafestival croate Unknown avaient « acheté une île », tout le monde a immédiatement pensé la même chose : ce caillou perdu allait devenir un nouveau purgatoire electro, lieu d’orgie, de débauche et de DJs infernaux payés en cachets inhumains. Ce genre de plans ne fait plus rêver personne, on sait ce qu’Ibiza est devenue : l’eau est polluée, l’air est saturé de BPM, la cocaïne est de mauvaise qualité et les trois-quarts de l’île sont recouverts de paquets de chips vides.

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Mais quand on a rencontré Dan Blackledge—un des nouveaux propriétaires d’Obonjan — il s’est avéré que le plan était tout autre, et que le projet voyait nettement plus loin que des food trucks ouverts 24h/24 et des clubs à 30 balles l’entrée. Dan nous a parlé du programme à venir sur son île, où sont prévus cours de méditation, débats sur le développement durable et concerts, entre autres, de Dilated Peoples, Roy Ayers, Lindström, Saul Williams et Poliça.


Ces photos datent des années 70, à l’époque où Obonjan était baptisée l’« île de la Jeunesse »

Noisey : Salut Dan, et félicitations, ça doit être plutôt excitant de savoir que tu possèdes ta propre île.
Merci ! Je crois que « posséder sa propre île » est un rêve que beaucoup de gens avaient quand ils étaient gpsses, mais ce n’est pas un truc que tu imagines possible. On m’a emmené sur cette île un jour et je me suis simplement dit que c’était l’un des endroits les plus cool que j’avais jamais vu. Les gens qui nous avaient fait visiter avaient l’intention de faire autre chose, mais dès que je l’ai vue, j’ai immédiatement eu cette idée de village global. Eux voulaient la scinder en plusieurs parties distinctes chaque week-end mais mon idée était plutôt d’en faire un grand terrain de jeu le temps d’un été.

Donc ça ne va pas être qu’une « île dédiée à la fête » ?
Quand on s’est lancés, on n’a pas voulu dévoiler toute la programmation parce qu’on ne voulait pas que les gens pensent en terme de festival – ce n’en est pas un. Il s’agit plus de performances uniques dans un lieu qui l’est aussi.

Le mercredi, tu auras un groupe live suivi d’un DJ qui mixera toute la nuit, ensuite le jeudi, tu auras un groupe live mais pas de DJ, et ainsi de suite. Il n’y a pas de formule établie, la prog est étalée, tout n’est pas surchargé comme dans un festival habituel – avec 5 scènes, des afterparties, etc. On a gardé seulement quelques éléments, il y a un bar de nuit, un petit club techno au milieu de la forêt, mais le programme est très varié, les gens peuvent y aller ou passer un moment tranquille ailleurs.

Les gens peuvent y séjourner plus longtemps que la simple durée du festival ?
Les gens peuvent rester le temps qu’ils veulent, quelques nuits ou quelques semaines. On encourage les gens à booker un séjour minimum d’une semaine pour qu’ils puissent vraiment vivre l’expérience, écouter de la musique, participer à des conférences, et bénéficier des avantages de ce spot paradisiaque.

On a amené beaucoup de collaborateurs extérieurs, comme par exemple le Well Garden pour tout bce qui concerne le bien-être, ils nous ont envoyé des profs de yoga pour donner des cours de méditation. On a un passif dans la musique donc on booke pas mal d’artistes, et on essaie de faire en sorte que les artistes s’impliquent eux aussi dans la prog.

Ok, mais sans être cynique, l’état sauvage de l’île va sûrement être dégradé par le projet non ?
Alors, ce n’est pas une île déserte, elle a déjà été habitée auparavant. Elle a une histoire et possédait déjà des infrastructures. D’un point de vue environnemental, je n’ai pas pour but de hacker une île. Les arbres qui sont là ont été plantés par des hommes. L’île a précédemment servi aux Scouts, elle était appelée l’Île de la Jeunesse, donc il y avait déjà des constructions quand on l’a découverte : une piscine, des bungalows, un grand restaurant. Il y a aussi un amphithéâtre qui est parfait pour la musique, et qui a été construit par les Scouts dans les années 70.

On a aussi réalisé que si l’île est recouverte de pins, c’est dû à la Commission des forêts qui les a planté dans les années 50, juste après la Seconde guerre mondiale. Ils ne sont pas là par accident, il y a déjà des chemins et des entrées qui permettent de se déplacer sur l’île.

Quel est ton plan pour faire perdurer cet environnement sur le long terme ?
On veut avoir un impact positif au niveau social, économique, et environnemental, et on a recruté des personnes dans ce sens. Venant du milieu des festivals et du clubbing, on n’avait pas forcément l’expérience nécessaire, donc on a fait appel à des gens qui savent de quoi ils parlent. Les créateurs du projet Eden nous ont rejoint. Brian Spooner, qui fait partie de l’Eden Lab, dirige notre centre de développement stratégique. On lui a présenté notre plan, et il est chargé de trouver les solutions pour que tout se passe au mieux. On étudie la biodiversité en ce moment, dans le but de collecter des données sur l’évolution de l’île sur 5 ans, puis 10 ans, et ainsi de suite.

Quand tu as une opportunité pareille – nous avons la main sur l’île pour 44 ans – tu veux laisser une empreinte positive. Le meilleur moyen de le faire est de penser au développement durable.

Vu ton background dans les festivals, c’est plutôt surprenant de voir autant d’investissement dans le bien-être et le yoga.
On aimerait que notre projet s’ajoute aux propositions de festival en Croatie. Je pense qu’après un festival, les gens sont à plat, là on leur donne l’opportunité de venir passer 4 jours sur une île avant de rentrer en Angleterre ou ailleurs, donc ça leur évite de ramasser à l’aéroport de Split. Je crois que c’est une façon d’améliorer l’expérience en festival, et en même temps on propose une alternative.

Tu penses que l’île pourrait restituer certains des idéaux que des endroits comme Ibiza ont perdu ? Je pense à la communion avec la beauté du lieu par exemple, plutôt que le simple fait de se défoncer la tête.
Exactement, il s’agit d’y être et d’embrasser le lieu. Regarder des photos est une chose – vous pouvez avoir une idée de l’île – mais ce n’est rien comparé au fait de la voir en vrai. La première fois que les gens visitent Obonjan, ils n’en reviennent pas.

Si le statut de la Croatie comme « nouvel Ibiza » (une étiquette qui existe seulement depuis quelques années) a vraiment un sens, alors on doit en tirer les leçons qui s’imposent. Les effets du tourisme à Ibiza ont été désastreux, socialement, culturellement et environnementalement – comme on pouvait s’y attendre d’une destination touristique née des rêves de disc-jockeys. Obonjan tient plus du lotus blanc que de l’îlot blanc, l’équipe derrière le projet a clairement l’objectif d’investir autant au niveau de l’environnement que du line-up. Avec ça en tête, on espère que l’île sera la destination plebiscitée des gens pour de nombreuses années à venir.

Plus d’infos sur Obonjan ici.

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