FYI.

This story is over 5 years old.

Crime

Les bastons entre étudiants d’écoles rivales dégénèrent complètement à Bangkok

Des étudiants en formation professionnelle dans la capitale de thaïlandaise ont été frappés et poursuivis en pleine rue par des étudiants d’écoles rivales, certains ont été abattus par des tireurs en voiture ou tués de sang-froid dans des gares.
Photo by Vinai Dithajohn/EPA

Bangkok a un sérieux problème de violence étudiante.

Dans les médias thaïlandais, il ne se passe pas une semaine sans que l'on trouve une mention des bagarres sanglantes entre des étudiants venant des nombreux centres d'apprentissage que compte la ville. En 2015, plus de 1 000 cas d'affrontements ont été signalés à Bangkok pour le premier semestre, et plusieurs se sont soldés par des blessures sérieuses et même la mort.

Publicité

Alors que la violence s'est intensifiée, ce problème est désormais considéré comme étant un problème de santé publique majeur.

À la fin du mois de janvier dernier, la police municipale de Bangkok a mené une série de perquisitions dans le campus de l'Université de technologie Rajamangala Tawan-ok Uthentawai (plus connue sous le diminutif " Uthentawai ") — une semaine avant le 83ème anniversaire de sa création — ainsi que dans le campus de son ennemi juré, l'Institut de technologie Pathumwan, situé non loin de là. Cette opération a débouché sur la découverte de deux armes de poing et des munitions, de 55 couteaux, six gilets pare-balles et de quoi fabriquer des bombes à clous.

Lundi de la semaine passée, soit le jour de l'anniversaire de l'Uthentawai, un très lourd dispositif de sécurité autour de cette université montrait le côté sombre du système de formation technique et professionnelle de la Thaïlande. Des agents de police et des militaires arpentaient la zone, des chiens renifleurs patrouillaient les environs et deux spécialistes de la destruction d'engins explosifs se tenaient à l'entrée principale de la fac, qui était entourée de détecteurs de métaux.

Des vidéos postées sur Internet montrent des étudiants venus de différentes universités, soit en train de tendre des embuscades, soit en plein face à face avec d'autres étudiants. Sur ces séquences, ils sont généralement équipés d'armes rudimentaires, comme des clubs de golf, mais peuvent parfois tenir des couteaux ou des pistolets. Les scènes se passent souvent le long des routes empruntées par les transports publics, où les étudiants de collèges ennemis ont le plus de chance de se croiser.

Publicité

Des étudiants ont été tués par des tireurs en voiture, tués de sang-froid dans des gares, frappés et poursuivis à travers les rues de Bangkok.

« Pour moi, la question ne s'est jamais posée », a expliqué un homme désirant être appelé « Gan », un ancien étudiant de l'Uthentawai qui a quitté cette université il y a neuf ans. « Si je vois quelqu'un de Pathumwan, nous devons nous battre. Et ils pensent la même chose envers moi. »

La manière dont cette animosité entre écoles a débuté reste un mystère pour les étudiants, comme pour les chercheurs.

Nualnong Wongtongkam, une Thaïlandaise qui est maître de conférences et chercheuse en santé publique à la Charles Sturt University, a dirigé une équipe qui a interviewé 32 étudiants impliqués dans des affrontements, afin d'identifier leurs motivations. Même si la vengeance est souvent revenue, ce que ces étudiants cherchaient à venger était peu clair.

« Ils ne savent pas pourquoi ils doivent se battre contre d'autres écoles », a indiqué Nualnong. « Lorsque je leur demande pourquoi ils font ça, tout en sachant qu'ils ont de bonnes chances d'être blessés ou même tués, ils disent "Je sais tout ça, mais si je ne me bats pas, ils me poursuivront de toute façon, alors il vaut mieux rester et se battre." »

Gan se souvient de son intégration à Uthentawai en 2005. « Ça a commencé le premier jour pour moi, » a-t-il expliqué. « Les élèves de niveau supérieur t'apprennent comment porter un pistolet, comment cacher un couteau à la police, comment aimer tes frères et détester tes rivaux — et dans notre cas, les Pathumwan. »

Publicité

Une fois qu'un étudiant est entré dans le groupe, il se retrouve avec des pairs dont la philosophie est de presque tout faire les uns pour les autres.

« Si quelqu'un ne peut pas payer ses frais universitaires, nous allons tous lui donner un peu d'argent pour l'aider à payer », a expliqué Gan. « Bien sûr, nous aidons aussi à payer [la caution] si l'un de nos camarades de classe est arrêté pour avoir effectué une mission. »

Dans cette culture, il ne faut pas longtemps à ces étudiants pour construire un fort sentiment de fraternité. Nualnong pense que ces sentiments d'appartenance et d'estime de soi sont essentiels pour comprendre pourquoi les centres de formation technique et professionnelle sont frappés depuis si longtemps par cette hyper-violence.

En Thaïlande, ces établissements ont longtemps été perçus comme étant inférieurs, et de loin, aux universités généralistes. D'après Nualnong, ce déclassement a eu pour conséquence de créer un sentiment d'infériorité chez certains étudiants, qui ont cherché un lien fort avec leurs camarades de classe, à qui ils peuvent plus facilement s'identifier. L'isolement qui en a résulté est exacerbé par le fait que seuls 10 pour cent des étudiants de ces établissements sont des femmes.

Cet esprit d'école dans le milieu des centres d'apprentissage à Bangkok peut avoir un effet presque tribal, avec l'acceptation sans réserve d'une animosité envers les institutions rivales. Cela a forcé Gan à régulièrement changer de trajet au retour de l'université, en prenant souvent plusieurs bus même si un trajet direct était possible.

Publicité

« Ils [les Pathumwan] te surveilleront sur tes trajets, pour savoir où tu vis et comment tu te déplaces après les cours au cas où ils voudraient t'attaquer », a-t-il dit, en ajoutant simplement « Nous ferions la même chose. »

Un diplômé en arts de la Silpakorn University — demandant à être nommé « Por » — se souvient d'avoir ressenti cette menace il y a des années.

Il était en train de prendre un déjeuner tardif après les cours dans un coin près du Monument de la Victoire — l'une des intersections de Bangkok les plus passantes, qui est aussi un point névralgique du système de transports de la ville — lorsqu'il a été poussé au sol par-derrière. Un étudiant de l'école de construction Indara a alors posé un pistolet sur la table en demandant « Tu veux manger ta nourriture, ou ma balle ? »

« Je ne le connaissais pas », a fait remarquer Por en tremblant. « Mais il s'avérait que quelqu'un de mon école avait dessiné un graffiti sur quelque chose qui leur appartenait. Il avait vu mon uniforme et il m'était donc tombé dessus. »

Les recherches de Nualnong ont souligné que le port d'uniformes distinctifs — obligatoire pour les étudiants en formation professionnelle — dans cette atmosphère hostile précipite des bagarres qui seraient autrement plus facilement évitables, surtout dans les transports publics. En conséquence, il y a une forte anxiété parmi les étudiants voyageant seuls ou en uniforme.

Publicité

Plusieurs mesures ont été étudiées dans le but de faire cesser ces violences, depuis le refus d'accepter les étudiants arborant des tatouages ou des piercings, jusqu'à l'extension des uniformes à tous les types d'étudiants ou alors leur disparition totale, en passant par l'envoi des étudiants rivaux dans des camps d'entraînement gérés par l'armée — et même le lancement par la police d'un service gratuit de réparation de voitures le mois dernier, afin de les occuper et de les tenir loin des bagarres. Mais aucune étude formelle n'a encore confirmé l'efficacité de ces mesures.

Cette situation devrait toutefois bientôt changer, alors que la gravité des attaques force les autorités à faire face à ce problème de manière plus poussée et anticipée, en allant au-delà des perquisitions de la police à la recherche d'armes. Des passants innocents et des passagers des transports se retrouvent coincés dans les affrontements et risquent d'être blessés, alors que les violences peuvent aussi cibler les professeurs. « Ça demande du courage et de la détermination d'être à notre place », a déclaré un professeur de coiffure à l'Institut professionnel Samut Prakan il y a peu.

« Désormais, n'importe qui dans les rues peut être blessé dans leurs bagarres », a déclaré Nualnong. « Ce n'est plus seulement les étudiants. »


Suivez Adam Ramsey sur Twitter : @aporamsey

Suivez VICE News sur Twitter : @vicenewsFR

Likez VICE News sur Facebook : VICE News