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Il faut sauver le Sud-Soudan

Guerre civile au Sud-Soudan (8/13) : Le garde forestier

En février dernier, Robert Young Pelton et Tim Freccia ont traversé le plus jeune pays du monde, alors en pleine guerre civile, à la recherche du chef des rebelles Riek Machar.
Photos par Tim Freccia

À notre arrivée dans son camp secret perdu au milieu de la brousse, nous avions découvert Riek Machar assis sur une chaise en plastique, parlant à ses hommes, pendant que sa femme Angelina Teny faisait la cuisine. Je lui ai offert un candélabre, du sucre, un assortiment d'épices indiennes et du riz - de vrais trésors, ici. « J'aime cuisiner », m'a-t-elle dit.

Plus tard, Teny nous invite à manger avec eux et nous sert de la perche et du tilapia pêchés dans la rivière à côté. En entrée, une soupe de poisson. En plat, du poisson avec du riz. J'offre à Machar un couteau militaire, mais il est plus intéressé par son nouvel iPhone qui lui permet de communiquer par satellite. Première nouvelle : Machar est plus un geek qu'un soldat.

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Deuxième nouvelle : Machar aime que les gens fassent des choses pour lui. Tim Freccia a ainsi dû poser son appareil photo afin d'appeler un technicien de Nairobi à même de faire marcher l'iPhone satellite de l'ancien vice-président. Nous en venons à la troisième nouvelle : organiser une révolution depuis un endroit isolé nécessite un accès à internet et beaucoup, beaucoup de cartes téléphoniques.

La scène qui se déroule sous mes yeux, même si elle peut sembler drôle, est une métaphore de la situation au Sud-Soudan : complexe et précaire. Machar prend des nouvelles des commandants qui ont déserté et cherche quelqu'un pour l'assister dans la guerre civile. Il ne lui reste plus beaucoup de sympathisants disposant de moyens financiers importants. Tiny Rowland est mort en 1998. Le seul héritage qu'a laissé Kadhafi, c'est un cadavre que ses anciens sujets ont traîné dans les rues. Nimeiry est parti depuis longtemps, même si la charia qu'il a instituée hante encore le Sud-Soudan. Quant à l'homme fort ougandais, Museveni, il soutient Kiir. Ceci ne laisse qu'une seule option à Machar : Omar el-Béchir, le président du Soudan. Anciennement accusé par la Cour pénale internationale d'avoir détourné 9 milliards de dollars de fonds publics, il a participé à la négociation de l'accord de Naivasha en 2005 afin de mettre la main sur le pétrole du Sud du pays. Moins d'une décennie plus tard, Machar a donné un coup de pied dans la fourmilière en menaçant de fermer les exploitations pétrolières si ses exigences n'étaient pas satisfaites.

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Sans surprise, la plupart des conversations téléphoniques de Machar se font en arabe.

Il passe la journée assis en uniforme sous un arbre, sans argent. Présenté ainsi, Machar passe plus pour un garde forestier bénévole que pour un chef rebelle en exil. La nature préservée, les hérons, les pélicans, les aigles pêcheurs d'Afrique que l'on distingue au loin laisseraient presque penser que la mission des rebelles est de protéger la beauté du paysage.

S'il fait attention à ne jamais l'attaquer, Machar décrit Kiir comme un soldat souffrant d'un syndrome post-traumatique, pas très futé et souvent ivre, qui place ses amis au sein de l'administration et dilapide lentement mais sûrement les caisses de l'État.

En revanche, il se présente lui-même comme un universitaire calme, une sorte de Mandela. Il n'a jamais l'air ne serait-ce qu'un tout petit peu hésitant, pas même quand je lui pose des questions remettant en cause sa position auto-victimaire.

Alors pourquoi cherche-t-il à répéter les horreurs de 1991, lorsque ses actions avaient entraîné un déchaînement de violences ethniques et une famine de masse ? Machar a bien préparé ses réponses. Il affirme que Kiir et la corruption sont à l'origine de ça, l'accusant de s'être attiré les foudres de la communauté internationale.

Le principal problème du Sud-Soudan, c'est que l'idée de son effondrement total se confirme de plus en plus. Les Nations unies estiment que près de 3,7 millions de personnes sont actuellement exposées à un risque de famine.

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S'il existait un archétype pour les couples-de-gens-éduqués-en-exil-dans-la-brousse-qui-s'habillent-en-complet-camouflage, Riek Machar et Angelina Teny seraient de ceux-là. Teny aime cuisiner des petits plats, et Machar réécrit l'histoire du Sud-Soudan à ses visiteurs. Entre deux délicieux mets locaux et trois discussions de niveau doctorat, ils mènent une guerre sans merci pour leur survie.

Machar a ses conditions et il veut les voir satisfaites, c'est pourquoi il les répète régulièrement au cours de ses interviews satellite avec la BBC, Al Jazeera ou Reuters. Il ne cesse de se dire « outré par la situation », comme si ses mauvaises relations avec Kiir venaient d'une affaire récente. Il semble clair que Machar agit avec la conviction que Kiir tient compte de ce qu'il dit ou pense. Assumant son statut d'intellectuel, Machar insiste sur la nécessité de revenir à un « processus démocratique », ce qui demanderait de faire émerger un consensus au sein de la population qui permettrait de mettre fin à la corruption. Il semble oublier qu'il est coincé dans la brousse depuis plusieurs mois parce qu'un tank est passé sur sa maison, manquant de le tuer au passage.

Je finis par discuter avec lui de sa situation actuelle. Lorsqu'il parle, il fait toujours preuve d'humour et d'une grande intelligence. Notre discussion en tête-à-tête se prolonge jusqu'à tard dans l'après-midi.

Machar a une formation d'universitaire. Il a aidé à poser les fondations de l'indépendance de son pays, et pour cette raison, il demeure un intellectuel respecté au Sud-Soudan. Mais il ne se doute pas que je le sais déjà. À en croire sa version simplifiée, les tensions actuelles auraient pour origine l'idée ancienne selon laquelle les gens du Sud étaient destinés à être esclaves. La découverte du pétrole aurait servi d'excuse au gouvernement du Nord pour chasser les populations nomades.

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Tout cela est en réalité de l'histoire ancienne pour Machar. Ses souvenirs sont sélectifs et laissent de côté les difficiles décisions qu'il a dû prendre pour survivre. Il ne mentionne pas les enfants affamés, ou son coup d'État raté de 1991, lorsqu'il avait appelé la BBC pour leur annoncer que « Riek Machar était le nouveau responsable ». Il n'a qu'une idée en tête : la prochaine guerre civile, qui fera une fois de plus vaciller les fondations d'une nation exsangue - et fera une nouvelle fois passer Kiir pour le méchant.

« S'il y avait la paix au Sud-Soudan, je crois que les montagnes de Djouba et du Nil Bleu devraient être sud-soudanaises. Le Nord se lassera des combats. Ils vivent historiquement en harmonie avec le Sud », continue-t-il.

Ce scénario - qui suppose que la paix passe par la cession de ces régions pétrolifères très disputées au Sud-Soudan - entraînerait une hausse des flux monétaires du pays tout en marginalisant son voisin du Nord. Mais ce qui fait le charme de Machar, c'est aussi son pragmatisme.

« Oui c'est sûr : ils n'ont rien, dit-il en pointant l'horizon. Mais pour les gens qui vivent dans les régions où il y a du pétrole, c'est pire. Djouba est un puits sans fond. » Il explique que pendant que les riches de la capitale se paient des 4-4 et profitent des opportunités du secteur pétrolier, le reste de la population ne distingue aucun changement. À côté de ça, Machar s'est déjà rendu à de nombreux événements à Djouba au volant d'un 4-4, et tous avaient un rapport avec le pétrole.

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« Ça aurait dû se passer autrement », me dit Machar, avant d'accuser Kiir et son gouvernement d'avoir fait de fausses promesses ayant condamné les chances de développement de son pays.

« 3 % des revenus du pétrole devaient aller aux communautés et 2 % à l'État. Le dirigeant a fait signer tous les contrats à Djouba, et a choisi sa propre compagnie d'extraction pour les exécuter. C'est à Djouba qu'on décide qui travaille ou non. J'ai fait campagne pour que les contrats privilégient les entreprises locales. On a besoin d'ouvriers dans ce secteur. »

« Ces gens-là pourraient facilement être formés », dit-il en montrant d'un signe de tête les gens du camp. « Mais dans le secteur pétrolier, tout passe par le président. »

Pourquoi ne pas demander une aide extérieure, dans ce cas ?

Machar m'explique que les organismes humanitaires suivent eux aussi un agenda politique, quand il s'agit d'évacuer tels gens de tel territoire rebelle ou de nourrir tel camp plutôt que tel autre. « Les ONG sont politisées. Certaines ne feront rien, d'autres se lanceront dans tel ou tel combat. »

Au fil de notre discussion, Machar conserve son air calme et pensif ; je me demande si en dissimulant son opinion, et en me racontant une histoire biaisée, il cherche à me faire diaboliser le président à sa place.

Je le questionne au sujet de l'insurrection et de ses chances de succès. « Je me suis entraîné avec les forces spéciales américaines. » Il a effectivement été formé au combat, mais c'était il y a longtemps ; il dispose même d'une vieille édition du manuel de contre-insurrection des US Marines.

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L'Armée blanche est un groupe de Nuers ayant en commun une immense soif de sang et une prédestination au pillage.

Machar serait-il donc revenu au point de départ, la rébellion ?

« Je ne suis pas un rebelle. Je considère que j'appartiens au gouvernement légitime. Nous sommes en résistance contre Salva Kiir… Nous voulons la démocratie. » Il sourit, dévoilant ses dents du bonheur ; il arriverait presque à faire passer une guerre civile pour un bon moment.

Je lui demande qui soutient cette résistance. « Beaucoup de gens », répond-il. Je précise donc : « Qui vous apporte un soutien financier, politique et militaire ? »

Il me dit qu'il ne possède pas de tel soutien mais espère trouver une solution à ce problème rapidement. « Il n'y a pas d'argent, nulle part. Les compagnies pétrolières ont fermé. Mes hommes sont des volontaires. »

Je me surprends à penser que c'est peut-être cette tendance à répondre à moitié aux questions, à brouiller les pistes, qui a aussi fait craquer Salva Kiir.

Le ton léger de Machar n'explique toujours pas les 500 Nuers assassinés par des Dinkas après la révélation des tensions entre lui et Kiir. Il feint la surprise alors que c'est son comportement belliqueux qui a déclenché la scission. Machar savait bien que la rhétorique de Kiir reposait avant tout sur les événements de 1991, lorsque Machar s'était tout simplement proclamé dirigeant, obligeant Garang à le poursuivre jusqu'à la frontière éthiopienne, avant que Machar se rallie à Khartoum. L'Histoire devait se répéter.

« Les violences étaient dirigées contre les Nuers, dit Machar. Ils allaient de maison en maison, tuant leurs occupants. Kiir doit payer pour ces crimes. »

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Je lui demande s'il se sent proche de Joseph Kony, gouverneur du Jonglei sous l'ancien régime de Khartoum et qui vit désormais dans la brousse, diabolisé par les médias. Machar ne se reconnaît pas en lui.

« J'ai rencontré Kony de nombreuses fois. C'est un personnage au bord de la paranoïa. Nous avons conclu un accord de paix avec lui quand il est arrivé au Sud-Soudan en 2006 ; Museveni devrait me remercier d'avoir ramené la paix en Ouganda. » Machar ne précise pas qu'il travaillait pour les mêmes personnes qui avaient engagé Kony pour se battre contre le gouvernement ougandais.

« Kony est un chat. Parfois, il se fait peur à lui-même. Nous nous sommes vus une fois, à 5 kilomètres de la frontière avec le Soudan. Je lui ai promis que j'allais parler avec Museveni. J'avais organisé ce rendez-vous avec son bras droit, Vincent Otti. Pendant notre conversation, Kony a ordonné l'exécution d'Otti parce qu'il pensait qu'il s'était laissé acheter. »

« J'ai fait promettre à Kony de ne pas kidnapper d'enfants. Je lui ai dit que s'il le faisait, je devrais me battre contre lui. Je lui ai offert 25 000 dollars pour m'assurer qu'il ne vole pas. Peut-être aussi pour le corrompre, à l'occidentale. » Il rit. « Nous nous sommes croisés de nombreuses fois. Il était souvent d'accord avec ce que je lui proposais, mais au final il retournait dans la jungle. Les Américains ne le trouveront jamais là-bas. Leurs drones ne peuvent rien dans cette région. »

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Machar se garde de préciser que c'est à la suite de cette alliance avec Kony que son Armée de résistance du Seigneur s'est installée au Sud-Soudan. Ou qu'en 2008, on avait rapporté des déclarations dans lesquelles il affirmait que les 25 000 dollars offerts à Kony étaient fournis par Kiir.

Notre conversation est sans cesse interrompue par la sonnerie d'un de ses téléphones satellites. Il semble bien trop à l'aise dans son nouveau rôle de secrétaire d'État en exil.

Le soir venu, je me suis même demandé si ce n'était pas le rôle qui lui convenait le mieux. Il dirige, prend des décisions, passe des accords et a constamment les yeux tournés vers le Nord. Il a bien compris que le Sud-Soudan devait rompre avec la vision de Kiir, unilatéralement tournée vers le Sud, et trouver un nouveau dirigeant capable de s'assurer que le pétrole soit acheminé vers le Nord.

La nuit tombe, les villageois brûlent de l'herbe. Les rebelles chargés de faire le guet, qui ont passé la journée devant le camp, rentrent peu à peu. Le feu produit un épais nuage. Le coucher de soleil éclaire l'horizon d'une lumière rouge-orangé. Nous nous endormons paisiblement.

La nuit tombe sur le camp. Les feux d'herbes se mélangent au bruit des assiettes, aux rires et au grésillement des radios.

Le camp se réveille juste avant l'aube. Les soldats plient leurs couvertures et se brossent les dents. De petits feux sont allumés pour préparer le petit déjeuner : sorghum et thé. Vers 9 heures, on entend le grésillement des radios réglées sur les informations de Djouba. Les gens de la capitale n'ont aucun mal à manipuler l'information. Tout comme Machar, le gouvernement n'a pas le moindre scrupule à raconter aux journalistes occidentaux des histoires arrangées du passé et de l'avenir du Sud-Soudan.

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Machar est de nouveau installé dans sa chaise en plastique, téléphone à l'oreille. Teny nous sert de la citrouille bouillie et du thé sucré. Elle a l'habitude de s'occuper des soldats. Femme moderne et ancienne Londonienne, elle apprécie qu'on la complimente sur sa cuisine.

Machar me dit que John Kerry et Susan Rice l'ont appelé afin qu'une solution diplomatique soit trouvée avec Kiir. Ces timides négociations ont permis à Machar de gagner du temps. Il lui faut des armes, des munitions, de l'essence et des troupes. Surtout, il lui faut une victoire pour montrer à tout le monde qu'il n'est pas fini. Il prévoit d'attaquer Malakal, ville située sur les bords du Nil Blanc et qui constitue une porte d'accès vers Djouba. Ce qui rend sa mission plus importante encore, c'est que le pétrole se trouve sur ses terres d'origine. Son calcul est le suivant : se saisir du pétrole afin d'étouffer le gouvernement de Kiir. Malgré tout, Machar continue de parler du pétrole comme de celui « du peuple ».

« Nous jouons sur cette dépendance vis-à-vis du pétrole. Aujourd'hui, le secteur génère 2 milliards de dollars par an - et il y a 13 millions d'habitants ici. Quand nous produirons à plein, les revenus seront encore plus élevés. »

Un vent chaud se lève, déplaçant avec lui la poussière alentour. Machar décide d'aller dans un endroit plus vert près de la rivière et nous interrompons notre conversation. Afin d'avoir un autre avis sur les sujets abordés avec Machar, je demande à Amos ce qu'il pense de ma discussion avec l'ancien vice-président.

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L'un des plus beaux coups de la part de Kiir fut le renvoi de Taban Deng Gai, ancien gouverneur de l'État de l'Unité et porte-parole de Machar - et accessoirement, ex-boss d'Amos. C'est ce même Taban Deng Gai qui auparavant, avait supervisé des opérations discutables menées par l'APLS dans un camp où Machot avait été placé. Teny et Deng Gai ont par le passé été en concurrence pour le poste de gouverneur d'État. Machot le connaît ; Amos est son garde du corps. Le monde est petit, même dans les grandes plaines africaines.

Amos décrit ainsi la vie de Deng Gai, gouverneur d'une région riche en pétrole. « Taban possède huit 4-4. Il a une Lamborghini, offerte par un homme d'affaires sino-américain qui se vantait d'avoir des entreprises dans 97 pays différents. » Il ne la conduit même pas. Il n'y a pas de routes en dehors de Djouba.

Pour Amos, tout ceci n'a rien d'incroyable. « Quand on vient de l'étranger, on fait des cadeaux. On peut choisir de ne pas en faire ; mais ceux qui offrent reçoivent. C'est l'Afrique. »

Il me résume ce qu'il reconnaît comme le véritable problème des hommes politiques de son pays : « Les Nuers ont tout l'argent. Les Dinkas n'ont ni pétrole, ni terres. C'est pourquoi ils nous tuent. » Quand je lui demande ce qu'il entend par « tuer », il me répond : « Ils sont allés à l'université de Djouba et ont obligé les Nuers avec des marques sur le front à sortir. Ils les ont alignés le long de la route et les ont exécutés. Ils leur posaient une question en dinka ; s'ils n'y répondaient pas, ils les tuaient. »

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Je remarque pendant ce temps que Machar téléphone, un peu à l'écart. Il parle en arabe et semble plus enthousiaste que d'habitude, ses gestes sont plus optimistes. Je continue de l'observer tandis que ses gardes du corps me lancent des regards noirs.

À la vue des armes flambant neuves des hommes de Machar, je commence à me demander si Khartoum n'est pas derrière tout ça. Machot m'indique que le gouvernement soudanais a largué par avion des munitions aux troupes de Machar basées à Akobo. Ceci explique pourquoi de petites unités équipées de ceintures de munitions toutes neuves s'entraînaient au loin près de la rivière. Ils avaient l'air contents de poser pour Tim avec leurs armes neuves - sur certaines, le numéro de série était rayé.

Je parle des armes à Machar. Il affirme que Khartoum n'aurait aucune raison d'armer les Nuers ; cela pourrait poser problème au Soudan dans le cadre des accords de paix. Mais il reconnaît avoir déjà été allié au gouvernement du Nord - alliance qui a par ailleurs entraîné le massacre de nombreuses personnes dont il s'était autrefois proclamé le défenseur.

Plus tard, je prends quelques photos de Machar en train de faire la sieste. Son garde du corps me lance un caillou, ce qui réveille Machar. Il ouvre les yeux, fait signe à son garde du corps de partir, et se rendort, tandis qu'une chèvre passe sous sa chaise.

Lorsque nous reprenons notre conversation, je tente d'avoir une discussion plus intime. Nous parlons du passé. Machar m'explique que la dernière fois que lui et Teny ont pleuré, c'était le 30 juillet 2005, quand ils s'étaient rendus à Bor pour commémorer le sixième anniversaire de la mort de Garang.

Le voyage s'était alors transformé en commémoration du tragique 15 novembre 1991, date à laquelle 2 000 personnes de la région avaient été assassinées - principalement des Dinkas. À sa tristesse se mêlait une forme de colère résiduelle, due aux violences inter-ethniques et à la grande famine qui en avaient résulté.

La veuve de Garang, Rebecca Nyandeng, avait organisé la rencontre. Elle avait critiqué la décision de Machar à l'époque, celle qui l'avait poussé à faire scission d'avec son mari pour se battre aux côtés du gouvernement de Khartoum.

Tandis que Machar et Teny se tenaient devant la maison de feu John Garang, le vice-président, habituellement souriant, avait fondu en larmes. « Je dois assumer l'entière responsabilité des événements de 1991 », avait-il dit. Teny aussi avait sangloté tandis que des plaintes émanaient de la foule.

Ce jour-là, et les suivants, Machar se garda bien de parler de ses relations privilégiées avec l'Armée blanche, groupe de soldats basant leurs décisions selon les ordres des divinités et non via des téléphones satellites. Cette organisation violente et imprévisible venait de se reformer à la demande de Machar - et ils se préparaient déjà à se battre.

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