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Photo NRJ 12. 
Culture

L'histoire d'Hollywood Girls, le succès le plus inexpliqué du PAF

« Je m'appelle Geny G ».

Mars 2012. À 18 ans, je me la joue étudiante littéraire, toujours un bouquin à la main que je ne lis jamais, le vin et les lèvres rouges, du rock anglais dans mon casque estampillé Marshall. Sauf que j’ai une double vie. Chaque jour, après les cours, dans un rituel millimétré, je me rue dans ma chambre de bonne sans toilettes, je me sers un bol de Miel Pops et j’allume NRJ12. La voix off se lance : « Il était une fois Ayem et Caroline, deux meilleures amies qui avaient tout plaqué pour s’installer sous le soleil de Californie… Voici l’histoire des “Hollywood Girls” ». Le générique, savoureuse reprise signée Shaggy et Eve de “Girls just wanna have fun”  de Cindy Lauper, résonne. Je vibre.

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La série légendaire “Hollywood Girls” n’est pas morte. Véritable usine à mèmes aujourd’hui, les répliques de la machiavélique Geny G ou de l’iconique Nabilla continuent d’envahir Twitter. Dix ans après, comment expliquer qu’un concept aussi foireux ait pu fédérer une bonne partie de la jeunesse française entre 2012 et 2015 ? Pas facile d’enquêter sur les coulisses du mastodonte télévisuel qu’est HG. Mais à force d’obstination et de litres de café, j’ai pu faire parler les plus grands.

Aux origines étaient les “Anges de la télé-réalité” diffusé depuis 2011 sur NRJ 12. Sa boîte de production, La Grosse Équipe, veut surfer sur son succès en proposant une « scripted- reality » sauce franchouillarde avec, au casting, des candidats. En théorie, le format de la scripted-reality oscille entre télé-réalité et fiction, entre reconstitution et documentaire. Pas de texte écrit à l’avance, mais des trames à suivre. Une économie monstre.

« Les producteurs avaient pour projet ambitieux de faire un “The Hills” version française et ça s’est terminé avec Kamel du “Loft 2” », ironise dix ans plus tard un membre de l’équipe de prod qui souhaite rester anonyme. Diffusé entre 2006 et 2010 sur MTV, “The Hills”, véritable déflagration audiovisuelle, suit l’évolution de Laura Conrad étudiante à Los Angeles et de ses nouvelles copines. « La différence, c’est que “The Hills” avait propulsé des personnages que le public ne connaissait pas. C’était difficile d’y démêler le vrai du faux. Or, les spectateurs français connaissaient Ayem et Caroline, ils savaient donc que, dans HG, tout était faux. On était plus dans la fiction non dialogué que dans la scripted-reality », ajoute-t-il.

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Côté synopsis, accrochons-nous. Perchés sur des talons vernis à plateforme, Ayem (“Secret story 5”) qui joue le rôle d’Ayem, et Caroline (“Secret Story 2”) dans le rôle de Caroline viennent de s’installer dans la cité des anges, des robes moulantes bleu roi et de lourds secrets plein leur valise. Caro est en cloque. Ayem, elle, n’a qu’un objectif : retrouver son demi-frère Josh, fils du célébrissime producteur de cinéma Barry Stevens. Mais, c’était sans compter la diabolique Geny G, interprétée par l’ex playmate et ex de Romain de “Secret Story” Shauna Sand, agente star de L.A, toute en prothèses et en blond peroxydé. De son accent amewicain à couper au couteau, elle diwige surtout en secwet un wéseau de poutes… Aidée de son mari, le Docteur Moretti, chirurgien aux allures de Ken déchu, la mère maquerelle fait d’Ayem et Caro ses cibles. Nos deux meilleurs espoirs féminins trouvent néanmoins l’amour entre les bras musclés de Nicolas (Nicolas Suret, qui n’est pas candidat de télé-réalité), intendant de leur immeuble, et Kevin (“Les anges” 3) coach sportif. N’oublions pas Kamel, à qui l’on doit le fameux, « c’est du time » pour prononcer « du thym » dans “Le Loft 2” qui lui, n’a qu’un rêve, réaliser son film intitulé “Yes we Kamel”. 

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Les comédiens qui n’en sont pas surjouent. Les yeux fardés s’écarquillent trop, les sourcils tatoués se haussent de manière vertigineuse, les larmes peinent à couler sur les joues plâtrées de fond de teint. Pourtant… Ça marche. Le quatorzième épisode rassemble  309 000 téléspectateurs et 14,8% des 15-24 ans. Jackpot. Après une première saison, la Grosse Équipe signe pour une deuxième et triple le nombre d’épisodes passant de 25 à 70. Notre Marianne nationale, Nabilla Benattia devient même l’une des têtes d’affiche. Au fur et à mesure, les péripéties se font de plus en plus zinzins, les personnages encore plus barges. Entre tueurs en série, kidnapping dans le sang et crash d’avion.

Mais l’équipe prenait-elle au sérieux ce programme ? « C’était comme un saut dans le vide sans parachute. Pour la première saison, on tournait un épisode par jour à Los Angeles et on montait le soir. On disait au casting ce qu’il devait à peu près dire, et eux improvisaient, aidés par un coach en acting », retrace notre membre de l’équipe de prod. Il confie que « toute l’équipe technique a joué un second rôle dans le programme ». Un de ses collègues s’est retrouvé en saison 1 livreur de fleurs, dans la deuxième flic et dans la troisième, truand. Il reconnaît que l’intrigue se barrait complètement en cacahuète : « Un jour, le chef de la chaîne a imposé qu’il y ait des jumelles…Sans vraie raison, ni aucune cohérence avec le reste du scenar’…. Ça n’avait ni queue ni tête, mais on rigolait bien ». 

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Pour “Hollywood Girls 2”, adieu L.A, bonjour les studios du Perray-en-Yvelines. C’est à ce moment-là que Clément Théobald, diplôme de scénariste franchement acquis rejoint l’aventure. À l’époque, « des potes de promo » lui parlent d’un producteur qui cherche des jeunes plumes pour travailler sur « une scripted-reality à la “The Hills” ». « Je me suis pointé dans les bureaux de la Grosse Équipe parce que j’avais besoin de manger. J’ai regardé les épisodes de la saison 1 dans le train. J’étais atterré par l’écriture », se souvient Clément qui enchaîne en riant : « La première question qu’on a posé à la prod c’est : peut-on écrire sous pseudo ? ». Son rôle, puisqu’il n’y a pas de scénario : imaginer les arches narratives. Mais attention, on demande aux scénaristes d’écrire selon les décors. Un bureau de commissaire de dispo ? “Hollywood Girls” prendra le virage polar ! Mais parfois les désirs de la prod peuvent aller trop loin. « À un moment, Chloé était victime d’un viol et tombait enceinte. Elle devait faire croire à Kamel, son conjoint, que l’enfant était le sien. J’ai dit non », tranche le scénariste. Avec ses copains de promo, les 71 épisodes de la saison 2 sont écrits en cinq semaines. « On ne se prenait pas au sérieux, on posait plein de références chelous, mais on bossait sérieusement. Finalement, on a tous mis notre vrai nom au générique. C’est sur “Hollywood Girls” que j’ai appris mon boulot de scénariste ». 

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Ayem et Caroline Receveur, devenue une influenceuse lifestyle méga classe à la renommée internationale, n’ont pas donné suite à mes mails désespérés. Nicolas Suret, l’un des rares membres du casting qui n’a pas fait de télé-réalité, lui, accepte de revenir sur l’aventure HG.

Nicolas, c’est l’intendant au sourire ravageur de la résidence dans laquelle vivent la brune et la blonde. Son cœur battra pour la première et il vivra une aventure avec la seconde. Mais Nico ne fait pas que nettoyer la pistoche de l’immeuble, il tient aussi un blog de gossips sur « le tout Hollywood ». « Je garde un très bon souvenir des tournages, on est tous restés potes, mais oui : il fallait pas trop se poser de questions sur le scénario » rembobine-t-il en précisant : « Mon personnage est devenu chasseur de serial killer… Donc, oui, la progression était cheloue ». À l’époque, il se retrouve vite englouti sous des messages de jeunes filles en fleur qui l’interpellent aussi dans la rue pour des selfies. Mais, après un différend avec la chaîne, il est rayé du programme. Adieu le chasseur de piscine. Le personnage lui colle à la peau, difficile de trouver un job à la télé. Aujourd’hui, Nicolas travaille dans l'événementiel et ne regrette rien.

À grands coups de DM sur Twitter, je parviens à soutirer quelques mots à Shauna Sand, emblématique chanteuse du fameux titre “Everybody Wants 2 B a Pornstar”, et surtout merveilleuse interprète de Geny G. « J’aime tout dans mon personnage. Ce n’est pas du tout qui je suis dans la vie. Mais j’adore jouer Geny G », m’écrit-elle. Son pire souvenir de tournage ? « Prendre le vol de Los Angeles à Paris. D'arriver tôt le matin et de commencer toute suite à tourner. J’étais tellement fatiguée ! J’ai bu les Red Bull toute la journée. J’étais obligée de mémoriser beaucoup de dialogues. Énormément en français. Mon coaching m’a beaucoup aidée. Mémoriser. Comprendre le but de la scène. Coaching. Filmer. Finis. Recommence. Bravo ».

Une quatrième saison sonnera le glas de la série pour manque d'audience. Toujours est-il qu’en 2012, « Hollywood Girls » a plus révolutionné la France qu’un François Hollande fraîchement élu.

Quand elle ne regarde pas des replays d’Hollywood Girls, Constance est sur Twitter.

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