Ne ratez plus jamais rien : inscrivez-vous à notre newsletter hebdomadaire et suivez VICE Belgique sur Instagram.
Qu’on le veuille ou non, arrivera ce moment où se coucher à six du mat’ sans devoir assumer durement le lendemain vous sera désormais impossible. À ce moment-là, frustré·e et mélancolique, vous regretterez cette époque pas si lointaine où tout vous était alors permis. Entre les relances de factures impayées et vos feuilles à rouler, il ne vous restera plus que vos photos de soirées. Encore faudrait-il que l’un·e de vos potes ait été suffisamment lucide pour penser à vous immortaliser.
Videos by VICE
La photographe liégeoise Louise Lorentz (24 ans) a rassemblé les photos qu’elle a prises de ses potes endormi·es sous la série « Sleeping Beauties ». L’alcool imbibé ne s’y voit pas mais se devine. Ces photos sans prétention sont autant de portraits sincères de ces gens, mais elles sont aussi les traces d’une période de la vie précieuse et hélas éphémère.
VICE : Salut Louise. Comment t’as commencé ce projet ?
Louise : Je faisais beaucoup de soirées et je prenais machinalement des photos de mes ami·es qui s’endormaient n’importe où et n’importe comment, juste parce que ça me faisait rire. Iels arrivaient à être mignon·nes même en dormant ces petits saligaud·es ! J’ai vite accumulé un nombre important de ce type de clichés, j’ai vu qu’ils n’étaient pas si mauvais, et j’ai tout simplement décidé d’en faire une série. Avant toute chose, ça me fait plutôt marrer de garder une trace de ces petits moments de vie.
« C’est dingue comme le fait de s’endormir alcoolisé·e peut te transformer et t’ôter toute notion de confort perso. »
Comment tes potes perçoivent ces photos quand iels se découvrent sur les clichés ?
Les avis divergent… Certain·es trouvent ça drôle, d’autres n’aiment pas vraiment se découvrir comme ça. Pour la plupart, iels se demandent comment iels en sont arrivé·es là et prennent conscience de l’état dans lequel iels étaient. Ce que j’aime surtout quand iels découvrent les photos, c’est les anecdotes qui vont avec et dont on se remémore.
Et du coup, c’est quoi l’anecdote de soirée la plus barge ?
Il y a en tellement, impossible de choisir ! Je vais rester dans le thème du sommeil. Il y a 4 ou 5 ans, on était à la FCKNYE à Molenbeek et, au cours de la nuit, on a perdu l’un de nos potes. Il ne sait toujours pas l’expliquer, mais quand il s’est réveillé le matin, il était enfermé dans l’une des cabanes où iels vendaient les tickets pour les boissons.
Laquelle est ta photo préférée ?
Pas simple comme question… Je dirais celle avec les quatre petits mecs qui dorment pratiquement les uns sur les autres sur des matelas gonflables. C’est dingue comme le fait de s’endormir alcoolisé·e peut te transformer et t’ôter toute notion de confort perso. Ça me fascine et ça me fait rire. De manière générale, il y a la magie de l’instant : Qui s’endort ? Où ? Dans quelle position ? Avec qui ? Quelle idée de génie lui traverse l’esprit ?
« Ce sont souvent celleux qui donnent tout en début de soirée qui rendent rapidement l’âme et qui se retrouvent sur mes clichés. »
C’est quoi le plus gros défi quand tu prends ces photos ?
Je suis moi-même schtrack lorsque que je prends ces photos, le plus gros défi est d’avoir une photo nette !
Les photos de soirées illustrent souvent des situations scandaleuses comme il y en a pléthore sur le net avec des gens complètement torchés, mais les tiennes sont assez attendrissantes.
C’est vrai qu’habituellement, on prend en photos ses potes en soirée uniquement lorsqu’iels font des trucs drôles, cocasses voire idiots et dangereux ; j’en ai beaucoup aussi. Mais c’est le contraste entre ces moments de folie et les moments de repos qui est intéressant. Iels sont sages, et les photos sont attendrissantes comme tu dis. D’ailleurs, ce sont souvent celleux qui donnent tout en début de soirée qui rendent rapidement l’âme et qui se retrouvent sur mes clichés « Sleeping Beauties ».
« J’ai conscience que cette période de fêtes et d’insouciance n’est pas éternelle. On n’arrêtera jamais de faire la fête, mais un jour, le boulot, les marmots ou d’autres projets prendront le dessus. »
Ces images ont une portée universelle, on s’y reconnaît tou·tes – c’est des moments qu’on a tou·tes vécu -, mais quel sens elles ont pour toi, personnellement ?
C’est une période importante de notre vie, pour moi-même et ma petite bande. On fait la teuf, on en profite le plus possible ! J’ai conscience que cette période de fêtes et d’insouciance n’est pas éternelle. On n’arrêtera jamais de faire la fête, mais un jour, le boulot, les marmots ou d’autres projets prendront le dessus. C’est le cours de la vie, c’est pas grave. Je suis heureuse de garder précieusement ces moments vécus dans ma petite tête et mes gros albums photos.
Qu’est-ce que ça signifie pour toi de photographier en argentique ?
Si je fais de l’argentique c’est pour l’authenticité et la spontanéité du moment, pour le grain, ainsi que pour la surprise qu’implique le processus de développement. Avec le numérique, on peut prendre des centaines de photos de la même soirée, du même moment. Ce nombre de clichés lisses et identiques dilue la beauté du moment ; du coup, tout se perd, on s’oublie. Les photos développées sont des objets en eux-mêmes. Elles sont précieuses pour moi. Je les classe toutes religieusement dans de grands albums et je les regarde plus tard, avec mes potes.
Sans vouloir aller trop loin dans le rapport au médium, c’est aussi pas mal symbolique que ces photos soient prises avec un appareil photo jetable plutôt qu’un appareil manuel.
Elles ne sont pas toutes prises avec un jetable, certaines sont prises avec un Olympus mju-II. L’aspect automatique de ces deux appareils a son importance pour mes photos de soirées, notamment quand je suis moi-même bourrée. Sinon, ça ne donnerait rien, je n’en tirerai que du flou.
Tu as envie d’élargir les limites du projet « Sleeping Beauties » et de le transformer, ou tu veux garder ça confidentiel et restreint à ton cercle de potes ?
J’ai toujours envie d’élargir les limites de mes projets, mais pour celui-ci en particulier cela s’avère compliqué… Certain·es de mes ami·es sont plus réticent·es à se voir exposé·es, par exemple.
Tes autres projets concernent principalement des situations du quotidien. Tu vois toujours ta pratique à travers le prisme d’un journal ?
Oui, et j’ai une multitude d’autres d’idées qui pullulent dans mon petit crâne ! J’ai déjà commencé un projet intitulé « Waste » dans lequel je publie des photos de déchets qui jonchent les villes par lesquelles je passe. C’est évidemment une façon de montrer que nous autres, êtres humains, sommes quand même un petit peu dégueus.
Suivez le travail de Louise sur Instagram.
Découvrez d’autres photographes belges mis à l’honneur sur VICE en cliquant ici. Vous êtes vous-même un·e photographe de talent avec une série percutante ? Envoyez-nous un mail à beinfo@vice.com