« Pas ce soir, désolé » – Pourquoi les mecs de 30 ans s’intéressent-ils moins au sexe ?

Lorsque j’ai commencé à bosser sur cet article au sujet de l’évolution de la libido des mecs avec l’âge, quasiment tous les hommes auxquels je l’ai évoqué m’ont d’abord assuré ne pas être concernés. « Ah non, moi j’ai toujours autant envie, je vois pas de quoi tu parles. » Puis en grattant un peu, en posant des questions concrètes, en les rassurant aussi, leur discours s’est peu à peu teinté de nuances. C’est vrai que parler de libido qui change avec le temps à des mecs entre 27 et 35 ans, c’est un peu comme parler de ménopause à des femmes du même âge. Ça a l’air absurde, un peu.

Pourtant, je crois bien qu’il se passe quelque chose chez les mecs. Selon le site canadien Masexualité.com, à partir de l’âge de 30 ans, les hommes se mettent à produire moins de testostérone, et ce taux n’aura de cesse de baisser, passant par des soucis de type problèmes érectiles ou baisse de l’envie de baiser, jusqu’à l’andropause – ou l’arrêt des capacités reproductrices de l’homme, qui survient aux alentours des 55 ans –, puis l’inéluctable : la mort de celui qui fut, autrefois, un charmant jeune homme.

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Et c’est quelque chose d’assez cool finalement. Julien – tous les prénoms ont été modifiés – a 32 ans, des pompes de randonnée et un pull rouge que je décrirais comme « informe » si j’étais polie, ou comme « assez dégueu » si j’étais honnête. C’est mon pote depuis la fac, je l’ai toujours connu avec la même meuf. « Moi, en vrai, je suis soulagé de moins penser avec ma bite », explique-t-il. « Avant avec ma meuf c’était toujours, mais toujours, moi qui étais en demande – et quand tu t’es pris 4 râteaux dans la semaine, ça finit par te foutre le moral à zéro. Mais là, je dois reconnaître que je savoure grave de la laisser venir un peu. À l’adolescence, c’était rude ; il n’est pas rare d’avoir mal aux couilles tellement t’as envie de te branler tout le temps. Je ne regrette pas cette époque. »

Eliot ne pense pas avoir moins de désir, même s’il reconnaît avoir « moins de temps ». Il pense que « 15 ans, c’est un moment bien pourri où tu as les hormones qui explosent, et où les seules filles que tu calcules s’intéressent qu’à des mecs plus âgés. » Eliot a 32 ans. C’était mon chef lors de l’un de mes innombrables stages lorsque j’étais étudiante. C’est le genre de mec qui dégage une assurance sereine, et ça m’attendrit de l’imaginer en lycéen tout paumé.

Louis m’a quant à lui contactée par mail après un appel à témoignage sur Twitter. Il a 38 ans, est marié, et jeune père. Il a d’abord semblé amusé, je crois, par mon sujet. Puis il m’a délivré un témoignage assez proche de celui de mon pote Julien. « Je suis moins obsédé, comme apaisé par mes diverses expériences », m’a-t-il annoncé. Il a le sentiment d’être moins « bourrin » que par le passé et plus subtil dans son désir : « Du coup, plus de femmes me font de l’effet. Je vibre parfois davantage pour un simple détail. » Ce sentiment se révèle également avec le porno : « J’en consomme maintenant à un degré homéopathique. Je n’en ai plus envie, ni besoin. Mais du coup je suis plus exigeant, j’ai besoin de plus de suggestif. »

J’ai essayé d’en savoir plus au sujet de la consommation de films porno des jeunes hommes d’aujourd’hui, preuve manifeste d’un éventuel déclin de l’ardeur de leur vie sexuelle. « Je regarde bien moins de porno qu’avant », poursuit un autre de mes potes, 30 piges et un bonnet à pompon – tricoté par sa mère – sur la tête. « Avant, il m’en fallait tous les jours. Et parfois, quand t’as fini, que tu retrouves comme un con avec ta bite dans la main et la vidéo qui tourne encore, tu te sens à la fois un peu nul et un peu coupable. Maintenant, je dirai que j’en regarde 2 à 3 fois par semaine. » Comme Eliot, il se considère comme plus exigeant que par le passé. « Désormais, je cherche longtemps la vidéo qui va me plaire. Je veux voir que la fille prend du plaisir. Je veux y croire, quoi. »

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Du fait de la récurrence et de la multiplicité des expériences sexuelles, le plaisir pris par la fille devient chez les mecs de 30 ans, moins un mystère que par le passé. « Je trouve qu’avec le temps les relations hommes-femmes sont plus franches et du coup le rapport à la sexualité est bien plus intéressant, plus ouvert », explique encore Eliot. Je crois que je suis tout à fait d’accord avec lui. S’il y a bien un avantage à vieillir, c’est que le sexe est quand même de mieux en mieux année après année. Si ça continue comme ça toute la vie, j’ai assez hâte d’être en maison de retraite.

Jonas, 29 piges, me tient à peu près le même discours. Il a un pull à rayures, un sourire malicieux et n’est pas coiffé. « Avec le temps, j’ai vachement appris à faire passer mon plaisir après – bien après – celui de la femme avec laquelle je suis. De toute façon, dès que je couche avec une fille, j’ai envie de la faire kiffer au maximum. » Puis l’inévitable comparaison avec ses débuts à poil avec des filles. « Plus jeune, j’étais tellement dingue de foirer un truc que je perdais mes moyens. Aujourd’hui je suis dans le don pur, je dirais », précise-t-il.

J’ai du mal à croire au concept sibyllin de don pur, d’autant plus lorsqu’il est énoncé de façon aussi ostentatoire. Il me semble un peu trop beau, un peu trop attendu, presque un peu trop clean pour être tout à fait sincère. Aussi, je suis une fille et je parle à Jonas dans une boîte de nuit à 4 heures du matin passé ; il a une main sur mon épaule et une idée, je crois, derrière la tête. Je ne suis pas en train de me la raconter en mode « YOLO, je me fais draguer dans la cave d’une sombre boîte », mais je rappelle juste qu’il fallait bien entendre, derrière son discours, le bruit de ses phrases qu’il tordait pour les faire correspondre à ce qu’il estimait être mon horizon d’attente. Ça s’appelle la manipulation ordinaire, ou séduction.

Un mec me parle de son adolescence en ces termes : « C’était rude ; il n’est pas rare d’avoir mal aux couilles tellement t’as envie de te branler tout le temps. Je ne regrette pas cette époque. »

Je ne sais pas combien d’heures j’ai passé, avec mes copines, mes colocataires et même ma daronne à me plaindre de ne rien capter aux mecs, ou à l’inverse de ce que les mecs ne « comprenaient rien ». En fait je pense que j’ai toujours pris le problème à l’envers. En réalité, c’est un miracle que parfois l’on se comprenne. Qu’on arrive à se frayer un chemin entre toutes ces attentes imaginaires, dans le brouhaha de tout ce qu’on ne se dit pas quand on se parle, dans ce putain de jeu de billard à 4 bandes entre ce que l’on veut croire, ce qu’on croit que l’autre croit et ce qu’on pense devoir faire croire. Un miracle que dans toute cette tempête il y ait, quand même parfois, un signal, un bout de sincérité qui passe.

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Moins d’urgence, moins de pression et plus d’échange, j’ai quand même l’impression que ce n’est pas si mal que ça le sexe lorsque t’es un mec de trente piges. C’est à peu près à cette même conclusion qu’arrivent la plupart des mecs auxquels j’ai parlé. « Je préfère largement ma vie sexuelle à 32 ans qu’à 22 », résume Eliot.

Comme il est difficile de parler de la sexualité des hommes sans du tout évoquer celle des femmes, j’ai essayé de jauger mes copines sur la question de l’évolution de notre désir, à nous. Je crois que notre adolescence et petite vingtaine se passent assez différemment. Que déjà, il nous faut prendre conscience et intégrer peu à peu que, bah ouais, tu vas faire bander des mecs, même avec tes petites vergetures dégueu, même avec une culotte pas assortie à ton soutif, même avec ta cellulite, même avec des ongles de pieds pas vernis, même avec ton gros cul, même avec des petits seins, même avec ton gros cul ET tes petits seins.

« J’ai l’impression que tu passes les dix ans entre 20 et 30 ans à te libérer de tes complexes, des contraintes morales, et à enfin t’autoriser à kiffer peinard », explique ma pote Zoé. Ce n’est pas une mince affaire. Depuis nos 12 ans et demi on est toutes l’objet du même bukkake de haine de soi où l’on nous jette sans cesse à la tronche qu’une femme au naturel, eh bien, c’est simplement dégueulasse. Tu grandis dans une société qui t’insulte 15 fois par jour. Difficile de pas croire à un moment, que tu pourrais être mieux, que tu devrais être mieux.

Spoiler en direction de toutes les petites meufs qui lisent ce papier : ça va passer. Tu vas les kiffer tes petites vergetures dégueu. Je te le promets. Tu vas prendre le pouvoir. Toutes les jeunes femmes font un genre de mai-68 personnel pour passer d’objet à sujet de désir, et enfin jouir. Arrêter de se focaliser uniquement sur le potentiel bandant ou non de ton corps et penser à toi, toi, ce qui te fait kiffer, toi ce qui t’excite.

Finalement, on n’est pas si différentes des hommes. Nous aussi, avec le temps, on est soulagées de penser un peu moins avec vos bites. Et un peu plus à ce que l’on veut en faire.

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