FYI.

This story is over 5 years old.

Tech

La Croix-Rouge veut des technologies au service de l'humanitaire

Face aux nouveaux défis humanitaires, l'organisation espère développer des technologies abordables et efficaces capables de s'adapter à tous les contextes locaux.

En Suisse, le Comité international de la Croix-Rouge et l'Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL) s'associent pour développer des technologies adaptées aux défis humanitaires. Elles vont lancer un programme de recherche et développement de quatre ans, qui doit permettre de faire émerger des innovations susceptibles d'aider la Croix-Rouge sur le terrain. Qu'il s'agisse de technologies de communication, de gestion de l'énergie, d'accès à l'eau ou encore de biotechnologies, "les pistes à explorer ne manquent pas", s'enthousiasme La Croix-Rouge.

Publicité

"Ce n'est pas une relation exclusive entre nous et l'EPFL", précise Dikolela Kalubi, détaché par la Croix-Rouge pour diriger ce nouveau programme qui sera hébergé par l'Ecole polytechnique. L'idée est au contraire de créer un "hub technologique" capable d'attirer d'autres scientifiques et universitaires, mais aussi des entreprises qui permettront de donner de l'ampleur aux projets. "Chaque technologie devra avoir un modèle d'affaires viable, prévient Dikolela Kalubi. Car on ne la développera pas seulement pour la Croix-Rouge, mais pour qu'elle soit réutilisable dans d'autres situations et déployable à une grande échelle."

La première innovation qui devrait émerger du partenariat est un pied artificiel. Il viendra compléter la gamme de prothèses dont dispose déjà la Croix-Rouge. En plus d'être robuste et abordable, ce nouveau modèle permet une plus grande mobilité, par exemple pour des personnes travaillant dans les champs ou des sportifs. "80% des handicapés sont dans des pays en développement ou fragiles, mais les principaux fabricants de prothèses sont en Occident et produisent pour les pays riches, explique Dikolela Kalubi. Donc la majorité des handicapés n'ont pas profité des évolutions des prothèses, ni de leur baisse de prix, car elles sont toujours trop chères pour les pays du Sud."

Image : Croix-Rouge.

Les défis techniques auxquels la Croix-Rouge fait face sur le terrain ne peuvent pas toujours être réglés en utilisant les technologies des pays riches, car elles ne sont pas forcément adaptées aux contextes locaux. Par exemple, dans de nombreuses zones où la Croix-Rouge intervient, les coupures d'électricité sont fréquentes. Cela entraîne des variations de tension qui peuvent endommager les appareils médicaux. Le manque de ressources, humaines comme financières, est une autre barrière à l'utilisation de certaines technologies. Le personnel formé pour installer, utiliser ou entretenir des appareils médicaux est difficile à trouver dans des pays en développement, ou touchés par une crise humanitaire ayant entraîné une fuite des cerveaux. A cela s'ajoutent l'humidité et le sable des climats tropicaux ou désertiques dans lesquels opère parfois la Croix-Rouge, et qui sont mauvais pour les systèmes électriques. L'une des priorités de l'organisation sera donc de développer des appareils médicaux abordables, nécessitant peu d'entretien, et adaptés aux spécificités locales.

Ces dernières années, l'innovation est devenue une problématique centrale pour de nombreuses ONG et institutions. Comme l'UNICEF, dont des équipes dédiées à l'innovation, aident les startups de pays émergents à développer des technologies open source destinées aux enfants. Ou encore le Haut commissariat pour les réfugiés (HCR), qui collabore avec des entreprises et des universités mieux gérer les crises migratoires grâce à la technologie. Pour Dikolela Kalubi, ce mouvement d'innovation est dû au fait que les crises humanitaires et les conflits ont changé. "Ils durent beaucoup plus longtemps qu'avant la Croix-Rouge est par exemple en Irak et en Afghanistan depuis plus de 40 ans. L'humanitaire a longtemps été considéré comme une solution à court terme. On est toujours dans un contexte où on travaille dans l'urgence, mais désormais, on doit aussi gérer des conséquences à long terme. Du coup, la réponse humanitaire traditionnelle n'est plus adaptée."

"80% des handicapés sont dans des pays en développement ou fragiles, mais les principaux fabricants de prothèses sont en Occident et produisent pour les pays riches"

Avant de commencer à développer ses propres technologies, la Croix-Rouge a d'abord exploité le potentiel d'innovations existantes. Le projet Open Street Map, qui propose une cartographie mondiale et libre de droits alimentée par les internautes, est par exemple d'un précieux secours. "Avant, les données géographiques qui prenaient en compte les destructions engendrées par un conflit étaient en général de mauvaise qualité, se souvient Dikolela Kalubi. Mais avec Open Street Map, on peut avoir en quelques jours des cartes précises des zones affectées. Il y a quelques années encore, la cartographie humanitaire relevait des spécialistes, maintenant tout le monde peut s'y mettre. Une communauté humanitaire numérique s'est créée," se réjouit-il. La démocratisation des smartphones dans les pays du Sud a également facilité les contacts avec les populations. "Nous avons souvent des problèmes d'accès physique aux zones dans lesquelles nous intervenons, explique Dikolela Kalubi. Mais paradoxalement, les gens sont très connectés."

Malgré l'aide que la technologie apporte, Dikolela Kalubi rappelle qu'elle n'est pas un remède miracle. "Ca nous permet d'être plus efficaces dans nos interventions, mais ce n'est pas ça qui va régler les crises humanitaires. Ce sont d'abord des problèmes politiques."