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Cette IA maintient une colonie d'insectes en vie

Comme dans Matrix, mais avec des mouches.
Image: David Bowen

Depuis 30 jours, dans la ville portuaire de Duluth, dans le Minnesota, une colonie de mouches domestiques est maintenue en vie par un logiciel.

L'ordinateur pourvoit à tous leurs besoins, en leur fournissant notamment de l'eau et des nutriments sous forme d'un mélange de lait en poudre et de sucre. Bien évidemment, les mouches ne sont pas conscientes que leur destin dépend uniquement du bon fonctionnement d'une machine qui distingue péniblement des patterns de pixels spécifiques grâce à une caméra. À la moindre erreur, les insectes mourront.

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Cette installation illustre une métaphore d'autant plus puissante que les futurologues envisagent aujourd'hui notre futur sous la forme d'un système où nos besoins quotidiens seront satisfaits par des ordinateurs qui nous suivent et nous analysent.

"Nous devrions envisager notre relation à l'intelligence artificielle avec plus de sagesse et de réflexion. Nous ne pouvons pas échapper à ce genre de questionnement, car bientôt, les IA seront omniprésentes", affirme David Bowen, l'artiste et professeur de 41 ans à l'origine de l'installation, surnommée FlyAI. "L'humanité en tirera un immense bénéfice… ou ce sera la tragédie."

Au coeur de l'installation, un système de deep learning qui permet à l'IA d'apprendre à identifier et à nourrir les mouches de la manière la plus efficace possible. Tandis que les mouches volent dans leur sphère sous l'oeil d'une caméra, l'ordinateur tente de deviner ce qu'il est en train de voir ; dès qu'il identifie une mouche, une pompe libère de l'eau et des nutriments dans le compartiment où les insectes sont enfermés.

Comme la plupart des IA dédiées à la reconnaissance d'images, ce système est imparfait. Le logiciel échoue régulièrement à identifier les insectes, et les prends parfois pour des interrupteurs ou des verres de lait de poule (???), explique Bowen. Quand cela arrive, les mouches ont soif et faim jusqu'à ce que le logiciel parvienne à les identifier de nouveau. Malgré cela, la colonie survit toujours, depuis un mois. Si jamais les choses tournaient mal, Bowen s'est promis d'intervenir pour sauver les animaux.

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"Elles mourront de mort naturelle, je suppose", explique-t-il. "Ça ressemble de plus en plus à un service de gériatrie, là-dedans."

Image: Flickr/Mike Licht

Bowen a eu cette idée de cette installation après avoir lu le dernier ouvrage de Nick Bostrom, Superintelligence: Paths, Dangers, Strategies, qui évoque les risques posés par une IA toute-puissante.

Cependant, son système montre bien que même des IA très simples peuvent prendre en charge un être vivant sur une période prolongée. Ici, l'IA est basée sur la librairie de machine learning de Google, TensorFlow, et des bases de données d'images grand public. Tout cela tourne sur un Raspberry Pi.

Le plus grand risque encouru par l'humanité n'est sans doute pas une IA omnipotente. En revanche, nous risquons d'oublier progressivement que notre dépendance aux machines est croissante, et que ces derniers régulent toujours plus d'aspects de nos existences. Nous risquons de devenir aussi inconscients que des mouches.

"La technologie est devenue si raffinée et complexe que le commun des mortels ne la comprend pas", ajoute Bowen. "C'est effrayant".

Image: David Bowen

Bower prend l'exemple du vol Air France 447, quand un avion de ligne s'était écrasé sur le trajet Rio de Janeiro/Paris en 2009 après une défaillance du pilote automatique qui avait pris la main sur le contrôle manuel du pilote humain, tuant ainsi les 228 passagers.

L'installation de Bowen soulève cependant une lueur d'espoir. Contre toute attente, les mouches ont récemment commencé à encrasser leur prison à coup de déjections, provoquant le dysfonctionnement de la caméra. Elles mourront, oui, mais elles mourront libres.