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​« Les footballeurs sont devenus des petits entrepreneurs de leur carrière »

Entretien avec Frédéric Rasera, sociologue du football, qui s'est plongé trois ans durant dans l'univers d'un club de Ligue 2. Entre rêves de gloire et précarité, il dévoile l'envers du décor du foot pro français.

Passionné de foot et sociologue de surcroît, Frédéric Rasera est, avec Stéphane Beaud ou Julien Bertrand, un des rares membres de sa corporation à s'être intéressé au monde du football français. Et pas qu'à moitié, puisqu'il a passé trois ans auprès d'un effectif de Ligue 2, pour en tirer un livre publié aux éditions Agone : Des footballeurs au travail. Au coeur d'un club professionnel. L'ouvrage en dit long sur le milieu pro de ces footeux « de l'ombre » qui forment la grande majorité des troupes, loin des destins dorés des stars du ballon rond. Entretien de vestiaire avec un homme de terrain, plus Bourdieu que Paganelli.

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VICE Sports : Pour écrire ce livre, vous êtes parti d'un constat : les joueurs les plus performants et les mieux payés sont aussi les plus représentés médiatiquement. En quoi cela déforme-t-il notre vision du joueur de foot "lambda" ?
Frédéric Rasera: La manière dont le football professionnel est médiatisé peut effectivement nourrir des représentations tronquées de la condition des footballeurs. Par exemple, s'agissant de leurs niveaux de rémunération, les médias rappellent régulièrement les salaires mirobolants des joueurs les plus réputés. Mais cela masque le fait que le football est un univers professionnel très inégalitaire. Dans le club de Ligue 2 où j'ai enquêté, les salaires bruts mensuels allaient d'environ 2 500 euros à 35 000 euros. On est loin du million d'euros par mois de Thiago Silva au PSG. Mais surtout, la médiatisation des footballeurs participe au fait qu'on a du mal à les penser comme des travailleurs à part entière, inscrits dans un rapport de subordination salariale et confrontés à des contraintes professionnelles spécifiques. Enfin, il faut avoir en tête que les joueurs s'ajustent aussi aux médias en maîtrisant l'image qu'ils peuvent donner…

En quoi cette déformation de leur image délégitime-t-elle leurs luttes sociales et la pertinence de leurs revendications ?
Les footballeurs professionnels sont des salariés qui appartiennent à des entreprises et, plus généralement, à un univers professionnel qui est traversé par des rapports de force. Mais ils sont souvent dépeints comme étant avant tout des nantis qui gagnent des sommes astronomiques pour exercer une activité qui a plus les allures d'un loisir que d'un « vrai travail ». Si bien que lorsqu'ils se mobilisent collectivement autour d'enjeux qui touchent pourtant à leur condition de travailleurs, leurs actions sont souvent délégitimées. En 2008 par exemple, lorsque les footballeurs professionnels, via leur syndicat, ont menacé de faire grève pour empêcher que les présidents de clubs deviennent majoritaires au conseil d'administration de la Ligue de football professionnel, il était fréquent d'entendre des voix s'indigner que ces sportifs si bien payés osent faire grève.

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