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Kenya

Incertitudes après une attaque des shebab sur des policiers au nord du Kenya

Confusion après l’attaque dans la nuit de lundi à mardi de deux convois de policiers près de la frontière avec la Somalie par le groupe djihadiste des shebab. Le gouvernement fait état de 5 blessés, alors que les shebab annonçaient 25 morts.
Pierre Longeray
Paris, FR
VICE News

Des policiers kényans ont été la cible, ce lundi soir, d'une attaque du groupe islamiste somalien des shebab près du village de Yumbis, située au nord du Kenya, près de la frontière somalienne. Le bilan gouvernemental fait état de 5 blessés, côté policier, et 2 morts côté shebab. Mais la confusion a longtemps régné ce mardi, quant aux nombres de morts, de blessés et de disparus.

Le porte-parole de la police kényane, George Kinoti, annonçait ce mardi matin, que 13 policiers étaient « portés disparus ». Mais quelques heures plus tard, Shadrack Maithya, le commandant de la police de la région de Garissa (où est situé Yumbis), a déclaré que « tous » les policiers avaient été retrouvés « sains et saufs ». Joseph Boinnet, le chef de la police kényane est venu délivrer le bilan final de 5 blessés dont 2 graves en début d'après-midi. France 24 a appris qu'un des blessés aurait succombé suite à ses blessures, c'est le seul média qui a annoncé cette information à l'heure de la publication de cet article, une mort non confirmée pour le moment.

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De son côté, le groupe des shebab avait annoncé dans la matinée de mardi, qu'une vingtaine de personnes avaient été tués dans l'attaque, un bilan qualifié de « pure propagande » par le ministre de l'Intérieur, Joseph Nkaissery.

La confusion a régné une bonne partie de la matinée. Alors que le compte Twitter de la présidence kenyane adressait ses condoléances aux policiers tués, le compte du ministère de l'Intérieur assurait qu'aucun policier n'avait été confirmé mort.

- — Live From Mogadishu (@Daudoo)May 26, 2015

L'attaque de ce lundi soir s'est déroulée en deux temps. Un engin piégé aurait explosé au passage d'un véhicule de police, dans la soirée de lundi, près de Yumbis, ce qui a blessé 3 policiers selon le journal local Daily Nation. Des échanges de tirs s'en sont suivis, suite auxquels quatre véhicules de police supplémentaires ont été envoyés sur place. Ceux-ci sont tombés dans une embuscade et leurs véhicules ont été détruits par des tirs de lance-roquettes. Daily Nation explique que les policiers ont réussi à fuir et rejoindre Yumbis, où ils ont pu passer la nuit.

Le village de Yumbis avait déjà été la cible des shebab, la semaine passée, jeudi 21 mai. Les djihadistes avaient passé près de 8 heures dans le village avant d'être délogés par les forces de sécurité. Hamza Mohamed, le journaliste d'Al Jazeera présent dans la région, explique que les shebab avaient pu organiser un prêche collectif pour habitants de Yumbis.

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Benoit Hazard est anthropologue et chercheur au CNRS. Il est actuellement présent sur place au Kenya. Joint par VICE News ce mardi après-midi, il explique que « C'est la première fois que les shebab font des prêches de ce type dans la région. Cette logique de prosélytisme religieux est une nouveauté. »

Le mouvement des shebab est né en 2006 en Somalie. Depuis quelques années, les shebab ont concentré leurs assauts sur le Kenya voisin, en réaction au déploiement de soldats kényans, en Somalie, en octobre 2011 — notamment pour protéger la frontière et mener la guerre contre les shebab. Benoit Hazard explique que « la principale revendication des shebab est le retrait des troupes » du Sud de la Somalie, qui y sont installées sans mandat international. « La formation d'un califat sur une partie de la corne de l'Afrique, » est le dessein final des shebabs selon Hazard « pour rassembler les populations somalies, » et y appliquer la charia. Il rappelle que les shebab sont aujourd'hui « environ 5 000, contre 20 000 en 2011 ».

Pour le chercheur, l'attaque contre les policiers de lundi rentre plus dans le cadre d'une « guerre conventionnelle » puisque des forces armées et non des civils ont été visées. Hazard explique que suite à la visite des shebab de la semaine passée à Yumbis, des renforts de l'armée avaient été envoyés à proximité. « L'attaque de cette nuit est sans doute un accrochage avec les forces armées, peut-être provoqué par les shebab. »

En juin 2014, VICE News s'était rendu dans le sud du Kenya, dans la ville de Mombasa, pour essayer de comprendre l'influence du djihadisme kenyan et d'enquêter sur les méthodes de la police kényane pour enrayer le phénomène.

En avril dernier, les shebab avaient revendiqué l'attaque sur l'université de Garissa qui a fait 148 victimes. Suite à cette attaque, le président Uhuru Kenyatta avait annoncé que le groupe posait une « menace existentielle » sur le Kenya, précisant que la menace existait à l'intérieur du pays. Benoit Hazard fait aussi état d'une « pénétration lente des shebab sur le territoire kényan, » rappelant que certains assaillants de Garissa étaient de nationalité kényane. En septembre 2013, le Kenya avait déjà été la cible des shebab qui avaient pris d'assaut le centre commercial Westgate à Nairobi et fait 72 victimes.

Suivez Pierre Longeray sur Twitter : @PLongeray