Avec ceux qui vivent sous la route la plus empruntée de Londres

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Avec ceux qui vivent sous la route la plus empruntée de Londres

Le photographe Alex McBride a passé du temps avec une petite communauté de « Travellers » – des nomades d’origine irlandaise – installée sous un enchevêtrement de voies rapides.

Roulez jusqu'à Westfield – ce monolithe en marbre poli érigé il y a près d'une décennie dans le quartier de Shepherd's Bush – et vous apercevrez un minuscule hameau constitué de caravanes et de bungalows, niché au-dessous de l'enchevêtrement de ponts routiers qui relient la voie rapide Westway à deux autres voies. Lieu d'accueil pour les Travellers depuis le XIXe siècle, il a fallu attendre 1976 pour que Stable Way soit officiellement qualifié de terrain de stationnement officiel par le British Council, et ce, dans le but de maintenir – de manière contradictoire – les gens du voyage présents dans la région hors des routes.

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Sur place, les avis divergent quant aux avantages de la vie sous une autoroute. Certains sont tellement habitués au bruit qu'ils prétendent ne pas pouvoir dormir sans l'entendre. D'autres, comme Martin O'Donnell, se plaignent que « des connards au volant jettent tout et n'importe quoi [sur nous] – des bouteilles, des vis par poignées… »

Tyler nettoie l'allée privée de sa famille

La pollution pose également problème. Alors que de nombreux tests ont démontré qu'il n'y a pas plus de pollution atmosphérique sur place qu'autour des maisons situées sur le périphérique nord, O'Donnell sait qu'il ne s'agit pas d'une véritable victoire. « Quand on lave les caravanes, dès le lendemain, elles sont pleines de suie et de pollution provenant des pots d'échappement, explique-t-il. Quelques heures [après avoir nettoyé], il suffit de passer un chiffon et de voir que le noir [est revenu] – c'est grave à ce point. »

Tout en berçant l'un de ses petits-enfants né récemment, le chef de famille Pat O'Donnell explique ce qui le pousse à rester : « Quand vous vivez sur un terrain, vous ressentez une certaine liberté. Je pense que dans une maison, beaucoup de Travellers seraient claustrophobes – un peu comme dans une prison. »

La série de photos ci-dessous retrace le quotidien de la communauté de Westway.

« Quand je suis arrivée, j'ai pensé : "Mon Dieu qu'est-ce que c'est que ça ?" Mais aujourd'hui je ne partirais pour rien au monde. Tout est bien ici. C'est douillet, confortable, agréable, déclare Kathleen Maughan en fixant sa tasse de thé. Le trafic ne me dérange pas. La nuit, je dors comme un bébé. Vraiment ! Désormais, quand je rentre à Oxford, je n'arrive pas à fermer l'œil tellement c'est calme ! »

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L'un des enfants évoque le problème des préjugés à l'école : « Si jamais ils osent me faire une remarque, ils verront mon poing. Ce serait du racisme. Nous avons ça dans le sang. Nous savons nous battre – c'est pourquoi personne n'ose dire quoique ce soit. Mais il est évident que s'ils me voient tout seul, ils vont quand même essayer… »

Pat O'Donnell vit à Stable Way depuis 1998. Après avoir quitté l'Irlande pour l'Angleterre en 1985, il a d'abord passé un certain temps à Manchester avant de partir pour le sud et vivre dans différents quartiers de Londres. En tant que chef des O'Donnell, la famille qui occupe la majeure partie du site de Westway, il a le dernier mot quant à la gestion quotidienne du site.

Deux lapins récemment tués lors d'une expédition de chasse menée par Pat et ses chiens. Bien que la petite communauté de Westway ne vive pas dans l'environnement typique du Traveller traditionnel, certains aspects des anciens modes de vie persistent.

Jerry, 13 ans, est assis devant l'école de fortune du site – il vient rendre visite à ses copains de Westway. Il vit sur un terrain occupé par une autre communauté de Travellers à Catford. Je lui demande ce que ça fait de vivre là-bas. « C'est bien. C'est la liberté !, répond-il. Au fond, c'est tout ce que nous connaissons, la vie de nomade. Avant, je vivais dans une maison – je me sentais pris au piège, je ne pouvais rien faire. C'est beaucoup plus sûr [ici]. Vous connaissez tout le monde, vous savez. »

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« Les rumeurs veulent que quand vous venez sur le site, vous ne puissiez pas parler aux femmes – ce sont toujours les hommes qui vous abordent, raconte Pat O'Donnell. Pourtant, la plupart des femmes qui vivent ici sont capables de parler beaucoup plus que les hommes. »

Le labyrinthe complexe de routes et d'intersections vu du dessous.

Au lieu de vivre dans des logements en briques typiques, les résidents de Stable Way choisissent de vivre dans un mélange de caravanes modernes et statiques.

La famille de Winnie Ward (plus connue sous le nom de Missy au sein de la communauté) s'est établie sur le site avant même qu'il ne devienne officiel en 1975. Sa fille, également appelée Winnie, évoque la relation entre les Travellers et les communautés sédentaires : « J'ai été mariée avec un non-Traveller, mais ça n'a pas marché – nous étions trop différents. Je ne pense pas qu'ils nous comprennent. Nous ne nous comprenons même pas nous-mêmes, alors comment voulez-vous que quelqu'un d'autre nous comprenne… »

Des graffitis griffonnés sur les portes arrière de l'école de la communauté.

Chaque jour, les femmes de la communauté lavent leur caravane au jet. La pollution engendrée par le flux de circulation constant autour du site s'accumule rapidement et doit être tenue à distance afin de préserver la salubrité des foyers.

Quand je demande à Pat ce qu'il pense de la vie sur le site, ses premiers commentaires concernent les enfants. « Nous avons notre propre communauté ici, déclare-t-il. Nos enfants peuvent sortir, jouer dans les alentours, en haut comme en bas – nous n'avons pas à les garder enfermés. Nous n'avons pas à nous soucier de savoir où ils vont : ils sont là. Chacun veille sur les autres. »

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Un sanctuaire dédié à la Vierge Marie situé à l'extrémité du site de Westway. La religion occupe une place aussi importante que l'héritage pour Martin O'Donnell. « Je suis né catholique et je mourrai catholique – rien ne pourra changer cela, déclare-t-il. Même chose pour mon héritage : je suis né nomade, je mourrai nomade. Personne ne pourra me retirer mon indépendance. »

Martin a été témoin des préjugés qui subsistent à l'encontre des Travellers quand ces derniers tentent de se rendre dans des pubs locaux, comme le Pig and Whistle. « Il fut un temps où le bar était bondé tous les week-ends. Tous les Travellers venaient dans ce pub, explique-t-il. Maintenant, tout a changé, tout le monde a son propre bar habituel et se cantonne à un seul endroit. »

Deux des nombreux chiens de Pat, qu'il garde sur place et emmène à la chasse.

Pour Pat et le reste de la communauté, l'identité d'un Traveller ne se résume pas au fait de se déplacer d'un endroit à l'autre. « Certains membres de la communauté sédentaire aimeraient peut-être vivre comme des Gitans ou des Travellers, mais ce n'est pas possible, vous savez. On naît Traveller, on ne le devient pas, déclare-t-il. Même si je vis sur ce site depuis 18 ans, je reste un Traveller. »

@alex. mcbride