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Crime

Bagarre générale pendant un match Albanie-Serbie

Un drone a fait flotter un drapeau nationaliste albanais au dessus du terrain, déclenchant une rixe entre joueurs dans un contexte diplomatique tendu.
Photo Marko Drobnjakovic/AP

Un climat de tension entourait mardi soir la rencontre historique sur un terrain de football à Belgrade, capitale de la Serbie, entre ces deux pays des Balkans. La dernière fois qu'une sélection nationale albanaise a mis les pieds sur la pelouse d'un stade de Belgrade, c'était en 1967, et pour éviter tout dérapage, les supporters albanais n'avaient pas le droit d'assister au match.

Ces précautions n'ont pas été suffisantes pour que le match se déroule paisiblement : à la 41ème minute, Martin Atkinson, l'arbitre anglais a sifflé la fin de la rencontre après qu'un drone télécommandé portant un drapeau sur lequel figurait une carte de la « grande Albanie » ne survole le stade. La "grande Albanie" désigne un projet nationaliste visant à rassembler toutes les communautés albanaises des Balkans au sein d'un même État, certaines de ces communautés vivent sur le territoire Serbe.

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Le défenseur serbe Aleksandar Mitrovic est parvenu à agripper le drapeau, puis les joueurs albanais ont tenté de le lui prendre des mains, ce qui a entraîné une empoignade sur le terrain. Des fumigènes et des projectiles ont été lancés depuis les tribunes, où l'on entendait des supporters serbes crier « Tuez ! Tuez ! Tuez les Albanais ! » dans les tribunes.

Les deux équipes se sont rapidement retirées dans les vestiaires, baissant la tête sous une pluie de projectiles et de coups que certains joueurs n'ont pu éviter.

Ermir Lenjani of — Xhemajl Rexha (@xhemajl_rexha)October 15, 2014

Le journaliste serbe Milos Saranovic a décrit l'ambiance avant le coup de sifflet de début de partie à la BBC.

« L'atmosphère d'avant match montrait que l'enjeu était plus politique que n'importe quel autre match. Je ne me souviens pas avoir vu autant de présence policière dans un stade. Tout laissait penser que la situation n'était pas normale.»

La Serbie et l'Albanie entretiennent des rapports diplomatiques délicats hérités des guerres et conflits ethniques qui ont déchiré la région dans les années 1990. En 1999, des bombardements aériens de l'OTAN ont visé la Serbie pour mettre un terme à la répression serbe contre les nationalistes et les civils albanais. Le conflit a pris fin en 2008, avec la déclaration d'indépendance unilatérale du Kosovo, ex-province serbe peuplée en partie d'albanais.

Quatre des joueurs nationaux de l'équipe d'Albanie sont nés au Kosovo, les gardiens de but Lorik Cana et Etrit Berisha, le milieu de terrain Burim Kukeli et Ermir Lenjani. Comme le Kosovo n'est pas reconnu en tant qu'État par les Nations Unies, le pays ne peut rejoindre ni la FIFA, ni l'UEFA, ce qui explique que certains de ses joueurs aient à jouer dans des pays d'adoption.

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À Pristina, la capitale du pays, près de 5 000 Albanais kosovars qui suivaient le match se sont réjouis de cette interruption en scandant «Grande Albanie» et «Victoire». Au nord du pays, à Mitrovica, où vit une importante minorité serbe, on rapporte que des supporters ont entonné un chant appelant à tuer des Serbes:.

— United Serbs (@UnitedSerbs)October 15, 2014

L'affaire a pris un tournant diplomatique : la ministre serbe des affaires étrangères Ivica Dacic a déclaré que l'incident du drapeau qui a mis fin au match était « une provocation politique ».

La télévision d'État serbe a d'abord annoncé que le frère du premier ministre albanais Olsi Rama aurait lui même piloté le drone à l'aide d'une télécommande depuis la tribune et qu'il aurait été interpellé mardi soir à Belgrade. De retour en Albanie après le match, Olsi Rama a pour sa part nié à la fois avoir été arrêté par la police serbe et a affirmé n'avoir aucun rapport avec le drone.

Ditmir Bushati, le ministre des affaires étrangères albanais a publié une déclaration officielle.

« Nous avons conscience des différences qui existent entre nous », reconnaît-il, « nous demandons aux autorités serbes de faire preuve de maturité et de ne pas utiliser un match de football à des fins politiques, car nous sommes convaincus que le football doit se jouer sur le terrain et non […] dans les palais des diplomates ».

L'incident intervient alors que le premier ministre albanais Edi Rama doit effectuer le 22 octobre prochain une visite en Serbie, une première pour un chef de gouvernement albanais en presque 70 ans. Des sources proches du gouvernement albanais ont indiqué à VICE News que le pays craignait que la Serbie ne semble pas prête à les accueillir, mais que l'Albanie ne s'interdisait aucune option quant au maintien de la visite.