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chirugie esthétique

Chirurgie esthétique : la quête du « vagin parfait »

Un nombre croissant de femmes ont eu recours à la chirurgie esthétique sur leurs organes génitaux.
EA
illustrations Erin Aniker
NS
traduit par Nazanine Sadeghi

Cet article a été initialement publié sur VICE UK.

Juliette, une Londonienne de 27 ans, n'a jamais aimé ses « longues lèvres ». Dans ses pantalons de yoga, elle était gênée par l’« excédent de peau » qu'elle croyait visible à travers le lycra. Elle arrivait tôt à chaque cours pour se mettre au fond de la salle et est vite devenue obsédée par les entrejambes lisses des autres filles de son cours.

Elle a donc décidé de faire quelque chose pour remédier à son soi disant problème et, en juillet dernier, elle a eu recours à une labiaplastie, une procédure visant à raccourcir des lèvres étirées. En amputant une partie de ses lèvres, Juliette a rejoint le nombre croissant de femmes qui ont eu recours à la chirurgie esthétique sur leurs organes génitaux, que ce soit une labiaplastie, procédure visant à modifier la taille ou la forme des lèvres internes, ou une vaginoplastie (parfois appelée « rajeunissement vaginal »), opération visant à renforcer et à resserrer la zone du vagin, une sorte de lifting vaginal.

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Selon l’ASPS (American Society of Plastic Surgeons), 12 666 labiaplasties ont été réalisées dans le monde en 2016. 39 % de plus par rapport à l'année précédente. La procédure devient de plus en plus courante dans le monde. Sans surprise, ces « rajeunissements féminins » suscitent des controverses : certaines femmes parlent de l’opération comme d'un tournant dans leur vie, d'autres la pointent du doigt comme étant le symptôme d'une culture profondément superficielle et misogyne.

Bonnie, elle, a investi dans une opération de « rajeunissement vaginal » après en avoir entendu parler sur Botched, une émission de télévision sur les interventions de chirurgie esthétique qui tournent mal. À 32 ans, elle confie : « J'ai toujours été gênée par mes lèvres. Je ne les trouvais pas belles, je trouvais que ça faisait moche dans mes vêtements. Même dans les moments intimes, j'essayais de les cacher. Depuis l'opération, je peux aller à la salle de sport ou porter un maillot de bain tranquillement. Je peux porter n'importe quel sous-vêtement maintenant. La labiaplastie a changé ma vie. Je n’aurais jamais cru pouvoir être aussi à l’aise sexuellement. »

Toutes les femmes qui passent par ce type de chirurgie ne sont pas toutes nées avec des complexes. Beaucoup optent pour la procédure après être devenues mères. Après l'accouchement, les muscles et les tissus vaginaux du bassin peuvent parfois s'étirer et se rompre, entrainant un relâchement qui peut lui-même provoquer une perte de sensation pendant les rapports sexuels. D'autres se disent gênées par l'apparence de leur vagin après un accouchement par voie naturelle.

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Mère de deux enfants, Kaye s’est laissée tenter par le « rajeunissement vaginal au laser » : un traitement au laser qui aide à raffermir le vagin. « J'ai remarqué une différence dès le lendemain ; je me suis sentie sexy à nouveau », déclare-t-elle. « Ce que je déteste, en revanche, c'est qu'on parle d'un vagin "rajeuni" ou "refait". C'est de la reconstruction. Si le pénis d'un homme s'écroulait après l'accouchement, ce ne serait pas un "pénis rajeuni" ; il serait soigné immédiatement. Mais nous, les femmes, on doit faire avec. »

La première labiaplastie remonte à 1983. On pratiquait la « technique du coin », à l'époque – une coupe des lèvres internes, ou des petites lèvres. Un gros morceau de tissu était amputé pour préserver le bord libre naturel du capuchon vaginal pour un rendu plus, esthétique, plus caché et plus symétrique. Depuis ces procédures pionnières, la pratique de la chirurgie esthétique génitale a progressé de manière exponentielle, à la fois en termes d'efficacité et de précision. Le Dr Heather Furnas, par exemple, a pratiqué sa première labiaplastie il y a près de 20 ans : « Un employé de l'hôpital m'a dit que sa petite amie voulait se faire opérer car ses lèvres lui faisaient mal et la gênaient. J'ai précisé que ce serait ma première labiaplastie. J'ai étudié la procédure avant d'entreprendre la chirurgie, et elle était ravie des résultats. À l'époque, il y avait peu de documentation sur la labiaplastie, et la plupart des femmes n'en avaient même jamais entendu parler. »

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Nous avons interrogé plusieurs chirurgiens pour comprendre ce qu'ils cherchaient communément à réaliser lors de cette procédure. Leur réponse : un pubis plat, de petites lèvres fines et roses, des lèvres externes pleines, une symétrie, pas de plis dans le capuchon clitoridien et une ouverture étroite du canal vaginal. Voici donc l’archétype du vagin « parfait ».

Ce genre de classification sous-entend qu'il existerait donc un « vagin parfait ». Cette conception, propre à la chirurgie esthétique, suscite de nombreuses critiques. Et des voix s'élèvent, dans le monde de l'art ou des médias, pour affirmer qu'il n'existe pas de vagin « idéal » ni de vagin « standard ». Alice Felice Cara, fondatrice du magazine féminin Running in Heels, milite justement contre les rajeunissements vaginaux. « La quête de la perfection s'étend jusqu'aux parties les plus intimes de l'anatomie féminine. Ce n'est pas une coïncidence si l'on a cette image du vagin "parfait" que l'on voit dans les films pornos – ils sont faits pour les hommes, par les hommes », déclare-t-elle. « Cela fait 20 ans que l'œuvre phare d'Eve Ensler, Les Monologues du vagin, a été publié, et, pourtant, on croit toujours au mythe du vagin parfait. »

Selon le Dr Canales, de nombreux chirurgiens refusent d'opérer une femme qui demande une chirurgie pour plaire à un partenaire : « Si les préférences d'un petit ami sont mentionnées lors de la consultation, c'est un patient à éviter. Nous n'effectuons pas ces chirurgies pour plaire à quelqu'un d'autre. » Cependant, les facteurs d'influence sont souvent beaucoup plus insidieux. Comme le souligne le Dr Shaheen Khazali, gynécologue et chirurgien laparoscopique pour le NHS (le National Health Service ; le système de la santé publique du Royaume-Uni), les raisons du succès du « vagin parfait » sont à chercher ailleurs : « Depuis quelques années, les patients, et en particulier les jeunes filles, ont une vision erronée de ce qui est normal et parfait. Les femmes se comparent aux femmes qu'elles voient sur Internet, ou se fient aux publicités des cliniques qui encouragent ces procédures – ça leur donne l'impression que les lèvres doivent être cachées, ce qui est tout simplement faux. Nous sommes tous différents. »

Et puis, ces procédures ne sont pas sans risque. « J'ai vu des naissances compliquées par la faute de ces opérations », explique Lucia, une sage-femme. « Tout dépend de la quantité de tissu cicatriciel : plus le tissu cicatriciel est important, plus les risques de complications sont importants, les vaginoplasties peuvent laisser beaucoup de tissus cicatriciels aux femmes, ce qui n'est pas toujours complètement expliqué aux patients. Il y a un risque plus élevé de césariennes d'urgence et d'autres interventions de naissance qui peuvent rendre les épisiotomies difficiles. »

De l'autre côté du spectre, il y a aussi la reconstruction pour les victimes de mutilations génitales féminines (MGF), dont les lèvres ont été douloureusement amputées, généralement sans anesthésie, tel que c’est pratiqué dans certaines communautés en Afrique, en Asie et au Moyen-Orient. « J'ai opéré une femme somalienne victime de mutilations génitales féminines, notamment l'infibulation, au cours de laquelle ses petites lèvres et son clitoris ont été complètement enlevés et ses organes génitaux ont été fermés », explique le Dr Heather Furnas. « Il ne restait plus qu'un petit trou pour le passage de l'urine et des règles. Toute la zone était cicatrisée – la cicatrice faisait environ 6 mm d'épaisseur. »

Tailler l'excès de peau, reconstituer un vagin après l'accouchement et réparer les femmes qui ont subi des MGF sont évidemment des choses très différentes, et c'est là que les arguments qui divisent la chirurgie génitale féminine deviennent plus délicats. Une chose cependant est sûre : on devrait parler de vagin plus souvent.

@MillyMcMahon / @ErinAniker