On a rencontré les trois meilleurs sommeliers du Québec

Mylène Poisson, 31 ans Sommelière à la Maison Boulud, au Ritz-Carlton de Montréal.

A terminé deuxième à la compétition.

Mylène Poisson. Photo: Anisha Patel


Explique-moi un peu les épreuves d’aujourd’hui.
Ce matin, on a eu un examen théorique d’une heure et demie. Tantôt, il va y avoir des épreuves qui seront un peu comme dans un restaurant. Il y aura une équipe qui va me questionner, peut-être sur des accords mets et vins. Je peux aussi être appelée à faire une décantation, un service de champagne. Évidemment, il va aussi y avoir une dégustation à l’aveugle devant public.

Ça fait combien de temps que t’es dans le monde du vin? J’ai mis beaucoup de temps avant de savoir ce que je voulais faire dans la vie, je suis passée par différentes branches. En 2007, j’ai fait un cours en gestion touristique, où il y avait un cours d’initiation à la sommellerie. Mon cœur s’est mis à débattre, c’était trop, j’ai même dû quitter la salle de cours. Je me suis dit : « Je veux devenir sommelière. » Donc, j’ai arrêté mon cours de tourisme et je suis rentré dans le cours de sommellerie.

Après, je me suis un petit peu baladée. J’ai été partie environ cinq ans. J’ai travaillé en Australie, en Californie, j’ai fait un autre cours, en œnologie, à l’Université du Vin de Suze-Larousse, en France. J’ai aussi travaillé en Angleterre, à Saint-Émilion, à Bordeaux. Depuis quatre ans, je suis à la Maison Boulud, au Ritz-Carlton.

Comment se prépare-t-on pour une compétition comme celle-ci?
C’est sûr que le volet théorique est assez important. Les derniers mois, je pouvais me faire des huit heures d’étude par jour, en passant par tous les pays du monde où l’on produit des vins, des spiritueux, des sakés, des thés, des cigares, des cafés.

Le deuxième volet, c’est la dégustation. Il faut déguster le plus possible. Et de tout. Dans un concours, tout peut être demandé en dégustation, autant les spiritueux que les vins, les liqueurs, etc.

Est-ce qu’il y a une entraide entre les candidats? C’est quand même un milieu relativement hermétique.
C’est un très petit milieu, effectivement. Un de mes collègues de la Maison Boulud s’est présenté aussi. Je ne peux pas dire qu’on s’est vraiment entraînés ensemble, vu que ça n’adonnait pas avec nos horaires. Mais je crois qu’il y a une belle fraternité.

Moi, c’est mon conjoint qui m’aide avec tout ça. Il détient présentement le titre de meilleur sommelier du Québec, qu’il a gagné en 2014. Il travaille au Toqué, un restaurant qui m’a beaucoup aidé d’ailleurs.

Je fais beaucoup de visualisation, je me visualise déjà à la prochaine étape, au canadien. Et ça sera ma première fois en compétition contre mon chum.

Joris Guttierez-Garcia, 25 ans

Sommelier au restaurant Le Filet, à Montréal. S’est classé troisième.

Joris Guttierez Garcia. Photo: Anisha Patel

Quel genre de questions est-ce qu’on pose dans un examen théorique?
On avait un vaste éventail de questions. De la gastronomie, les provenances de certaines huîtres, placer certaines régions viticoles de la Corse ou de l’Australie. On avait également des questions de connaissances générales, comme nommer des régions de l’Inde ou de l’Uruguay, qui sont des pays qu’on voit moins, mais qui sont quand même acteurs dans le monde des vins. C’est très diversifié, des synonymes de cépages, certaines lois du vin, chaque appellation ont certaines règles qu’il faut connaître. Quelques bières, un peu de vin.

Ta préparation pour la compétition, ça s’est passé comment?
C’est une préparation à temps plein. Tous les jours, je déguste au restaurant, dans les salons, dans les événements, les formations. Je lis beaucoup de livres et de revues. Après, la préparation plus précise, ça fait quelque mois que j’ai commencé. J’ai mis tout de côté dans ma vie pour me concentrer là-dessus. Plusieurs heures d’études par jour, des dégustations à l’aveugle. Des pratiques de service [dans d’autres restaurants], aussi, qui sont toujours intéressantes. C’est vraiment compliqué dans un autre cadre de faire des choses très simples.

Comment arrives-tu à déguster autant de vins, pour te préparer? Est-ce qu’entre sommeliers vous partagez des bouteilles ou des notes de dégustation?
C’est certain qu’on peut pas tout goûter, surtout pour certaines régions, si je pense à la Bourgogne ou à la Champagne, Bordeaux, etc. On est un peu plus limités par l’argent. Mais à Montréal, il y a une très belle entraide entre les sommeliers. J’ai plein d’amis sommeliers pour qui la porte est toujours ouverte pour des dégustations à l’aveugle, que ce soit pour des spiritueux ou du vin. Les gens sont très généreux de leur temps et de leurs produits également. Depuis quelques mois, à chaque lundi avec des amis, on se rejoint et chacun apporte une bouteille. On n’a besoin que de 2 ou 3 oz pour goûter à un vin, donc, en partageant, on amortit les coûts. Sinon, j’ai eu beaucoup d’aide des agents et des restaurateurs. Mais oui, on met beaucoup de sous de notre poche.

Après une grosse journée de dégustation, quand tu rentres chez toi, qu’est-ce que t’as envie de boire ?
Une bière. Ou un gin-tonic.

Pier-Alexis Soulière, 29 ans

Sommelier au Manresa, en Californie. Titulaire de la certification Master Sommelier, plus haute certification possible. Gagnant du titre de Meilleur Sommelier du Québec.

Pier-Alexis Soulière, MS. Photo: Anisha Patel

Comment ça s’est passé pour toi, aujourd’hui?
Ça a bien été. Les premières 45 minutes sont passées très rapidement, et après le temps s’est comme un peu ralenti, j’ai pu réviser. Je pense que j’ai bien étudié. Il y a eu quelques surprises; on a eu cinq minutes pour corriger une carte des vins avec des erreurs. C’est passé en un clin d’œil, mais ça a été très agréable.

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J’ai passé l’épreuve de Master Sommelier il y a un an. On est seulement deux Québécois à avoir ce titre-là, avec Élyse Lambert. Mais pour les autres compétitions, c’est différent.

Je ne sais pas si c’est nécessairement plus demandant, mais d’être sur scène et de devoir performer sous pression devant un public… Quand on fait une compétition, on sait que quelqu’un va gagner. Quand on fait son Master Sommelier ou son WSET [certification internationalement reconnue d’études en sommellerie], on n’a qu’à passer l’examen; c’est une autre ballgame! La préparation est différente, la mentalité est différente et, surtout, l’expérience est différente.

Tu habites en Californie. Et donc là, t’es revenu juste pour les compétitions?
Quand j’étais à Montréal, je ne me sentais pas prêt à faire ces compétitions-là. En 2014, j’aurai pu, mais j’étais en Australie. Mais là, comme je suis sur le même continent, je me suis dit peut-être que ça serait plus facile. J’ai demandé à mon employeur si c’était possible et j’ai reçu énormément de support. Je pense que le timing était bon pour moi, et avec le support de mon employeur, j’ai pu traverser les étapes, et j’ai sauté sur l’occasion.

Je crois qu’il faut se faire plaisir, prendre le moment de savourer chaque instant. J’essaie beaucoup, depuis que je suis parti de New York, de bien faire les choses. Dans le passé, je faisais souvent les choses très rapidement. Je me suis rendu compte que j’avais pas assez profité. Que ce soit le temps de bien manger, passer du temps avec la famille et les amis. Et c’est la même chose pour le vin. Il faut tout prendre étape par étape.

La prochaine étape pour toi, c’est la compétition du Meilleur sommelier du Canada. Comment comptes-tu te préparer pour ça?
Pour l’instant, je crois que je vais simplement dormir et passer la journée de demain avec ma famille, avant de retourner en Californie. Après ça, j’établirai un plan.

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