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Pourquoi le rappeur Curren$y a acheté le restau à burger de son enfance

Curren$y

Curren$y est resté fidèle à ses racines et on ne peut hélas pas en dire autant de tous les rappeurs de la Nouvelle-Orléans qui ont réussi. Vous avez besoin de preuves ? $pitta de son surnom a récemment annoncé le rachat de Bud’s Broiler, un vieux restau à burgers ouvert 24h/24 et situé dans le quartier bourge près de City Park.

Bud’s est une petite chaîne originaire de Louisiane. Le restau racheté par Curren$y était l’un des seuls endroits où l’on pouvait trouver de la bonne bouffe après une nuit de bringue. Les burgers y étaient chiches mais bien assaisonnés et grillés. Quant au lieu, il était validé par le rappeur lui-même qui y débarquait avec ses lowriders bien avant que sa collection de caisses ne devienne un sujet de discussion.

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Le Bud’s Broiler a fermé ses portes à la fin de l’année 2018. Une fois rénové et arrangé par Curren$y, il s’appellera Life Burger. Devant les fenêtres de son dernier achat, le rappeur a évoqué les raisons pour lesquelles les burgers et les chicken wings permettent de rouler les mécaniques autant qu’une nouvelle Rolls Royce.

MUNCHIES : Est-ce que cet achat est un investissement lambda ou tu as un lien un peu spécial avec le Bud’s Broiler ?
Curren$y : Quand j’étais petit, ma mère nous accompagnait lors de nos sorties et elle avait l’habitude de nous emmener au Bud’s Broiler. Ce restau a toujours été dans ma vie et j’ai toujours eu pour lui une affection particulière. Chez Bud’s, les burgers étaient faits à la minute et la viande ne passait pas deux heures sous des UV. Il y avait de la musique, une télé allumée. Bref, c’était vivant.

Quand j’étais au lycée, les filles avec qui je sortais allaient à l’université, et c’est chez Bud’s qu’elles étudiaient. Du coup, on y allait aussi pour draguer. Mon club de fans de bagnoles se réunissait ici tous les dimanches. Et puis un jour, brusquement, le restau a fermé. C’était définitif et sans préavis. Une annonce a été publiée dans le journal pour annoncer sa vente.

« Ma foi en l’humanité a vraiment été restaurée par la rapidité à laquelle l’info s’est répandue. La nouvelle du rachat a circulé aussi vite que si j’avais été arrêté. »

Killer Mike [rappeur de Run the Jewells] a beaucoup parlé de créer et d’investir dans des entreprises tenues par des Afro-Américains. C’est quoi l’idée ici ?
J’avais tout juste commencé à regarder « Trigger Warning » [ndlr : le show de Killer Mike sur Netflix], et le premier épisode m’a vraiment parlé, surtout en ce qui concerne ce que j’allais faire. Ce n’est pas comme si je n’avais pas déjà une Rolls Royce. Avec une deuxième devant la maison, j’aurais eu l’air con. À chaque caisse sa baraque. Et ce petit restau de burgers va créer assez de richesse pour me payer une Rolls plus tard.

Curren$y

C’est donc une histoire d’investissement à long terme, non, sachant que tu viens d’avoir un bébé ?
Oui, c’est exactement ça. Je suis allé au restau voir la boîte chargée des rénovations avec mon fils. Il n’a que deux mois, mais je veux qu’il s’habitue au fait que l’endroit lui appartienne. Il a beau être à l’aise à la maison, il faut qu’il le soit aussi au restau. Et une fois qu’il sera assez grand pour y travailler, il y travaillera. Il comprendra qu’un dollar est un dollar, quelle que soit la façon de le gagner. Moi, j’ai compris la valeur de l’argent justement parce qu’on n’en avait pas. Alors maintenant, peu importe combien j’ai, je ne l’affiche pas trop. Et c’est bien mieux comme ça.

Quand j’étais plus jeune, je disais : « J’aurais aimé que mes parents aient de la thune ». En matant la télé, je savais que les gosses de riches étaient des petits cons qui bouffaient des pizzas gigantesques et faisaient du skate dans l‘escalier quand leurs darons partaient travailler. C’est ce que je voulais faire. Finalement, ce n’est pas plus mal que ça ne se soit pas passé comme je le voulais. Aujourd’hui, j’ai conscience que l’argent est important et je ne vais pas laisser mon fils faire du skate dans les escaliers. Il va être bien plus intelligent que moi.

Acheter un restaurant, c’est quand même une grosse prise de risque. Beaucoup tenus par des Afro-Américains n’ont pas survécu à l’ouragan Katrina.
La plupart des gens concernés ont dû s’occuper de leurs familles et de leur relogement. Même si le gouvernement a filé quelques biftons, tout ce que vous receviez, vous vous en serviez pour survivre. Alors entre maintenir le business ou prendre soin de sa famille… Il a fallu choisir et s’entraider. On ne pouvait pas continuer de payer le loyer de cet immeuble tout en économisant à côté.

« Je n’ai pas envie que les gens aient envie de partir. J’aimerais bien qu’on y bouffe même deux repas d’affilée parce qu’on n’a pas vu le temps filer »

Ça a beaucoup changé ici. De nombreux coins considérés comme craignos à l’époque ne le sont plus maintenant. Il y a un magasin Whole Foods dans la zone où les gens grillaient les feux rouges pour éviter de se faire car-jacker. On réalise assez vite le rôle de l’argent dans l’histoire. La thune peut changer beaucoup de choses… J’ai capté ça parce que j’ai beaucoup voyagé. Mais l’argent, ça fait parler, alors on s’assoit à une table et on discute. Est-ce que je peux me permettre d’être ici ?.

Cet investissement a été bien accueilli par les locaux, c’est une manière aussi de préserver la culture culinaire de la Nouvelle Orléans à une époque où pas mal de cuisines différentes débarquent.
Oui. Pas mal de monde est passé au bureau simplement pour dire : « Bien joué d’avoir récupéré le restau à burgers » et « On a hâte de venir ». Personne ne me parle de mixtapes ou de caisses. Et puis les bonnes nouvelles voyagent vite. Ma foi en l’humanité a vraiment été restaurée par la vitesse à laquelle l’info s’est répandue. Elle a circulé presque aussi vite que si on m’avait arrêté.

Ça ressemblera à quoi le Life Burger ?
Je veux faire des burgers pour les nostalgiques du Bud’s Broiler. Il y aura juste une déco style diner, comme Steak ‘n Shake ou ce genre d’endroits. Il y aura des floats [soda à la glace] au Coca, à la root beer, à l’ananas et au Sprite. Il y aura aussi des burgers végan. J’ai des amis qui bossent dans les chicken wings donc je vais leur trouver une place. Je leur laisserai la gestion de la volaille. Il n’y aura pas de steaks surgelés. On va les faire nous-même et les balancer sur le gril et les charbons ardents, the right way.

Il y a une autre salle à l’étage, avec des tables et un balcon. Je ne sais pas si les gens étaient vraiment au courant. J’ai toujours pensé qu’il fallait s’installer à l’extérieur ou au comptoir. En haut, il y aura des jeux d’arcades – Street Fighter 2, et d’autres trucs dont on est nostalgique. Je vais peindre les perso sur les murs. Ça va être chanmé.

Curren$y

Le Bud’s était plutôt fast food alors qu’on a envie de traîner plus longtemps dans le Life Burger.
Je n’ai pas envie que les gens aient envie de partir. J’aimerais bien qu’on y bouffe même deux repas d’affilée parce qu’on n’a pas vu le temps filer. Et puis dans le coin, il y a toutes ces brasseries locales, comme Abita, que je vais aller voir.

Ah, et aussi, il y aura un menu « Cruise ». C’est le nom de mon fils. Ce sera un menu pour enfants. J’ai une collection de 5 000 jouets Hot Wheels. En tournée, à chaque fois que mon bus s’arrêtait, j’allais sur l’aire d’autoroute claquer 100 dollars en Hot Wheels. Comme ça, dès qu’un gosse entrera dans mon restau, il repartira avec un jouet. Je n’ai pas de Barbie donc tout le monde aura des Hot Wheels.

De toute façon, je ne suis pas fan du message que Barbie envoie aux petites filles, alors je te suis sur le coup.
Ah tu vois ? Merci. C’est le prolongement de ma culture de la bagnole. Il y a pas mal de coins dans la ville où j’expose mes voitures et le restau en sera un. L’intérieur sera comme un garage/diner des années 1950 ou 1960. Genre Happy Days [série télé, NDLR]. J’ai hâte. Tous les matins, j’en amènerai une nouvelle, j’ouvrirai le capot, le coffre et je la laisserai là, jusqu’à la fermeture, pour que les gens puissent l’admirer.

Merci, Curren$y !

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