Culture

Les tatoueurs japonais peuvent enfin exercer sans licence médicale

Au Japon, les tatouages véhiculent de forts stéréotypes négatifs associés au crime organisé, mais les mentalités pourraient lentement changer.
tatouage japon
Un tatoueur réalise un horimono traditionnel à Tokyo. Photo : Michael Crommett 

Les tatoueurs japonais n'ont plus besoin de licence médicale pour exercer légalement leur activité, selon un arrêt de la Cour suprême du pays. Il pourrait s’agir d’un énorme premier pas vers une pratique plus facile du tatouage dans ce pays où un homme tatoué est presque systématiquement associé à la mafia.

La Cour suprême vient de rejeter un appel dans une affaire historique concernant Taiki Masuda, une tatoueuse de 32 ans basée à Osaka, qui a refusé de payer une amende de 150 000 yens (environ 1 200 euros) pour avoir tatoué trois clientes entre 2014 et 2015.

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Au Japon, les tatouages véhiculent de forts stéréotypes négatifs associés au crime organisé. En 2001, le ministère japonais de la Santé, du Travail et des Affaires sociales a notifié aux 47 préfectures du pays que le tatouage relevait dorénavant de la loi sur l’exercice de la médecine et qu'elles devaient coopérer aux poursuites pénales engagées à l'encontre des contrevenants. La violation de cette loi peut entraîner des amendes allant jusqu'à un million de yens (environ 8 100 euros) et une peine de prison allant jusqu'à trois ans, ou les deux.

« On peut débattre sur la question de savoir s'il faut ou non exposer les tatouages en public, mais on ne doit pas empêcher les gens de se faire tatouer » – Koichi Kusano, juge de la Cour suprême

Dans son opinion complémentaire, le juge de la Cour suprême Koichi Kusano a déclaré que les tatouages sont une coutume sociale ayant une signification artistique, et non une pratique médicale. Traditionnellement, les tatouages à la main, appelés horimono ou wabori, ont une histoire qui remonte à plusieurs siècles et sont une forme d'art liée aux estampes japonaises sur bois, appelées ukiyoe.

Quand le horimono est devenu populaire dans les années 1800, il n'avait pas la mauvaise réputation qu'il a aujourd'hui. Au contraire, il était même un objet de fierté. Le jugement rendu dans l'affaire Matsuda semble reconnaître cette histoire culturelle. « Le tatouage est une coutume japonaise pratiquée depuis l'Antiquité, a noté le juge Kusano dans son opinion complémentaire. On peut débattre sur la question de savoir s'il faut ou non exposer les tatouages en public, mais on ne doit pas empêcher les gens de se faire tatouer. »

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La signification du tatouage au Japon commence à changer, à mesure que les organisations du crime organisé perdent de l'influence et du pouvoir. Des lois récentes empêchent les membres d’organisations criminelles de louer des appartements et d'ouvrir des comptes bancaires. De plus, le nombre total de ces organisations diminue graduellement depuis quinze ans.

Pendant ce temps, des citoyens plus ordinaires se font tatouer. Des athlètes japonais tatoués sont également attendus aux Jeux olympiques de Tokyo, une normalisation supplémentaire de la pratique, bien que la compétition ait été reportée à 2021 à cause du Covid-19.

Mais malgré cette bonne nouvelle, les tatoueurs au Japon soutiennent que l'industrie demeure dans un flou juridique. « Avant de pouvoir dire que le tatouage est entièrement légal et accepté, il faudra créer davantage de lois pour réglementer notre industrie, estime le propriétaire d'un des principaux salons de tatouage de Tokyo. Ces obstacles pourraient être tout aussi difficiles à franchir. »

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