Environnement

La course contre la montre pour sauver la « dernière zone de glace » de l’Arctique

Le Canada a pris des mesures pour protéger l'Arctique, mais les scientifiques ne pensent pas que ce soit suffisant.
Sandra  Proutry-Skrzypek
Paris, FR
la Dernière zone de glace
Image : Flickr/NASA ICE

Le mois dernier, une vidéo montrant l’état de la rivière Naujatkuat, au Groenland, est devenue virale, tout comme l’information selon laquelle le territoire a perdu 12,5 milliards de tonnes de glace en une seule journée. Et la crise climatique va probablement accélérer la fonte des glaces au cours des prochaines décennies.

Par conséquent, la majeure partie de la banquise du pôle Nord sera perdue d'ici la fin de ce siècle, à l’exception d’un dernier refuge connu sous le nom de « dernière zone de glace ». On s'attend à ce que les animaux de l'Arctique qui dépendent de la banquise fassent une dernière halte dans cette région, et c'est la raison pour laquelle le gouvernement canadien lui a récemment accordé un statut protégé.

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Mais selon les scientifiques, de grands changements mondiaux, et pas seulement une politique nationale, seront nécessaires afin de préserver ce bastion crucial du Grand Nord.

Qu’est-ce que la « dernière zone de glace » ?

Cette étroite bande de glace épaisse couvre environ un million de kilomètres carrés et s’étend le long des côtes nord du Groenland et de l'Arctique. C’est à la branche canadienne du WWF que l’on doit son appellation populaire, mais ses contours ont été définis pour la première fois en 2010 par une équipe de scientifiques, dont Stephanie Pfirman, spécialiste de la dynamique de la banquise arctique à l'université d’État de l’Arizona.

« Le vent et les courants océaniques transportent la glace à travers l’Arctique jusqu’à cette région, de sorte qu'au moment où elle s'accumule ici, la glace est plus épaisse qu’ailleurs et met plus de temps à fondre », explique Pfirman par mail.

Des images satellitaires et des observations sur place ont confirmé que la région possède la glace de mer la plus ancienne et la plus stable de l'Arctique. Bob Newton, chercheur principal à l'université Columbia qui a contribué à l'étude de 2010, a modélisé plusieurs scénarios quant à l’avenir de la région, en fonction des différentes conditions climatiques.

Certains de ces modèles projettent un avenir dans lequel les humains atteindront les objectifs climatiques fixés par le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), qui visent à limiter l'augmentation de la température mondiale à 1,5 °C. Dans ce cas, il n'y a « aucune raison de penser que cette glace va disparaître », dit Newton.

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La dernière zone de glace est une zone où de nombreux animaux prospèrent actuellement, alors nous espérons qu'ils pourront y survivre indéfiniment si la plateforme de glace peut y être maintenue – Bob Newton, chercheur à l'université de Columbia

Au contraire, si nous ne faisons rien et que les gaz à effet de serre continuent à augmenter au même rythme, Newton estime que l'avenir sera beaucoup moins rose. « Alors même la dernière zone de glace disparaîtra. »

À mesure que l'Arctique se réchauffera au cours des prochaines décennies, les animaux qui dépendent de la banquise – comme les ours polaires et les morses – se retireront dans la dernière zone de glace pour survivre. Reste à voir combien de temps ils pourront tenir.

« Sans banquise, il n'y a plus d'animaux, dit Newton. La dernière zone de glace est une zone où de nombreux animaux prospèrent actuellement, alors nous espérons qu'ils pourront y survivre indéfiniment si la plateforme de glace peut y être maintenue. »

La « course » pour sauver la dernière zone de glace

Dans un effort pour préserver les portions clés de la région, le Premier ministre canadien Justin Trudeau a annoncé le 1 er août la création de la nouvelle aire marine protégée (AMP) de Tuvaijuittuq aux côtés du Premier ministre du Nunavut et de la Qikiqtani Inuit Association, une organisation à but non lucratif qui représente plus de 15 000 Inuits de la région de Qikiqtaaluk (Baffin) du Nunavut.

Le nouvel espace protégé sur la côte du Nunavut fait à peu près la taille de l'Allemagne, et son nom signifie « l'endroit où la glace ne fond jamais » en inuktitut. Trudeau a annoncé que le gouvernement canadien appuiera les communautés autochtones. La région de Tuvaijuittuq, par exemple, sera privée de pratiques nuisibles comme les essais sismiques et le forage.

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Le gouvernement a également conclu une entente sur les répercussions et les avantages pour les Inuits, qui est nécessaire pour faire de Tallurutiup Imanga, une petite région située au sud de Tuvaijuittuq, une aire de conservation nationale. L'accord pourra être étendu à Tuvaijuittuq si nécessaire.

L'entente prévoit, entre autres, 250 millions de dollars (soit environ 224 millions d'euros) qui seront consacrés à des initiatives de protection de la région, y compris des investissements durables dans les infrastructures et des collaborations de recherche avec les Inuits.

Protéger les régions polaires contre les activités industrielles nuisibles protégera la qualité de la glace pour le moment, mais cela ne contribuera pas à réduire la vitesse à laquelle la banquise disparaît. Cela n'est possible que si les gens du monde entier unissent leurs forces.

« La meilleure façon de préserver la glace de l'Arctique à long terme est de limiter autant que possible le réchauffement de la planète, a déclaré Pfirman. C'est une course contre la montre. Non seulement nous devons utiliser moins de carbone, mais nous devrons aussi le stocker. Sinon, la glace de la mer disparaîtra, ainsi que l'écosystème glaciaire que nous essayons de protéger. »

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