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Musique

Yes McCan nous explique pourquoi une onde de choc devra secouer le rap québécois

En marge du lancement de son nouvel EP, le rappeur des Dead Obies évoque le « moment Eminem » qui guette la scène locale.
Crédit photo: Manny

Je ne partage pas tout à fait l'optimisme de ceux qui disent que 2016 a été l'année du rap québécois. Pour chaque événement à célébrer, je peux pointer des situations affligeantes : des albums d'exception des Dead Obies, Brown et Alaclair, mais l'implosion de Loud Lary Ajust, un des groupes qui a relancé l'intérêt pour le rap au Québec; la résilience de Rod Le Stod, mais la retraite de Samian; des Métropolis et une place des Festivals remplis par des rappeurs locaux, mais des radiodiffuseurs qui, en bloquant les rappeurs de leurs ondes, les privent d'une mesure syndicale lucrative; l'inclusion du rap dans quelques émissions « grand public », mais l'ADISQ et Musicaction qui s'entêtent jusqu'à l'absurde à pousser leur logique de quotas.

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Ma plus grande crainte, c'est que le rap, après qu'on lui a accordé « son heure », retombe dans les limbes et qu'on se retrouve devant la grande famine qui a suivi l'opulence de la fin du siècle, quand les 83, Ironik et Loco Locass ont succédé à Sans Pression, Connaisseur et Rainmen.

Quand je parle de mes angoisses à Yes McCan, il me corrige : « Ben non, ben non! Et je pense que le nerf de la guerre pour la prochaine vague de rap, ça va être le shock value! » Il fait remarquer avec justesse que le Québec n'a pas encore eu de « moment Eminem », avec un artiste qui blasphème tous les tabous, mais qui réussit quand même à se faire accepter dans le star système.

Fini les gentils

McCan fera paraître le 19 mai « P.S. Merci pour le love », un EP de transition vers une nouvelle approche stylistique. « Ce projet-là, c'était un pied dans Dead Obies (DO) pis un pied dans les nouvelles affaires. Je casse des patterns, je vide des tiroirs. » Une période d'échauffement pour un premier album solo, dont le chantier est déjà commencé.

La dernière année lui a ouvert les yeux sur les limites entre ce que veut faire « McCan le rappeur » et « JF » l'auteur, le porte-parole, la personnalité publique. « Je veux faire du rap comme Pierre Falardeau faisait Elvis Gratton. C'est-à-dire que je ne vais pas essayer de donner toute l'amplitude de mes intérêts dans le rap. Parce que le rap qui m'intéresse, au bout du compte, il n'est pas all encompassing. C'est Migos, Travis Scott, Kodak Black. Tu ne verras jamais Gucci Mane être DJ dans un musée d'art contemporain… »

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C'est aussi une salve d'avertissement pour la frange plus conservatrice des fans des Dead Obies.

« Je pense que je suis assez mature pour écrire des nice flows, pis assez adulte pour assumer mon point de vue sur le rap. Au début, on a été repris par la critique justement parce qu'on leur proposait quelque chose avec des beats old school, une structure narrative. On leur a donné ce qu'ils connaissaient déjà, ce qui avait été déjà approuvé. Aujourd'hui, je regarde ce qu'on a fait et je trouve qu'on a été tellement trop gentils! »

Surtout déjà boycotté par les radios, Musicaction et l'ADISQ, McCan n'a pas grand-chose à perdre à contribuer à la culture en faisant fâcher les mononcles. Parfois, la censure, c'est la liberté.

Écoutez le premier single du EP, « F.P.T.N (ft. CDX) », ci-dessous. Pour le commander, c'est par ici.