Opération de la dernière chance en cours, alors que le Modern Express se rapproche des côtes françaises

Depuis près d’une semaine, un navire de commerce de 164 mètres de long dérive dans le golfe de Gascogne, en direction des côtes françaises. Malgré plusieurs tentatives de remorquage infructueuses réalisées dans une mer déchaînée, le Modern Express — qui transporte à son bord 3 600 tonnes de bois et des engins de travaux publics — continue de se diriger vers les plages des Landes à une vitesse d’environ deux noeuds (3,7 km par heure).

Ce lundi matin, un ultime essai de remorquage a eu lieu, profitant d’une légère accalmie des conditions météorologiques. Quatre spécialistes de SMIT Salvage — une compagnie néerlandaise spécialisée dans le sauvetage de bateaux — ont été hélitreuillés sur le pont du bâtiment (qui est incliné à plus de 40 degrés) pour essayer de faire passer un câble d’acier, afin de permettre aux remorqueurs espagnols Centaurus et Ria de Vigo de tracter le bâtiment à la dérive. Vers 11h00 du matin, le préfet maritime de l’Atlantique annonçait que la remorque était accrochée avec succès, avec de bonnes chances de réussite d’un déplacement du navire vers l’Ouest. 

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« C’est un peu plus compliqué que de remorquer la voiture du voisin, » explique ce lundi matin à VICE News, Vincent Groizeleau, rédacteur en chef du site spécialisé Mer et Marine. « Alors que les deux bateaux bougent énormément [Ndlr, ce lundi matin, les équipes de sauvetage faisaient face à des creux de 3,50 mètres de haut], il s’agit de faire passer un câble de plusieurs tonnes sur un bateau où il n’y a plus personne. »

Dès le mardi 26 janvier, les 22 membres d’équipage philippins avaient pu être récupérés par un hélicoptère de la Marine espagnole. Le Modern Express s’était retrouvé dans une tempête qui aurait causé le désarrimage d’une partie de sa cargaison de bois, ce qui a donc fait pencher le navire. Le bateau était alors à 280 kilomètres de la pointe Nord-Ouest de l’Espagne avant qu’il ne continue de dériver inexorablement vers les côtes françaises.

Images de la Marine espagnole du sauvetage des 22 membres d’équipage du Modern Express, le 26 janvier 2016.

Cette mission de remorquage est particulièrement périlleuse. « Les hommes de l’équipe de remorquage sont hélitreuillés sur un pont extrêmement glissant et quasiment à la verticale », explique Groizeleau. « Dans le navire, ils doivent alors marcher sur les cloisons. Une fois le câble passé, il faut s’assurer que la tension sur le câble n’est pas trop forte malgré, le va-et-vient des deux bateaux. Sinon, le câble lâche. »

Lors d’une des tentatives de remorquage, une ligne tendue entre le cargo et un remorqueur a rompu à cause de la houle. L’un des sauveteurs s’est blessé et ne serait pas passé loin d’un accident bien plus grave.

Interrogé sur les potentiels manquements des secours en mer en France, Groizeleau explique que « Quand la mer est démontée comme ça, on peut envoyer autant de bateaux qu’on veut, cela ne change rien. » En complément des deux remorqueurs espagnols, trois bâtiments de la Marine française sont sur place : le remorqueur d’intervention, d’assistance et de sauvetage l’Abeille Bourbon, le bâtiment d’assistance, de soutien et de dépollution Argonaute et la frégate Primauguet.

Le Modern Express à la dérive, le 28 janvier 2016.

Pour le spécialiste des mers, on ne peut pas empêcher ce type d’incidents, sauf si on empêche les bateaux de naviguer. Il note que le nombre de bateaux à secourir a diminué avec le temps, alors qu’il y a de plus en plus de navires en mer.

2 options si le remorquage échoue

Le Modern Express est un navire roulier récent (2001) qui bat sous pavillon panaméen et ne fait pas figure de géant des mers. Les plus gros porte-conteneurs en service font 400 mètres de long — soit deux fois plus que le Modern Express, qui rejoignait Le Havre depuis le Gabon.

Les cuves du Modern Express contiennent 300 tonnes de fioul de propulsion — ce qui est relativement minime, comparé par exemple aux 77 000 tonnes de fioul du pétrolier Prestige, naufragé en 2002 au large de l’Espagne. Ainsi le préfet de maritime de l’Atlantique, le vice-amiral d’escadre Emmanuel de Oliveira, estime qu’il « n’y a pas de risque de marée noire ».

Images via Marine Nationale.

Deux options restent encore possibles si le remorquage échoue : soit le bateau coule, soit il viendra s’échouer sur les côtes françaises entre Cap Breton et Arcachon. En cas d’échouage, il sera possible de le « déséchouer » si le bateau n’est pas trop en mauvais état. Après avoir vidé le Modern Express de sa cargaison pour le rééquilibrer, une marée haute pourrait le permettre de le relancer en mer.

En revanche, s’il est trop endommagé, il sera démantelé sur place comme le dernier cargo qui s’est échoué en France. En février 2014, un cargo espagnol, le Luno, s’était brisé en deux sur une digue d’Anglet, à l’entrée du port de Bayonne. Il avait été démantelé dès le mois suivant sur une plage à proximité. 


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Image via Préfecture maritime atlantiqu / Marine nationale