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Toutes les photos sont par Anna Saviolakis

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Culture

Eddy de Pretto et l’art de se rendre vulnérable

Le chanteur français jouit en ce moment d’un succès enviable. Mais avec le succès vient la vulnérabilité, et ça, c’est sa partie préférée.

Depuis maintenant près de deux ans, Eddy de Pretto est omniprésent dans la scène musicale et culturelle francophone. Avec son premier album, Cure, ses paroles décomplexées et brutes, son ton de voix atypique et une certaine nonchalance cool, le jeune chanteur a complètement bouleversé le paysage musical en France. En sortant Culte, une réédition de Cure, en novembre dernier, de Pretto s’est taillé une place encore plus importante aux yeux du public et dans le cœur de ses fans.

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Il faut savoir qu’Eddy de Pretto n’en est pas à ses débuts sur scène, ayant un passé dans le monde du théâtre et du cinéma. Depuis qu’il est tout petit, il affirme avoir toujours cherché l’attention. Aujourd’hui, de l’attention, il en a à revendre, ce qui vient avec un certain lot de problèmes. Mais, malgré cela, il continue d’écrire des chansons où il se découvre complètement, et se rend vulnérable devant les yeux d’une grande partie de la francophonie occidentale.

Pour la première fois depuis le lancement de cette réédition, le jeune Créteillois est en ce moment en tournée au Québec. On s’est donc assis avec lui dans le lobby de son hôtel à Montréal pour parler de sa façon de composer avec cette célébrité et de cette recherche de vulnérabilité qui l’habite et le motive.

VICE : Salut Eddy! Souvent, les artistes ne sont pas nécessairement préparés pour la scène. Mais toi, venant d’un background de théâtre, crois-tu que tu étais mieux armé pour composer avec ça?
Oui, j’ai commencé par la scène! Le succès, ça me faisait kiffer, parce que je pense que je le voulais aussi, et j’étais animé par ce désir d’être sous les projecteurs. J’adorais être intéressant, faire le pitre, à l’école. Donc j’aimais ce truc d’être entendu. Je savais que je voulais être sur la scène, me mettre en scène; je savais que je voulais raconter des choses, mes choses, et ça, c’était plus important que le reste.

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C’est un peu inné, dans un sens. Ma mère m’a mis dans un cours de théâtre quand j’étais petit, et il y a eu un truc hyper facile et évident. Et en plus, ma prof me le rendait bien, elle me donnait les premiers rôles dans les spectacles, elle me trouvait génial.

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Mais crois-tu que tu étais préparé pour un tel succès?
On n’est jamais préparé pour le succès, qu’il soit grand ou petit. On en rêve, de manière assez floue, mais il n’y a pas de détails, on s’imagine déjà que ça réglera tous nos problèmes personnels, alors que pas du tout! [rires]

C’est plein de choses, dans le positif comme dans le négatif. Il y a des moments où t’es très stressé, où c’est très vertigineux, comme il y a des moments où tu veux tout arrêter, que ça te plaît pas. Et d’autres moments où tu te dis que tu pourrais rien faire d’autre, que c’est ce qui te donne envie de te lever le matin, ce qui te fait bouger. En ce moment, je suis dans cette phase. Je sors de 10 soirs au Zénith, en France, et là, je suis très, très heureux de faire ça.

À quel moment tu t’es rendu compte que tout ça était vrai, que ça arrivait vraiment?

C’est dans la rue, quand les gens t’arrêtent, que tu vas au supermarché et t’entends ta chanson, que t’es dans la voiture avec ta mère et que la chanson passe! En France, ça fait quand même déjà presque un an et demi que c’est dans la culture populaire, donc je commence à m’y habituer. Ou en tout cas, je le vis mieux.

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Est-ce que ça a une influence sur le futur matériel sur lequel tu travailles?
Non, je crois pas. J’essaie de garder cette simplicité, cette innocence, ce truc très personnel et très intimiste que j’avais pour ce premier album, et je veux garder la même formule. Pour moi, tout passe par l’écrit. Je suis attaché au sens, aux mots, à ce que je vais raconter et à la profondeur même du message que j’ai envie de mettre dedans. C’est vraiment la bulle, le cocon, tenter de se mettre face à soi-même pour pouvoir écrire le plus possible.

C’est quoi ta plus grande peur lorsque tu écris?
J’ai peur de tout quand j’écris. Je déteste écrire, donc ça se passe en différentes phases. La première étape, c’est de me mettre face à ma feuille, et après je repousse, je repousse, et quand je me mets à écrire, j’ai peur de pas trouver les bons mots, je me dis que c’est nul, je me juge moi-même. Après, à la fin, je me dis : « Putain! Comment ça va être pris? » Parfois je m’en fous, parfois je jette tout.

J’imagine aussi que, quand on écrit de la musique aussi personnelle que la tienne, on se rend très vulnérable aux yeux du public.
Oui, et j’adore cette idée! De mettre son âme et son corps au service de quoi que ce soit. De raconter l’écorchure, le détail humain, la folie. Ou même parfois des choses qu’on ne peut pas dire, parce qu’elles ne sont pas conformes. J’aime qu’on puisse aller piocher dans les méandres de nos pensées, comme ça, et se raconter le plus profond de soi-même. Je trouve ça beau qu’on puisse se vider et ne pas avoir peur.

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Plus tu racontes des choses personnelles, selon moi, plus les gens peuvent le ressentir et s’y identifier. Et ils sont dérangés, dans quelque chose qui pourrait refléter leur vie personnelle. Donc j’adore cette idée de creuser et dire des choses qu’on ne pourrait autrement pas dire dans la vie.

As-tu été étonné du point auquel les gens se sont identifiés à ta musique?
Ouais, très étonné. Je rêvais bien sûr que ça puisse fonctionner. Mais je pensais pas qu’avec des textes parfois un peu dégueu – on va se le dire, dans la manière dont je peux parler de la fête qui est assez radicale, frontale –, je ne pensais pas que ça pouvait autant être identifié dans la culture généraliste, en France. Donc je me disais : « Ah ouais, ça va passer à la radio commerciale. » C’est fou, vu que je parle quand même avec détail et précision de mes soirées, et que ça puisse passer dans des environnements plus mainstream, ça m’a étonné.

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Mais c’est aussi ce qui a ouvert le champ : clairement, je passe pour l’ outsider de toutes ces émissions grand public auxquelles je suis invité, mais il y a quand même une identification par certaines personnes. Donc je sais pas trop encore, c’est le début, et je sais pas trop où me placer par rapport à ça.

Es-tu à l’aise avec l’espace que tu occupes sur la scène en ce moment, ou voudrais-tu devenir encore plus gros?
J’adorerais évoluer, m’étendre et grossir, bien évidemment. On en veut toujours plus, je crois. Là, je viens de goûter à 10 Zéniths, et il y a 90 salles comme ça en France, et je veux toutes les goûter. C’est tellement fou et fort à la fois, ce truc d’avoir 8000 personnes face à soi chaque soir, ça s’explique même pas, c’est du délire! Tu sors de là et t’es dingue.

Et comment tu vis ce down, après le spectacle, quand tu redescends du nuage?
Je le fuis, grâce aux réseaux. Je reste connecté, je regarde les images, les trucs qui ont été lancés, et ça redescend tout doucement, jusqu’à ce que je m’endorme!

Billy Eff est sur internet ici et .

Eddy sera en spectacle le 6 avril au Mtelus, à Montréal, et à Québec à l'Impérial Bell.