Les juifs orthodoxes d’Anvers savent comment célébrer Pourim
Toutes les images par Lars Moereels

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Les juifs orthodoxes d’Anvers savent comment célébrer Pourim

J'ai passé un après-midi avec des femmes juives qui préparaient la fête de Pourim à Anvers.

Pour fêter Pourim, la journée de la délivrance miraculeuse, les juifs orthodoxes échangent leurs pipes et kippas contre des déguisements absurdes faits à partir de boîtes en carton. On pourrait résumer ça en une image : des jeunes enfants déguisés en distributeurs de snacks jouent avec d’autres, déguisés en personnes âgées, eux-mêmes poursuivis par des hommes juifs un peu pompettes qui roulent en vélo dans les rues d’Anvers. Parce qu’il n’existe au fond qu’une seule chose qui relie tous les peuples du monde – à savoir une bonne grosse fête – j’ai passé l’après-midi avec un groupe de femmes juives pour les aider à préparer le banquet de Pourim.

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Dans chaque recoin du monde, tout carnaval est célébré plus ou moins de la même manière : des litres d’alcool pour se préparer à enfiler sans honte son costume Disney ou Kim Kardashian, et manger à s’en faire éclater la panse (et le-dit costume). L’origine et la signification même d’un carnaval sont bien souvent oubliées, un peu comme la journée alcoolisée qui en découlera. Mais ce n’est pas le cas de la fête de Pourim : les juifs savent très bien pourquoi ils se doivent de l’honorer. Le repas festif constitue même une obligation religieuse. Cette fête a en effet une signification biblique et célèbre l’arrêt de l’extermination des Juifs vers 500 av. J.-C. grâce à la reine Esther. Elle a épousé le roi Achashjverus et ainsi sauvé le peuple juif de l’extermination planifiée par le ministre antisémite Haman. Aujourd’hui, le festival symbolise plus globalement la survie du peuple juif à travers l’histoire.

« Entrez, mais entrez donc ! » Trois mères juives nous tirent à l’intérieur, toutes excitées d’avoir de la visite. La maison de Moshe* à Anvers ressemble à une maison familiale classique, les murs tapissés de photos de mariage et de vacances à Jérusalem, une table dressée pour quarante personnes trônant au centre de la pièce et une bibliothèque impressionnante débordant de torahs. Lars, le photographe, se voit asseoir à côté de Moshe – en tant que femme, je ne suis pas autorisée à m’asseoir à côté de ces hommes qui boivent du whisky et distribuent des billets aux enfants comme si il s’agissait de biscuits au beurre. J’apperçois même les moins timides d’entre eux s’essayer à quelques pas de danse au milieu du salon.

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D’après la Torah, boire lors de Pourim serait un « moyen pour élever la personnalité ». Pour l’occasion, Moshe porte un T-shirt sur lequel on peut voir multitude de bouteilles d’alcool. On reste sobre, cependant, dans la cuisine, où Sarah * et d’autres mères juives cuisinent ensemble. Je lui demande pourquoi nous sommes autant à l’écart des hommes assis à table. « T’occupes, on les laisse tranquille, ils nous laissent tranquille. Nous, on préfère se concentrer et faire en sorte que cette journée se distingue par un repas délicieux, on n’a pas besoin de vin pour ça. Tout acte en cette journée possède une signification symbolique profonde, et notre rôle se situe dans la cuisine. »

Ci-dessous, un aperçu : enfants empaquetés dans de drôles de costumes, banquets dignes des plus grands seigneurs, et sourires jusqu’aux kippas.

« En tant que femmes, nous sommes considérées comme le socle de la famille et c’est magnifique. La fête de Pourim ne fait que mettre cela en avant : un repas délicieux, l’accueil des enfants, les cadeaux, nous sommes là pour ça. Aimer, manger, et faire la fête : toutes les cultures ont ça en commun, non ? »

Tout au long de la journée, nous voyons défiler des enfants venant chercher leurs cadeaux. Lors de Pourim, les juifs doivent accomplir quatre bonnes actions : offrir de l’argent aux plus démunis, offrir des cadeaux à leurs amis et leurs enfants, offrir deux mets différents à ceux-ci et, très important, faire la fête comme il se doit.

« Nous préparons des pâtisseries fourrées aux graines de pavot et du pain tressé. C’est la base de notre menu de Purim. En fait, on cuisine principalement des choses fourrées. Cela fait référence au concept ‘d’apparence’, c’est à dire que quelqu’un ou quelque chose vu de l’extérieur sera toujours différent à l’intérieur. »

Temps d’écarter les tables (et les hommes un peu trop éméchés) pour laisser place à une discothèque sauvage sur un tapis sonore semblable à de la musique folklorique juive.

*A la demande de la famille, les noms ont été modifiés.

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