La ministre de la Justice, Stéphanie Vallée, prévoit cette semaine rendre publiques les directives concernant l’interdiction de donner ou de recevoir des services publics à visage couvert.
Il est essentiel de le faire rapidement, car un manque de clarté peut mener à la prise de décisions discutables. Prenons l’exemple de l’Autriche, où une loi entrée en vigueur au début octobre interdit de se couvrir le visage en public, en tout temps. L’application de la loi a donné lieu à des situations absurdes.
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Il y a deux semaines, la mascotte de lapin du parlement autrichien a été interrompue par la police, puis vendredi dernier, les autorités autrichiennes ont fait une descente dans un magasin Lego où une personne avait le visage couvert par un costume de ninja Lego, rapporte USA Today. Dans ces deux cas, la personne portant le costume n’a finalement pas reçu d’amende.
Une mascotte de requin n’a pas eu cette chance. Censée promouvoir une nouvelle succursale de McShark electronics, elle a écopé d’une amende de près de 220 dollars pour avoir refusé de retirer sa tête de poisson. On rapporte qu’une étudiante universitaire a également reçu une amende sur le chemin de la maison, car elle portait un foulard qui lui couvrait le visage.
Où appliquer la loi?
D’après La Presse canadienne, les précisions sur les règles d’application devraient être publiées dès aujourd’hui ou demain, et doivent expliquer ce qui représente un service public, et à quel moment et de quelle manière les gens devront se découvrir le visage pour les donner ou les recevoir.
Jusqu’à la semaine dernière, la ministre Vallée avait refusé de commenter des cas particuliers, comme celui du transport en commun. Puis, le matin de l’adoption du projet de loi 62, elle a finalement indiqué que celui-ci s’appliquerait pour toute personne ayant le visage caché par un voile, un bandana, une cagoule, des lunettes de soleil, et ce, « tout au long du trajet » en autobus.
Que doit faire un chauffeur d’autobus, qui verrait une femme voilée entrer dans son véhicule? Doit-il la sommer de retirer son voile? Et s’il essuie un refus, que fait-il? Il coupe le moteur jusqu’à ce qu’elle descende? Et quelqu’un atteint d’une maladie contagieuse, qui porterait un masque de protection, que fait-on avec lui? On lui dit de se rendre à l’hôpital à pied?
La STM ignore pour l’instant les directives du gouvernement au sujet de la loi, et n’a pas l’intention de l’appliquer pour l’instant. « La consigne aux employés est le maintien du statu quo, car cette loi est, à toute fin pratique, inapplicable », indique la conseillère en affaires publiques de la STM, Isabelle Tremblay.
Pour l’université aussi, c’est flou. Que fait-on des étudiantes voilées? Est-ce qu’on leur demande de s’identifier lors des examens, ou doivent-elles se dévoiler dès qu’elles entrent en classe et pour toute la durée du cours?
À mots couverts, l’Université Concordia laisse entendre qu’elle pourrait contester la loi ou refuser de l’appliquer. « Je peux vous dire que Concordia est reconnue depuis longtemps comme un établissement accueillant, et nous avons l’intention d’honorer les valeurs de cette institution », a indiqué par courriel la porte-parole Mary-Jo Barr. Mais pour l’instant, Concordia en est encore à évaluer les impacts de la loi sur l’université.
Certains établissements universitaires n’ont pas souhaité commenter l’affaire, comme l’Université de Montréal et McGill, qui ont dit attendre les directives gouvernementales.
Le gouvernement maintient que dans tous les cas, il sera possible de demander des accommodements pour motifs religieux à tout moment. Les directives gouvernementales à ce sujet ne viendront pas avant ce printemps, alors pour le moment, ce sera aux divers organismes de trancher au cas par cas… ce qui laisse toujours la porte ouverte à l’interprétation, et aux cafouillages.
Comment s’assurer qu’elle soit appliquée?
Le texte de loi ne prévoit pas de pénalités pour les contrevenants au visage couvert ni pour les organismes qui refuseraient de mettre la loi en oeuvre. La ministre Vallée le confirme, aucune sanction pénale n’est prévue.
On sait que le maire sortant Denis Coderre s’est vivement opposé à appliquer la loi à la Ville de Montréal, tout comme la candidate à la mairie Valérie Plante. Dans un communiqué publié vendredi, l’Union des municipalités a déclaré que la loi est « inapplicable aux services municipaux ».
Vendredi dernier, un chauffeur d’autobus montréalais s’est masqué le visage, se joignant ainsi à plus d’une centaine de personnes contestant la loi 62. La STM a indiqué que le chauffeur pourrait être puni pour son geste. À priori, comme il n’existe pas de sanctions pour un tel geste, il est difficile de voir quel sort on pourrait lui réserver.