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Ce que j'ai appris sur les boutons en les étudiant pendant sept ans

La question n'est pas « Les boutons sont-ils bons ou mauvais ? » mais plutôt « Qui devrait avoir le droit de les presser ? »

Cet article est d'abord paru sur The Conversation.

Chaque jour, les Américains poussent une quantité invraisemblable de boutons : sur une cafetière, sur une télévision, sur une publication qu'ils apprécient sur tel ou tel réseau social. Cela fait sept ans que j'essaie de comprendre pourquoi. D'où viennent les boutons ? Pourquoi les Américains les aiment-ils autant ? Et surtout, pourquoi aiment-ils autant les détester ?

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Les recherches préliminaires à mon récent ouvrage Power Button : A History of Pleasure, Panic, and the Politics of Pushing, dans lequel je tente de remonter aux origines de l'amour américain pour les boutons-poussoir, m'ont permis de dégager cinq grands thèmes. Ma compréhension des boutons et leur culture dépend largement d'eux.

1. En fait, les boutons ne sont pas faciles d'utilisation

À la fin du 19e siècle, l'Eastman Kodak Company s'est mise à vendre les boutons-poussoir comme des instruments de simplification de la photographie. Le slogan de l'entreprise — « You press the button, we do the rest » — laissait entendre que les derniers gadgets étaient à portée de doigt. Cette campagne publicitaire a mis le public sur le chemin de la photographie amateur et donc des selfies, mais c'est une autre histoire.

Pourtant, des biens des situations passées ou présentes, les boutons n'ont rien de commode. Combien de fois avez-vous attendu que les portes de l'ascenseur se ferment en pressant le bouton dédié comme si votre vie en dépendait, en vain ? Et qui oserait prétendre que les boutons aux abords des passages piétons fonctionnent ? Plus frustrant encore, les télécommandes soi-disant universelles et leurs techniques de programmation. Sans oublier la crème du pire, les tableaux de bord dans l'aviation et le matériel pour DJ.

Cela fait plus d'un siècle que l'humanité se plaint des boutons. En fait, la plupart d'entre eux sont trop difficiles à utiliser pour un utilisateur sans entraînement. Les machines sont ainsi.

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2. Les boutons encouragent le consumérisme

Les premiers boutons-poussoir servaient à opérer des distributeurs automatiques, allumer la lumière ou, chez les plus nantis, appeler le personnel de maison.

Au début du 20e siècle, ceux qui fabriquaient et distribuaient ces boutons essayaient souvent de faire croire aux consommateurs que tous leurs désirs pouvaient être exaucés d'une pression du doigt. Adieu dangers, salissures et efforts inhérents aux leviers, manivelles et autres chaînes à poignée. Aujourd'hui encore, les boutons sont de formidables sbires de la société de consommation. Il suffit d'appuyer sur l'un d'entre eux pour obtenir une barre chocolatée, un film en streaming ou un VTC.

Le « Dash button » d'Amazon pousse ce plaisir de la pression-consommation à l'extrême. Beaucoup de gens trouvent tentant d'installer ces boutons à vocation unique dans toute leur maison : celui-ci commande du papier toilette, celui-là de la lessive, cet autre des sacs poubelle… Un dispositif commode mais potentiellement coûteux : les « Dash button » ne permettent pas de consulter les prix d'un produit avant de l'acheter. L'Allemagne vient d'ailleurs de les interdire pour cette raison.

3. Presser un bouton peut vous faire passer pour un sale type

Grâce à mes recherches, j'ai découvert que les gens craignaient de voir une mauvaise main planer au-dessus des boutons. Un petite main, par exemple : mes enfants appuient sur tous les boutons qui passent à leur portée. Aux 19e et 20e siècles, les enfants faisaient pareil. Beaucoup de témoignages évoquent des gamins pressant des klaxons, des sonnettes et d'autres boutons d'apparence marrante.

Beaucoup d'adultes ont été critiqués pour leurs pression du doigt, eux aussi. Dans le passé, certains managers utilisaient des sonnettes pour gérer leurs employés comme des serviteurs. Plus récemment, la presse américaine a révélé que le journaliste Matt Lauer avait utilisé un bouton d'ouverture/fermeture de la porte de son bureau pour piéger des femmes qu'il aurait ensuite agressées sexuellement.

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4. Il y a pas mal de boutons-croque-mitaines

À partir de la fin du 19e siècle, l'une des craintes les plus fréquemment attribuées aux boutons concernait la guerre et les armes avancées : le monde pouvait-il être détruit d'une simple pression ?

Cette angoisse est sortie grandie de la Guerre froide et persiste aujourd'hui dans les journaux comme au cinéma. Dommage, car le bouton de destruction de la Terre n'existe pas. Reste qu'il s'agit d'une image puissante et révélatrice de notre rapport aux boutons : dans l'esprit de beaucoup, pousser l'un d'entre eux a forcément des conséquences rapides et irréversibles.

Le concept de bouton-apocalypse est bien utile en géopolitique. L'année dernière, Donald Trump a attaqué le dirigeant de Corée du Nord, Kim Jong-un, en annonçant sur Twitter : « Moi aussi j'ai un Bouton Nucléaire, mais il est beaucoup plus gros et plus puissant que le sien, et mon Bouton fonctionne ! »

5. Les choses n'ont pas vraiment changé en un siècle

En finissant mon livre, j'ai été marqué par la concordance des voix passées et présentes dans la vaste discussion sur les boutons. Depuis les années 1880, la société américaine débat pour savoir si appuyer sur quelque chose est une bonne manière d'interagir avec le monde.

Rendent-ils la vie plus facile ? Plus plaisante ? Plus machinale ? Le doute demeure.

Certains observateurs pensent que les boutons pourrait nous compliquer la tâche en nous forçant à utiliser des interfaces superflues ou « non-naturelles ».

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En dépit de tous les reproches qu'ils se sont attirés au fil du temps, les boutons sont toujours là, têtus. Smartphones, ordinateurs, télécommandes, tableaux de bord, manettes, ils sont retranchés dans chaque recoin de notre vie.

Dans Power Button, je suppose que le point final de la discussion concernant les bons ou mauvais effets des boutons-poussoir se trouve dans les dynamiques de pouvoir qu'ils permettent. Qui a le droit de pousser le bouton ? Qui n'a pas le droit ? Dans quels contextes, sous quelles conditions, au bénéfice de qui ? Ce faisant, nous pourrons peut-être comprendre la complexité et l'importance des boutons.

Rachel Plotnick, Professeure adjoint de cinéma et sociologie des médias à l'université d'Indiana, est l'auteure de Power Button: A History of Pleasure, Panic and the Politics of Pushing.

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