Pourquoi j’ai choisi de rentrer chez mes parents à la fin de mes études

Photo via l’utilisateur Flickr François et fier de l’être

Ce n’est un secret pour personne : il devient de plus en plus difficile de se loger quand on est jeune. Selon une étude de la Fondation Abbé Pierre publiée en décembre 2015, 4,5 millions de majeurs vivent encore chez leurs parents ou grands-parents. Si, pour certains, c’est somme toute logique de par leur statut d’étudiant ou leur inactivité professionnelle, pour d’autres, cela relève surtout de la contrainte. En effet, parmi ces 4,5 millions de personnes, un tiers a un emploi rémunéré. De plus, la Fondation précise que près d’un million de personnes ayant vécu dans un logement indépendant sont retournées vivre chez Papa-Maman.

Ces chiffres témoignent de la nouvelle configuration de la société – société qui a vu les traditions maritales des décennies précédentes être chamboulées. Alors que nos parents quittaient souvent le cocon familial pour embrasser la vie de couple, aujourd’hui, la modification des normes amoureuses et l’âge moyen au premier mariage de plus en plus tardif diffèrent l’envol des oisillons hors du nid douillet et confortable de leurs géniteurs.

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Pourtant, on ne peut pas dire que c’est l’absence de volonté d’autonomie des « jeunes d’aujourd’hui » qui explique cette évolution. Une étude de l’Insee datée de 2006 mettait en avant le désir d’indépendance des jeunes – qui est la première motivation des déménagements chez les moins de 30 ans. Dès lors, comment expliquer ces chiffres ? Le mythe d’un Tanguy accroché aux basques de ses parents et incapable d’affronter les vicissitudes du système administratif hexagonal semble bien éloigné de la réalité. Les raisons socio-économiques, en revanche, pèsent lourd dans la balance.

Pour ma part, je viens tout juste de rentrer dans la ville qui m’a accueillie pendant mon enfance et mon adolescence, après quatre années de vagabondage estudiantin. Quatre années d’études supérieures, au cours desquelles j’ai dû déménager cinq fois – dont une fois à l’étranger, dans le cadre du fameux semestre Erasmus.

À l’époque, j’avais choisi de quitter la maison de mon enfance car je ressentais le besoin souverain de partir d’une ville que je pensais connaître de part en part, et dont je n’avais plus rien à tirer. Le secteur qui emploie le plus par chez moi est celui de l’ingénierie aéronautique – et ça n’est pas tellement mon truc. Certes, j’aurais pu rester pour mes études, mais j’avais fermement décrété qu’il était temps de partir. J’ai donc fait mes cartons pour aller embrasser les embruns à plusieurs heures de train de chez ma mère, et me suis installée seule dans mon premier studio – qui faisait plus de 15 m2.

Après ce changement brutal, quatre années ont suivi. J’ai traîné ma valise de 23 kilogrammes tant bien que mal, en respectant l’enchaînement conventionnel stages à Paris/semestre gueule de bois à l’étranger.

Aujourd’hui, je viens donc de rentrer « chez moi ». En fait, cela veut dire que j’occupe la chambre qui a vu défiler ma vie de mes 7 ans à mes 18 ans. Les murs portent encore les souvenirs d’amis dont je n’ai plus de nouvelles et de beaux gosses de séries télé terminées depuis belle lurette. Pourtant, le plus difficile pour moi n’est pas d’être confrontée aux épisodes de ma vie un peu désuets, sur lesquels je porte un regard attendri. En réalité, j’ai surtout du mal à me réapproprier une ville dans laquelle plus personne ne m’attend, où tout semble pareil qu’avant et très différent à la fois.

Prenons plusieurs exemples : le centre-ville a vu fleurir son premier Starbucks, et un tramway peut vous conduire jusqu’à l’aéroport. Le café qui a accueilli mon premier rendez-vous amoureux est presque le même – sauf qu’il a été racheté par une franchise. Quant à mes potes de lycée, la plupart ont déserté les lieux, et il me paraît compliqué de renouer avec ceux qui sont restés dans le coin. Me voici donc de retour dans une ville que je connais parfaitement et qui, elle, ne me connaît plus.

Revenir chez ses parents, c’est se prémunir contre les emmerdes, et avoir la possibilité de mettre de l’argent de côté en attendant de voir ce dont l’avenir sera fait. Cependant, à trop patienter, je me dis qu’il pourrait bien me filer entre les doigts.

On pourrait s’interroger sur les raisons d’un tel retour. Diplômée en septembre 2015, j’aurais pu me lancer et rechercher un travail. J’aurais pu faire le choix de retourner vivre à Paris – dernière ville française où j’ai eu mes marques. Mais non. Une sorte de rationalité économique m’a poussée à revenir au bercail provincial.

À mes yeux, vivre à Paris n’était pas concevable, à l’heure où les loyers pour un 13 m2 dépassent souvent les 600 euros. De même, accepter un CDD contre 1 300 balles par mois dans une agence de communication, une boîte de pub ou une rédaction après avoir obtenu un diplôme BAC +5 ne me semblait pas être la solution optimale au regard du niveau de vie parisien. La perspective d’enfiler un tailleur pour les 50 prochaines années ne m’a jamais vraiment intéressée non plus.

Au moment de faire mon choix, j’ai compris que la société française est bien moins indulgente avec les jeunes diplômés qu’elle ne l’est avec les étudiants. Je me prépare d’ailleurs à dire adieu aux généreuses aides de l’État, mais également à toutes les réductions que m’offrait mon statut d’étudiante. C’est pour ces raisons-là que j’ai hésité à enchaîner sur un second cursus universitaire – pas forcément utile, mais qui m’aurait permis de recevoir un sacré coup de pouce financier de la part des pouvoirs publics.

Photo via l’utilisateur Flickr Eric

Au final, j’ai fait le choix du moindre mal. J’ai décidé de rentrer quelque temps chez mes parents afin de mettre sur pied différents projets, et d’économiser l’argent que je vais être amenée à gagner depuis mon canapé grâce à mon statut de free-lance.

Pourtant, depuis que je suis rentrée, pas une journée ne se passe sans que je me dise qu’il ne faut pas que cette situation perdure trop longtemps. Pour cela, il me faudra reprendre certaines habitudes sans créer de nouvelles attaches. J’ai bien conscience d’être peu à peu happée par un confort qui a toutes les caractéristiques de la régression. Le plus difficile, après être rentré chez soi, est certainement de repartir – surtout lorsque l’on n’a aucun objectif académique en vue.

Malgré tout, avoir regagné le domicile familial ne manque pas de me rassurer. Ce dernier semble être le dernier rempart contre une précarité qui frappe de plus en plus de jeunes, rendant impossible toute indépendance. Rappelons qu’aujourd’hui en France, le chômage frappe 24,2% des 18-24 ans. Les emplois précaires, quant à eux, touchent plus d’un tiers des 15-29 ans. Revenir chez ses parents, c’est se prémunir contre les emmerdes, et avoir la possibilité de mettre de l’argent de côté en attendant de voir ce dont l’avenir sera fait. Cependant, à trop patienter, je me dis qu’il pourrait bien me filer entre les doigts.

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