Pendant l’Euro 2016, VICE Sports s’intéresse en priorité aux supporters venus de toute l’Europe pour soutenir leurs équipes nationales. Chants guerriers, fumis et passion parfois débordante, tout ça, c’est dans notre série Kopland.
Glenda Farr nous vient tout droit de Belfast, en Irlande du Nord, et ne manquerait pour rien au monde le moindre match de la Green and White Army. De Windsor Park au Parc des Princes, le football fait partie intégrante de sa vie, pour le plus grand plaisir de ses proches, d’elle-même et de son chien.
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Comme convenu, j’envoie un message à Glenda sur les coups de 11h30, afin de connaître l’endroit où nous allons nous rejoindre. Problème, le temps passe et toujours pas de nouvelles. 30 minutes, 45 minutes, puis une heure quand soudain je reçois enfin une réponse : « Salut Kevin, désolé j’étais en train de dormir. Je serai côté de la Tour Eiffel d’ici une heure. Je te préviens dès que j’y suis. J’ai du mal à me repérer dans cet endroit ». 12h38, toujours au lit, je comprends que j’ai affaire à un personnage haut en couleurs, à dominance verte.
Le lieu de notre rencontre est symbolique puisque je retrouve Glenda à proximité de la Tour Eiffel, de l’Ambassade d’Australie, mais aussi, et surtout, de la Truce Statue, symbole de paix et de trêve le jour de Noël 1914, quand les soldats britanniques et allemands se sont affrontés lors d’un match de football. Je me dirige vers un petit groupe de supporters nord-irlandais. Ils me désignent Glenda. Crinière blonde, collier à fleurs – vertes, forcément – chapeau de circonstance, elle m’accueille chaleureusement et me présente sa bande. « On est venu à 9, mais tu vas voir, on se connait tous ». Elle ne croyait pas si bien dire. À peine avons-nous eu le temps d’évoquer sa passion qu’une première supportrice s’arrête pour l’enlacer et lui demander un selfie. Revenons à nos moutons, Glenda et le football, ça ne date pas d’hier « J’aime le foot depuis toute jeune. Je suis assidument l’Irlande du Nord depuis les années 80. Ma première au stade était en 1980, à Windsor Park déjà, lors d’un match entre l’Irlande du Nord et l’Albanie. Ça s’est accéléré dans les années 2000. Sur ces 10 dernières années, je n’ai pas raté un seul match de la sélection, à domicile comme à l’extérieur. Je me rends également au stade pour supporter Linfield ou Wolverhampton. Impossible de savoir à combien de matches j’ai assisté, mais ça doit se compter par centaines, voire par milliers. » Rien que ça.
Irlande du Nord, Linfield, ça fait pas mal de temps passé à Windsor Park (le stade où évoluent la Norn Iron et les Blues, ndlr). C’était sans compter sur une révélation inimaginable : « Je me suis mariée sur la pelouse de Windsor Park d’ailleurs ». Comment ? Pourquoi ? La raison était toute trouvée. « Mon mari et moi nous sommes rencontrés à Windsor Park, où les supporters de Linfield se rejoignent avant un match à l’extérieur. On a donc eu l’idée de nous marier au stade. » Histoire de faire les choses comme il se doit, Glenda et Andy se sont dits oui dans le rond central avec, en guise de témoin privilégié, Jake, leur chien, aux couleurs de Linfield évidemment. Mieux encore, au lieu des traditionnelles talons, peu adéquates sur les rectangles verts, Glenda a opté pour des chaussures de foot à crampons.
Elle qui a connu tant de stades, je ne peux m’empêcher de lui demander son avis sur l’organisation et la sécurité de l’Euro. Le premier terme qui lui vient à l’esprit est « laxiste ». « On s’attendait à davantage de sécurité, surtout après ce qu’il s’est passé en novembre dernier. Il n’y a qu’à Paris où les mesures de sécurité sont à la hauteur. À Nice en revanche, on nous a demandés de nous diriger vers la promenade des Anglais où des bus nous emmèneraient au stade. Au lieu de cela, ils se sont arrêtés à 2, 3 km. On a un ami qui est en béquilles, c’est franchement moyen. On s’est également retrouvé regroupé dans un coin en attendant je ne sais quoi. On aurait pu se faire attaquer sans aucune issue de secours. ».
Alors que bon nombre de supporters se prennent en photo en se serrant la main devant la Truce Statue, un air familier gagne mes oreilles…« Going on up to the spirit in the sky. It’s where i’m gonna go when I die. When I die, and they let me to rest, I’m gonna go on the piss with Georgie Best. ». De manière assez surprenante, c’est un fan autrichien qui a entonné ce chant à la gloire de la légende George Best, repris en cœur par tous les Nord-Irlandais présents. Le 5ème Beatles, à jamais dans leur cœur, orne encore quelques maillots, dont celui de Shan, amoureuse de Best devant l’éternel, et pleine d’affection pour Glenda : « On s’est rencontré il y a une dizaine d’années, grâce au football. C’est une véritable légende, tout le monde la CORRY, CORRY CORRY, CORRY EVANS ! JONNY, JONNY JONNY, JONNY JONNY EVANS ! » Vous l’aurez compris, dès qu’un hymne nord-irlandais est lancé, tout le monde s’arrête pour le chanter à poumons déployés, que ce soit celui sur les frères Evans ou le cultissime Will Grigg’s on Fire. Shan reprend : « Glenda, tout le monde la connaît. Elle va à tous les matches, une vraie dingue de foot. C’est vraiment quelqu’un qui a le cœur sur la main en plus. Pour te donner un exemple, à Noël dernier, son mari et elle ont organisé un immense repas pour les personnes âgées de leur ville ».
Milieu d’après-midi. On se dirige tranquillement vers la station de métro Bir-Hakeim, direction Porte de Saint-Cloud et le Parc des Princes. En chemin, pas moins d’une dizaine de supporters se sont arrêtés pour saluer Glenda, l’enlacer ou prendre une photo avec elle. Petits yeux, grand sourire, elle m’avoue quelques instants plus tard qu’elle ne s’est pas contentée de soda, mais plutôt d’un bon Vodka Coca. La compréhension s’amenuise à mesure que l’ébriété avance, et croyez- moi, elle avance vite. Il faut bien avouer qu’il y a de quoi être enjoué quand on voit les résultats des hommes de Michael O’Neill, dont une victoire mémorable face à l’Ukraine. « C’était absolument fantastique, raconte t-elle. L’ambiance était géniale. J’ai rarement vécu pareil moment. Quand on se dit qu’on a atteint les 8èmes de finale, c’est fou ! Beaucoup ont eu peur d’une branlée contre l’Allemagne, je n’y ai pas cru, mais même si on en avait pris 7, j’aurais été heureuse. ».
Changement de ligne à Trocadero, toute de vert vêtue. Les chants s’enchaînent, les tympans saignent, la joie règne. Glenda danse, saute, hurle et lance même des chants. Tout le répertoire y passe, de la chanson dédiée aux frères Evans à « Everywhere we go, everywhere we go, it’s the Ulster boys, making all that noise, everywhere we go » en passant par « Will Grigg’s on fire, your defence is terrified ! ».
Arrivés Porte Saint Cloud, je demande à Glenda si elle sait combien de fois elle a entonné ces différents chants depuis son arrivée dans l’Hexagone. « Une bonne centaine de fois j’imagine, répond-elle, sans doute autant de fois que nous avons ingurgité de pintes. ». Le buzz autour de Will Grigg’s on Fire lui était totalement inconnu, mais la remplit de bonheur : « Vraiment ? On est si populaire que ça ? C’est incroyable ! Ça me fait tellement plaisir d’entendre ça. Faut que tu le racontes à mes amis, ils ne vont pas me croire autrement ! Tu sais, on vient ici surtout pour la fête, s’amuser, tout en étant respectueux. C’est notre état d’esprit. J’ai entendu que des Irlandais et Nord-Irlandais se sont retrouvés dans un bar il y a quelques jours, et tout s’est bien passé. C’est une jolie pub pour notre pays en termes de tourisme. En tous cas, ne t’inquiètes pas, on n’est pas prêt de s’arrêter de chanter ! ».
Le match approche. L’ambiance monte d’un cran. Les canettes se vident, les vessies aussi. Glenda m’explique qu’elle doit aller aux toilettes avant de se ravitailler en boisson. Certains de ses amis ont déjà passé le premier contrôle. Un autre me salue. Je comprends que je n’ai que peu de chances de la retrouver étant donné le nombre de supporters présents. J’imagine qu’elle est allée on the piss with Georgie Best.