Que nous soyons des experts de Moto GP, ou pas, nous avons tous vu ce qui est arrivé la semaine dernière lors du Grand Prix de Malaisie à Sepang. Et on a tous à peu près la même version : Valentino Rossi a fait tomber Marc Marquez et l’Italien est une merde et l’Espagnol une victime.
Rossi le méchant et Marquez le bon. Il n’y a pas de débat. Enfin peut-être que si ?
La réalité n’est jamais aussi simple. Si les choses étaient si évidentes, Zinédine Zidane serait également une merde. Mais l’ancien joueur du Real Madrid est connu pour beaucoup d’autres choses que son coup de boule.
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Nous savons tous que Rossi et Marquez éprouvent de l’admiration l’un pour l’autre. Pour l’Espagnol, l’Italien était une idole de jeunesse, un miroir dans lequel il s’imaginait. Mais la rivalité sur la piste n’a rien à voir avec les courses que nous regardons à la télévision et l’histoire romantique entre les deux connaît des heures sombres.
On a trouvé beaucoup de preuves de cette animosité croissante entre les deux pilotes lors des dernières courses. Arrêtons-nous deux minutes sur le Grand Prix des Pays-Bas à Assen. Marc a essayé de dépasser Valentino dans l’un des derniers virages de la course. Mais cette manœuvre a forcé l’Italien à sortir de la piste pour poursuivre sa course.
Après l’épisode d’Assen, les détracteurs de Rossi disent qu’il n’avait pas le droit pas couper le virage, et donc que l’Italien a mal réagi lorsque Marquez l’a touché. Les ennemis de ce dernier estiment que le pilote catalan a tenté une manœuvre impossible sachant bien qu’elle causerait des problèmes à Rossi.
A qui la faute ? Qui est le coupable ? Marc l’étourdi ou Valentino le sournois ? Ou les deux pilotes qui voulaient la victoire ?
Deux points de vue pour une seule réalité
Marc Marquez a remporté la couronne mondiale l’année dernière et un nouveau titre lui était déjà promis. Mais sa saison a mal commencé. Après la septième course, Rossi cumulait 138 points et Marc seulement 78. Le seul concurrent sérieux pour Rossi était alors Jorge Lorenzo. La concurrence entre l’Espagnol Marquez et l’Italien Rossi nous a offert de belles émotions, mais la dégradation progressive de la relation entre ces deux pilotes pourrait être grave et donner lieu à une guerre médiatique entre deux pays.
Selon Valentino et la majorité de la presse transalpine, dont le soutien est inconditionnel, Marquez préfèrerait que le champion cette année soit Lorenzo. Cela pourrait expliquer l’attaque d’Assen contre Rossi. Cette thèse serait d’une simplicité alarmante. C’est vrai que l’histoire de la légende qui revient pour gagner un titre est plaisante et romantique. Et l’idée qu’il pourrait y avoir un complot contre le champion vétéran peut alimenter des fantasmes, mais ce n’est que du vent.
Lors du Grand Prix de Malaisie, Dani Pedrosa et Marc Marquez sont partis devant et ont occupé les deux premières places durant plusieurs tours. Rossi était troisième et Lorenzo sixième. Au bout de quelques tours, Lorenzo a dépassé deux pilotes Ducati et Valentino, quant à lui, a réussi à atteindre la première place.
A un moment donné, Marquez a fait une erreur et a perdu sa place. Pour la plupart des observateurs, c’est un simple échec mais pour les théoriciens de la conspiration c’était une stratégie pour favoriser Lorenzo et mettre à mal Rossi. Ce qui est arrivé ensuite ? Une épreuve de force entre Rossi et Marquez.
Nous pouvons voir et revoir les images, mais la question est toujours la même : à qui la faute ?
Comme nous le disions précédemment, le méchant pourrait être Rossi qui repousse son adversaire avec sa jambe, montrant à cette occasion un cruel manque de fair-play. Ça pourrait aussi être la faute du machiavélique Marquez qui s’est laissé dépasser par Lorenzo en feintant une erreur mais qui s’est battu jusqu’au dernier millimètre avec Valentino.
« C’est vrai, je voulais vraiment le gêner, lui faire changer de trajectoire mais je n’ai pas voulu qu’il tombe. C’est dommage que nous nous soyons touchés. Son guidon a percuté ma jambe gauche et c’est pour ça que sa trajectoire a dévié. Je ne lui ai pas donné de coup de pied : une moto de cette cylindrée est bien trop lourde pour tomber comme ça », a affirmé l’Italien, droit dans ses bottes.
« Nous sommes arrivés au virage numéro 14, il est arrivé à mon intérieure et a tout de suite redressé sa moto, m’a regardé et m’a poussé avec sa jambe, touchant mon bras et le guidon de ma moto. Je n’arrive pas à comprendre ce qu’il se passe dans la tête d’un pilote qui veut en faire tomber un autre : ici nous jouons notre vie », a déclaré Marquez.
Difficile de tirer une conclusion
Je déteste profondément les gens qui profitent d’une panne pour détruire quelque chose de beau. Il est certain qu’un mauvais coup de pinceau sur un tableau est terriblement inesthétique, mais obtenir un portrait fidèle est extrêmement difficile : il est peut-être plus pertinent d’évaluer une œuvre (ou une carrière) dans son ensemble plutôt que de s’accrocher à un détail pour mépriser l’ensemble.
La vie d’un champion est pleine de stress et de pression à l’intérieur mais aussi à l’extérieur de l’environnement purement sportif. Revenons à l’exemple de Zidane. Il est clair que le Français a foutu en l’air cette finale de la Coupe du monde 2006. Mais il est évident que Marco Materazzi a sa part de responsabilité dans cet épisode. Oui, Zidane aurait dû garder sa tête froide et ne pas tomber dans le panneau de la provocation. Il s’est comporté comme un gamin, comme un fou.
Allons-nous retenir ça de Zidane ?
…ou plutôt ça non ?
La seule manière d’être juste envers Zidane serait de nous mettre à sa place le jour de cette finale. Et peut-être que pour juger Valentino, nous devrions faire la même chose.
Toute cette histoire est super triste. Voir une légende comme Rossi tomber à un tel niveau moral est triste, tout comme le fait que Marquez fasse tout pour l’empêcher de gagner un dernier titre mondial est regrettable.
Rossi a déjà 36 ans : en plus d’être un vétéran, il est revenu à la compétition et dispute une des meilleurs saisons de sa carrière. L’organisation de la moto GP a décidé que Rossi s’élancerait de la dernière position lors du dernier Grand Prix de la saison à Valence.
Pour remporter le titre, Valentino devra terminer à la troisième place.
Non seulement Marquez a chuté à Sepang et sa moto a perdu son adhérence et a dérapé (un petit coup de pied peut-il le faire?). Ce qui était une bataille sportive entre deux grands champions pourrait se terminer en une guerre d’intérêts mesquins personnels. Pas d’intérêts patriotiques s’il vous plaît. Il nous reste un Grand Prix avant que la saison 2015 se referme. Essayons d’en profiter sans se haïr les uns ou les autres.