Fin 1991, Jean-Marc Armani monte dans sa 4L, flanqué de son appareil photo et de pas grand chose d’autre. Direction Paris pour le Marseillais. Arrivé dans la capitale, Armani squatte ici et là, commence alors un reportage au long court sur les squats artistiques, avant de tomber sur le sujet qui va occuper une bonne partie de sa vie.
« Un jour, j’entends dire que des activistes d’une asso sont entrés dans Notre-Dame pour mettre le bazar », rembobine le photographe. La branche française de l’association américaine Act Up vient de s’introduire dans la cathédrale pour s’opposer aux positions de l’Église sur le port de la capote – alors que la décennie 1980 a vu le sida ravager une partie de la communauté homosexuelle. « J’étais un peu du genre bouffeur de curé, militant, révolté et en colère », sourit Armani, aujourd’hui âgé de 53 ans. « Du coup, j’ai ressenti comme une fraternité de lutte avec ces gens qui étaient capables de faire l’ouverture des JTs, forts de seulement 20 ou 30 personnes pour leurs actions coup de poing. »
Videos by VICE
« Je me suis arrêté après avoir photographié le premier mariage gay d’amis, le 20 juillet 2013. Ça formait une belle boucle »
Séduit par les méthodes radicales d’Act Up ainsi que par la motivation sans borne de ses militants, Jean-Marc commence alors à suivre assidument l’association, jusqu’à y prendre sa carte. « À cette époque, Act Up c’était vraiment de la grosse lutte revendicative. Il y avait des milliers de morts du sida et les pouvoirs publics ne bougeaient pas. » À force d’assister aux réunions du mardi soir de l’asso, tenues boulevard de l’Hôpital, Armani se lie d’amitié avec plusieurs membres d’Act Up et se dégage de la relation parfois un peu normée qui peut exister entre un photo-journaliste et ceux qu’il saisit sur papier glacé. « Ils m’emmenaient de partout, aux soirées, en week-ends. C’était fabuleux de raconter la vie de ces gens si impliqués dans une cause. »
« Après avoir passé beaucoup de temps à couvrir les actions d’Act Up, j’ai voulu élargir mon sujet et dresser un portrait de la communauté homosexuelle », enchaîne Armani, aujourd’hui de retour dans sa ville natale. Un travail qui lui a pris plus de 20 ans – avec quelques pauses. « Je me suis arrêté après avoir photographié le premier mariage gay d’amis, le 20 juillet 2013. Ça formait une belle boucle. » Une boucle couchée sur papier pour Revers éditions, dans un petit fanzine sobrement intitulé Les Homos (1990s).
Sur ces deux décennies dédiées à la communauté gay (entrecoupées de reportages au Yémen, au Bangladesh ou encore en Irak), le photographe a immanquablement passé de longs moments dans les Prides parisiennes. Si ces marches existent depuis 1977 en France, la décennie 1990 est vue comme celle d’une massification de ces rassemblements de la communauté LGBT, qui prenait alors véritablement possession un jour durant de l’espace public parisien, puis des autres villes de l’Hexagone. Cette décennie charnière est aussi celle qui voit enfin l’homosexualité sortir de la liste des maladies mentales dressée par l’OMS, ou l’apparition du Pacs en France.
« C’était impressionnant de voir ce joyeux cortège dans la rue au milieu de Parisiens, dont certains hallucinaient un peu », se rappelle Armani. Pas loin de Notre-Dame ou sur les boulevards haussmanniens, des milliers, puis rapidement des dizaines de milliers de personnes viennent chaque année défiler dans une joyeuse ambiance sous l’objectif du photographe. « Après les Prides, il y avait aussi des soirées, forcément bien festives, mais qui étaient aussi équipées de stands, de magazines, de libraires, de l’asso Aides, comme une illustration de cette envie d’informer, de faire comprendre. »
Si Paris n’a pas pu vivre le weekend dernier sa Marche des fiertés – la faute au Covid-19 – nous publions en cette dernière journée du Pride Month quelques clichés de Jean-Marc Armani, saisis au sein des Prides parisiennes des années 1990.
Les Homos (1990’s) de Jean-Marc Armani est disponible sur le site de Revers éditions.
VICE France est aussi sur Twitter, Instagram, Facebook et sur Flipboard.