Lorsque le physiologiste Kit Parker a vu une raie électrique s’échapper de la main de sa fille lors d’une visite à l’aquarium local, il y a trois ans, il a eu une révélation. Sous ses yeux, l’animal marin s’était contracté de la même manière qu’un muscle cardiaque.
« À l’exception des crustacés, la plupart des animaux marins utilisent leurs muscles pour déplacer des fluides : soit pour nager dans l’eau, soit pour déplacer du sang, de la nourriture, des sécrétions, etc., à travers leur corps. Ils constituent des sortes de pompes musculaires analogues au cœur humain, » explique Parker, qui travaille à l’Université de Harvard.
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L’épiphanie de Parker a mené à la réalisation d’un projet de recherche un peu singulier : imiter l’anatomie des torpilles par l’intermédiaire d’un robot tapissé de cellules de rats, et guidé par la lumière. Ses résultats ont été publié jeudi dans le journal Science. Il pense que cette expérience montre qu’il sera possible à terme de créer des cœurs artificiels hybrides.
« Nous avons étudié la torpille en détail afin de mettre à jour tous les détails de son anatomie, et la reproduire, » explique Parker. « Nous avons pensé que nous pouvions substituer les calculs effectués par le cerveau de l’animal par une architecture cellulaire inspirée du rat, combinée à une stimulation par impulsions lumineuses. Cela permettait de reproduire les mouvements ondulatoires chez le robot. »
La torpille robotique, que Parker qualifie de « créature synthétique, » mesure 16 mm de long, pèse 10 grammes, et contient environ 200 000 cardiomyocytes, des cellules cardiaques de rat. Les chercheurs les ont superposées au-dessus de la structure robotique ; elles trouvent leur nourriture dans la solution salée-sucrée dans laquelle nage le robot.
L’équipe a également modifié les cardiomyocytes afin qu’ils répondent aux signaux lumineux. Cela permet d’utiliser des impulsions lumineuses pour contrôler les mouvements verticaux et horizontaux de la raie électrique, et même de la diriger au sein d’un parcours d’obstacles. Elle se déplace à 2 millimètres par seconde environ.
« Ce robot est comme vivant. Morphologiquement et fonctionnellement parlant, c’est une torpille. Génétiquement parlant, c’est un rat, » explique Parker. « Il nous aura facile une décennie pour comprendre comment utiliser des cellules comme matériau de construction. »
Les chercheurs vont ensuite entreprendre la construction d’autres formes de vie marine, et peut-être même concevoir un vrai cœur, vivant.
« Cela ressemble à un exercice d’entraînement pour le moment, mais nous voulons réellement parvenir à créer des pompes musculaires qui puisse servir de substitut cardiaque pour les enfants malades, » déclare Parker.