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élections départementales

Le Premier ministre a peur du Front National

L’exécutif français fait campagne contre le FN, qui pourrait arriver en tête du premier tour des élections élections départementales le 22 mars. Le parti de Marine Le Pen craint de son côté une enquête pour fraude au Parlement européen.
Marine Le Pen / Flickr

Le Premier ministre a qualifié lundi soir le Front National (FN) de « danger, immense, évident », ajoutant qu'il était « en passe de devenir le premier parti de France ». Manuel Valls s'exprimait à Bresles, dans le département de l'Oise, où le FN a réalisé l'un de ses plus beaux scores (38 % des voix) lors des élections européennes de mai 2014. Cette petite ville du nord de la France n'a pas été choisie par hasard par le Premier ministre qui, à moins de deux semaines des élections départementales des 22 et 29 mars fait ouvertement campagne contre le parti de Marine Le Pen, dans le sillage du président de la République qui avait déclaré la semaine précédente au journal Le Parisien qu'il fallait « arracher les électeurs au FN ». Un discours alarmiste anti-FN qui n'est pas nouveau chez les politiques français, mais surprenant dans la bouche d'un gouvernement en campagne pour des élections locales.

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La veille, Manuel Valls avait déjà exprimé son « angoisse » face à la montée du FN en France en déclarant lors de l'émission politique Le Grand Rendez-vous Europe 1/Le Monde/iTélé : « Si je fais campagne, c'est que j'ai peur pour mon pays, peur qu'il se fracasse contre le FN. »

Ces dernières années, le parti socialiste (PS), la famille politique de Manuel Valls, avait choisi de déconstruire le discours du FN pour en montrer les failles, plutôt que de stigmatiser le parti dont Marine Le Pen est présidente.

Le FN a choisi de riposter ce mardi matin en accusant le Premier ministre d'être à l'origine d'une enquête ouverte ce lundi 9 mars par l'organisme anti-fraude de l'Union Européenne (UE), l'Olaf, concernant d'éventuelles irrégularités financières commises par le Front national. Interrogée ce matin à ce sujet à l'antenne de France Info, Marion Maréchal Le Pen, la petite-fille du fondateur du FN et députée du Vaucluse a déclaré : « Monsieur Shulz [le président du Parlement européen qui a saisi l'Olaf], qui est un militant politique, a appliqué à la lettre les ordres de Monsieur Valls qui hier expliquait qu'il fallait que les élites se mobilisent contre le Front national. C'est de l'acharnement politique, évidemment, en période électorale. »

Si l'on en croit les sondages, le FN pourrait arriver en tête du premier tour du scrutin du dimanche 22 mars. Le dernier sondage en date, du 9 mars 2015, mené par Oxada pour la radio RTL place le parti d'extrême droite en tête des intentions de vote, avec 31 % des voix, suivi du parti d'opposition de droite UMP (29 %), et loin derrière, le PS, parti du gouvernement en place, avec seulement 20 % des voix.

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Valérie Igounet, historienne et spécialiste de l'extrême droite, analyse pour VICE News la phraséologie de Manuel Valls : « On est dans un contexte particulier : la gauche considère que les élections départementales vont être catastrophiques pour elle et favorables à la droite et au FN. On sait aussi que cette élection est, par essence, abstentionniste. » Elle résume ainsi la campagne du Premier ministre : « Unir son parti et le peuple de gauche - la gauche apparaît comme très divisée à ces dernières élections -, faire un appel à son électorat et aux abstentionnistes. »

Elle explique qu' « Avec ce comportement et cette attitude de Manuel Valls et d'autres hommes et femmes politiques, le FN est très présent dans la campagne électorale. Une omniprésence due au fait aussi du nombre de représentants FN invités sur l'ensemble des médias français. La présence médiatique de Marine Le Pen est aujourd'hui, en quelque sorte, banalisée, » par rapport aux décennies précédentes.

À la fin du mois, les Français seront appelés à voter pour leurs conseillers départementaux — autrefois appelés conseillers généraux — dans un scrutin à deux tours. Il y a donc peu de chances que le parti remporte un département, car le FN refuse toute alliance au second tour.

Les partis politiques ne sont pas obligés de présenter des candidats dans tous les cantons, une circonscription électorale, mais le FN, suivant sa stratégie d'ancrage local depuis que Marine Le Pen en est la présidente, est le parti qui est le plus présent, puisque ses candidats seront présents dans 93% des cantons concernés par l'élection.

La presse française liste depuis quelques semaines l'écho des dérapages dénoncés comme racistes ou antisémites de certains des candidats présents sur les listes FN, comme le candidat FN des Hauts-de-Seine, qui écrivait en 2013 sur son compte Twitter « L'islamophobie est un droit, combattre l'Islam un devoir. » On peut encore citer Lydia Schénardi, candidate à Contes (Alpes-Maritimes), qui faisait l'amalgame entre boucherie et homoparentalité : « On parle de la traçabilité de la viande mais est-ce qu'on pense à la traçabilité des enfants ? Un enfant qui naît dans un couple homosexuel, qui se sépare par la suite, les grands-parents qui sont-ils là-dedans ? » s'était-elle interrogée en 2013. Le parti affirme pourtant avoir vérifié leurs sites et réseaux sociaux, et procède parfois à l'exclusion de certains d'entre eux.

Suivez Mélodie Bouchaud sur Twitter : @meloboucho