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FRANCE

Le très chic XVIe arrondissement de Paris chamboulé par un projet de centre pour migrants et SDF

Un centre d’hébergement éphémère doit être installé au printemps prochain en bordure du Bois de Boulogne, dans le très chic XVIe arrondissement de Paris. Un projet qui déplait fortement au maire de l’arrondissement et à certains habitants.
Etienne Rouillon / VICE News

VICE News regroupe ses articles sur la crise migratoire mondiale sur son blog « Migrants »

La mairie de Paris souhaite construire un centre d'hébergement éphémère pour environ 200 sans-abri et migrants dans le très chic XVIe arrondissement de Paris, en bordure du Bois de Boulogne — un projet qui ne plaît pas du tout à certains habitants du quartier.

Lors du Conseil de Paris, qui se tient depuis lundi et jusqu'à ce jeudi 17 décembre, les élus doivent approuver l'occupation pendant cinq ans de ce terrain qui appartient à la mairie, par l'association Aurore qui assurera la gestion du centre.

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Ce projet d'hébergement provisoire est une première pour la ville, qui jusqu'alors mettait plutôt à disposition des bâtiments municipaux déjà construits et laissés vides.

Les cinq bâtiments préfabriqués seront en bois et occuperont, sur 120 mètres de longueur, une partie de l'Allée des Fortifications, qui se situe entre le périphérique — une voie rapide qui fait le tour de Paris — et une rue d'habitations, dont elle est séparée de part et d'autre par de la végétation.

C'est une association spécialisée dans l'accueil et l'hébergement d'urgence, nommée Aurore, qui a été désignée par la mairie comme maître d'oeuvre des futurs travaux, et c'est également elle qui assurera par la suite la gestion du centre d'hébergement. L'endroit accueillera des familles en attente d'un logement stable, ou des personnes isolées qui autrement dormiraient dans la rue. L'un des bâtiments comprendra un réfectoire. 35 personnes — dont des travailleurs sociaux — devraient y être employées.

La mairie de Paris a jugé l'endroit adapté pour le projet car « il est viabilisé (eau et électricité) et le trafic routier aux abords est quasi nul », expliquait-elle dans un communiqué mi-octobre, lors de l'annonce de la création du centre. « Il se trouve par ailleurs dans un arrondissement déficitaire en matière d'hébergement d'urgence, alors qu'il convient de répartir équitablement sur le territoire parisien l'effort de solidarité dans ce domaine », ajoutait la mairie.

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Un « dossier de demande de permis de construire précaire », daté du 13 novembre 2015 a été mis en ligne par une autre association de riverains, il détaille la structure et la forme du projet. VICE News a contacté le cabinet auteur du dossier pour avoir confirmation qu'il s'agit bien là du dossier définitif, qui ne nous a pas répondu dans les délais de publication de cet article. Nous avons également demandé confirmation auprès de l'association Aurore en charge du projet, qui n'a pas souhaité commenter avant la décision du conseil de Paris.

Illustration du projet tel que présenté dans le dossier de demande de permis de construire publié par Association de valorisation du quartier Paris Maillot Dauphine.

L'emplacement du projet tel que présenté dans le dossier de demande de permis de construire publié par Association de valorisation du quartier Paris Maillot Dauphine.

« C'est un peu comme si on s'installait sur le rond-point des Champs Élysées »

Le projet suscite l'ire des habitants du quartier. « L'endroit est particulièrement mal choisi », nous expliquait ce mardi le président de l'association des riverains du Bois de Boulogne, Lionel Lemaire. « C'est un peu comme si on s'installait sur le rond-point des Champs-Élysées, sur un lieu qui n'est pas du tout aménagé et loin de tout commerce. »

xxOutre les craintes de « dévaluation de l'immobilier » du quartier, ou pour la « sécurité », c'est surtout le fait que le centre d'hébergement puisse empiéter sur le Bois de Boulogne, un site classé depuis 1957 et une zone urbaine verte non constructible, que mettent en avant les habitants pour combattre le projet.

Dans le dossier du permis de construire est précisé que le futur centre d'hébergement se trouve « sur une limite du site protégé du Bois de Boulogne ». Mais pour Lionel Lemaire, l'allée des Fortifications se trouve bien dans le bois, et non en bordure comme le soutient également la mairie de Paris. « L'allée se trouve à peu près à 40 mètres de la limite intérieure du bois de Boulogne », affirme-t-il.

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La mairie du XVIe arrondissement — dont le maire Claude Goasguen est membre du parti d'opposition Les Républicains — a lancé il y a quelques semaines une pétition qui aurait recueilli des milliers de signatures. Celle-ci, intitulée « Refusons Sangatte dans le Bois de Boulogne », fait référence au camp qui a accueilli des milliers de migrants entre 1999 et 2002, près de Calais. « Un raccourci un peu caricatural », concède Lionel Lemaire.

D'autres riverains ont fait part de leur mécontentement, en expliquant qu'il était déplacé de mettre la richesse du quartier sous les yeux de personnes en difficulté. Une riveraine explique ainsi à RFI : « Ils n'ont pas choisi le bon endroit. Ils vont mettre des gens qui souffrent de la guerre en face de gens qui roulent dans des voitures qui valent des millions d'euros. »

Une zone re-végétalisée au terme des cinq ans

« Le maire du XVIe arrondissement se dit défenseur du Bois de Boulogne, mais il défend surtout du goudron, uniquement occupé par des voitures que les gens laissent ici parce que le stationnement y est gratuit », rétorque Thomas Lauret, élu PS du même arrondissement, qui soutient le projet et interviendra en sa faveur lors du Conseil de Paris.

Pour lui, la parcelle, choisie précisément parce qu'elle est « la plus éloignée des habitations » et parce qu'elle se trouve « en contrebas », tout comme le projet de bâtiments « qui s'intégreront dans le paysage », ne justifient pas une telle levée de bouclier.

« De plus, à l'issue du permis précaire de cinq années, nous supprimerons le bitume », nous explique l'élu. « C'est une façon de prendre en compte l'avis des riverains : nous agrandirons l'espace végétalisé après avoir participé à la solidarité collective. »

Pour réaliser une construction sur un site classé, la commission départementale de la nature des paysages et sites (CDNPS) doit obligatoirement rendre un avis. Celui-ci a été donné favorable à une courte majorité, selon le journal Le Figaro. Pour être concrétisé, après l'accord du Conseil de Paris, le projet devra encore recevoir l'autorisation de la ministre de l'Environnement, et le permis de construire être signé.

La livraison des bâtiments modulaires est prévue pour les mois d'avril-mai prochains.

Suivez Lucie Aubourg sur Twitter : @LucieAbrg