Place de la Bastille, samedi 8 décembre, 7 h 45. Le quartier est bouclé, seuls quelques petits groupes de « gilets jaunes » épars sont présents. Autour d’eux, des escadrons de CRS ont pris position tout autour de la place, statiques, pendant que des policiers en civil, encagoulés, se déplacement en meutes et multiplient les contrôles, en toute subjectivité.
Au total, 8 000 membres des forces de l’ordre ont été mobilisés à Paris et 12 véhicules blindés de la gendarmerie – les « VBRG » – déployés. Sacs, valises, manteaux, les fouilles sont systématiques. Si un foulard, un masque à gaz, ou même un simple dosette de sérum physiologique sont trouvés, le « contrôlé » devient suspect. Un de nos photographes n’y échappe pas. Il est palpé, sommé de vider son sac dans lequel est rangé son matériel et un masque à gaz – ce qui est normal pour un photojournaliste qui couvre un mouvement social de cette ampleur – et doit dès lors se justifier, malgré l’ordre de mission qu’il a en sa possession. Seule l’intervention d’un officier de police judiciaire lui permet de continuer son chemin, pendant qu’un des « contrôleurs », visage dissimulé sous une cagoule lui rétorque en ricanant : « Avec moi ça ne se serait pas passé comme ça. ».
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Nous nous quittons. Lui file vers gare du Nord, pour cueillir des gars du Nord descendus manifester. De mon côté, je me dirige vers la place de la Concorde. Les métros ne circulent pas, je choisis d’éviter la rue de Rivoli pour emprunter les quais. C’est à ce moment-là que je suis moi aussi fouillé. Mon spray aérosol décontaminant m’est confisqué. Et tant pis si je pleure, je « n’avais qu’à rester chez moi », comme m’a conseillé le gorille qui m’a contrôlé.
C’est un exemple parmi tant d’autres des agissements de certains membres des forces de l’ordre. Certaines attitudes zélées ne trompent pas. Qu’est-ce qui justifie qu’un CRS disent à une quinquagénaire, propriétaire d’un salon de coiffure « Dégage de là salope », après m’avoir asséné un coup de matraque ? La fatigue et les cadences infernales peut-être, les ordres et la peur très certainement.
Les heures passent et la situation se dégrade. Journalistes, photographes, manifestants, redoutent les lacrymos, les tirs de flash-ball, mais, encore et toujours le zèle de certains flics parés de gilets jaunes. Même loin des brasiers de l’avenue des Champs-Elysées et de l’avenue de Friedland, le moindre écart de conduite, même verbal, suscite la suspicion de ces « autres civils » casqués, cagoulés, et munis de brassard “Police” orange fluo.
Il était décrété que le 8 décembre Paris serait une ville en état de siège, bouclée. Ce fut bien sûr le cas. Au total, 1 082 personnes ont été interpellées, 900 gardées à vue. Et de nombreux manifestants, photographes et journalistes été blessés. Cent vingt-six personnes auraient d’ailleurs été accueillis dans les hôpitaux franciliens samedi 8 décembre.
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