Près de 960 kilos de cocaïne ont été repêchés ce samedi 28 février au large de la ville côtière belge d’Ostende. La tonne de drogue, saisie par la police, aurait une valeur marchande de 50 millions d’euros. Ces seuls trois derniers mois, ce sont près de 3 tonnes de drogues qui ont été récupérées dans les eaux glaciales de la Mer du Nord qui bordent la Belgique.
Ostende est une ville néerlandophone du royaume de Belgique et qui fait face à la Mer du Nord. C’est à une vingtaine de kilomètres au large de celle-ci que flottaient ce week-end seize sacs de sport.
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Un bateau-pilote, chargé d’aider à la navigation des grands navires, qui croisait ce samedi matin dans la zone, a repéré les paquetages et a lancé l’alerte. La police est ensuite venue récupérer la marchandise manifestement larguée ici par des trafiquants. Un remorqueur équipé d’une grue s’est déplacé sur zone pour ramener la tonne de cocaïne hermétiquement emballée au port d’Ostende. L’affaire a été confiée au parquet de Bruges.
Depuis le début de l’année deux saisies du même type ont été effectuées au large de la Belgique — une première de 800 kilos et une seconde de 1 200 kilos. Ce type de saisie, s’il est répété semble pour le moins récent.
Contacté par VICE News ce mardi matin, le parquet de Bruges nous a confirmé que « Les largages de drogue au large des côtes belges semblent être un nouveau phénomène, puisqu’il ne s’agit pas de la première découverte de ce type dans la zone. C’est apparemment une nouvelle manière de travailler pour les narcotrafiquants. »
« La ville d’Ostende est en proie à des problèmes de drogue mais comme partout ailleurs, ni plus, ni moins, » nous précise le parquet belge. « Chaque heure, des porte-conteneurs [et des cargos] passent dans la zone située au large d’Ostende. La police de la navigation est en charge de la surveillance et la police fédérale s’occupe de l’enquête. »
Marc Fiévet est un ex-agent des douanes françaises célèbre pour avoir infiltré parmi les gros réseaux de narcotrafics internationaux. Son expérience et son histoire ont inspiré des livres films et documentaires. Il est l’auteur en autres du livre Dans la peau d’un narco. Il nous explique que « La technique manifestement utilisée ce week-end au large de la Belgique est assez simple. Les colis sont reliés entre eux par une corde en nylon et ils sont jetés par-dessus bord. Un quart d’heure plus tard, un petit bateau vient réceptionner la marchandise pour la ramener à terre. Les radars ne peuvent donc pas voir de rapprochement entre deux navires et donc lancer une surveillance, » explique à VICE News l’ancien agent.
« Cette technique a été maîtrisée par les narcotrafiquants britanniques. Ils laissaient même parfois un homme en mer équipé d’une combinaison et d’une mini-balise pour récupérer la marchandise. Aujourd’hui, ils se servent probablement des mêmes balises utilisées par les pêcheurs pour repérer leurs caisses de homards. Comme on a pu le voir ce week-end, la technique n’est pas infaillible mais c’est une des plus retenues par les narcotrafiquants parce que c’est sans doute la plus sure, » détaille Fiévet.
La méthode a beau avoir fait ses preuves et exposer à moins de risques d’arrestations, elle n’est pas infaillible pour autant. « La mer n’est pas une science fiable. On est jamais à l’abri d’une avarie moteur, de courants ou de mauvais temps. Après, les pertes font partie du business, la marchandise ne coute quasiment rien au producteur, donc on s’autorise des pertes qui peuvent parfois être importantes en termes de quantité. La tonne retrouvée en Belgique est une quantité intéressante, mais je suis persuadé que des mouvements de plusieurs tonnes existent, » poursuit Marc Fiévet.
En 2010, la station balnéaire d’Ostende s’était déjà retrouvée mêlée au trafic de drogues avec le démantèlement d’un réseau de trafiquants d’héroïne. La ville servait de point de relais pour les dealers du nord de la France qui ne pouvaient plus se permettre d’aller aux Pays-Bas, puisque systématiquement contrôlés, à cause de leur plaque d’immatriculation (les Pays-Bas étant prisés par les Français comme destination ad hoc pour rapporter du cannabis en douce trouvé légalement là-bas).
Marc Fiévet rapproche cette méthode des paquets flottants d’un autre moyen plus ancien. « En Belgique et en Hollande, on se servait avant d’une autre technique, assez semblable à celle utilisée ce week-end. Les trafiquants lestaient des paquets pour les balancer par-dessus bord, pas loin du rivage. Les paquetages remontaient tranquillement jusqu’à la plage portés par les vagues où un complice attendait. »
Les quantités de drogue les plus importantes qui transitent dans le monde passe le plus souvent par la mer estime Fiévet, « C’est du moins en mer qu’on fait les plus grosses saisies. » Mais la voie aérienne est forcément utilisée par les trafiquants. » Fiévet a fait de la prison à Madrid suite à ces années d’infiltré (la ligne de la France a été longtemps de dire qu’il était tombé pour des affaires de son initiative, dépassant le cadre de sa mission, Fiévet lui explique que les autorités l’ont laissé tombé). Il raconte qu’en détention : « Des trafiquants français m’ont approché pour savoir si j’avais la qualification réacteur [s’il était pilote] et m’ont demandé de faire la liaison France – Colombie avec un jet. »
« Le nombre d’aérodromes non-contrôlés en France est hallucinant. On peut techniquement se poser de partout en volant en VFR [vol à vue] à moins de 500 pieds pour éviter les radars, » selon l’ancien super-douanier. Il rappelle le cas des pilotes français retenus à Saint Domingue car suspectés d’avoir participé à une opération de ce type.
Le transport routier n’est pas en reste, « Je me souviens qu’à Valence en Espagne, on chargeait des palettes de fruits et légumes dans un semi-remorque entre lesquelles on glissait une petite palette de shit plastifiée, » se rappelle l’ancien agent infiltré.
L’imagination des trafiquants n’a pas réellement de limites. « Tout le monde connaît l’histoire des sous-marins qui transitent entre l’Amérique du Sud et les États-Unis. Mais on connaît moins celle trafiquants marocains qui rejoignaient l’Espagne en survolant le détroit de Gibraltar, en parachute, avec une petite hélice dans le dos, » glisse Marc Fiévet.
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