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Pourquoi le sirop contre la toux vous fait faire des rêves délirants

Au cours de la deuxième semaine de janvier, les 50 États américains ont signalé une épidémie de grippe, à l’exception d’Hawaï – qui, au passage, mérite qu’on les laisse un peu tranquille après le week-end pourri qu’ils ont passé à flipper à cause d’une fausse alerte à la bombe. Mais nous, les Européens, avons nous aussi des protestations à formuler à l’encontre de cette saison de la grippe particulièrement virulente. Parmi nous, certains sont d’ailleurs en train de tendre la main vers la bouteille de sirop contre la toux qui les aidera à passer la nuit sans maudire tous leurs ancêtres. Chez certains, c’est là que les choses se corsent : l’irruption de rêves délirants et extrêmement réalistes après la prise dudit sirop sont assez fréquents.

On ne sait toujours pas précisément comment et pourquoi ces phénomènes se produisent, mais une partie de la réponse réside probablement dans la composition de ces produits : De nombreux médicaments contiennent un antitussif (du dextrométhorphane) et un analgésique (comme l’acétaminophène). Les médicaments à prise diurne contiennent également une substance appelée la phenylephrine qui facilite la respiration en réduisant la congestion des voies nasales. Or, ceux que vous prenez avant de vous coucher contiennent du succinate de doxylamine, un antihistaminique. Selon Alan Eiser, psychologue au Sleep Disorders Center de l’Université du Michigan, c’est ce qui pourrait vous donner des rêves et des cauchemars aussi réalistes.

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Comme leur nom l’indique, les antihistaminiques bloquent la production d’histamine dans votre cerveau. Ce neurotransmetteur aide à réguler l’appétit, la température corporelle, les démangeaisons, l’inflammation, mais aussi le cycle du sommeil et de l’éveil. Le niveau d’histamine dans votre cerveau fluctue tout au long de la journée : la substance est consommée à vitesse grand V quand vous êtes éveillé, et plus lentement quand vous êtes fatigué ou détendu ; quand vous dormez, le corps n’en consomme plus du tout. La doxylamine, elle, vous aide à vous endormir en bloquant l’histamine.

Or, il s’avère que la doxylamine bloque également les effets de l’acétylcholine, un neurotransmetteur qui est, en quelque sorte, le grand régisseur de vos rêves, explique Subhajit Chakravorty, professeur de psychiatrie au sein du département de médecine comportementale du sommeil à l’Université de Pennsylvanie. L’acétylcholine déclenche le sommeil paradoxal (REM). “C’est pendant le sommeil paradoxal que vous rêvez“, explique Chakravorty. “Tout ce qui bloque l’acétylcholine, comme la doxylamine, retarde le sommeil paradoxal.

Lors d’une nuit normale, vous passez environ 90 minutes à traverser quatre phases de sommeil non-paradoxal avant d’en arriver à votre première phase de sommeil paradoxal, qui dure environ 10 minutes. Vous répétez ce cycle environ cinq fois par nuit, et votre stade de sommeil paradoxal s’allonge à chaque cycle suivant.

Mais voici à quoi pourrait ressembler votre nuit après avoir pris certains types de sirop contre la toux : au lieu de sombrer dans le sommeil paradoxal après 90 minutes, votre corps peut parfois s’attarder dans les phases de sommeil non-paradoxal pendant plusieurs heures, précise Chakravorty. Du coup, lorsque la doxylamine commence à diminuer, votre cerveau libère un paquet d’acétylcholine.

Au moment où la doxylamine se dissipe, l’acétylcholine revient en force“, explique-t-il. “Tout d’un coup, boum, vous êtes happé par le sommeil paradoxal“. Cela provoque une crise de sommeil paradoxal, une phase inhabituellement longue de sommeil paradoxal qui survient généralement à cause de la privation de sommeil. Les rêves farfelus et les cauchemars apocalyptiques pourraient être le produit d’une activité cérébrale accrue : votre corps tente frénétiquement de rattraper le sommeil profond dont il a tant besoin.

Nous passons environ un tiers de notre vie à somnoler, mais étonnamment, les scientifiques connaissent ne possèdent que des connaissances limitées sur les rêves – et maitrisent d’autant moins les interactions entre l’activité onirique et les infections virales. “Ce que nous savons, c’est que le sommeil paradoxal est géré par l’acétylcholine – et la doxylamine le bloque“, ajoute Chakravorty. (Certes, l’alcool fait rêver et cauchemarder, selon Eisen, mais la quantité d’alcool présente dans une ou deux doses de sirop est tout à fait négligeable.)

La doxylamine ne se retrouve pas uniquement dans le sirop contre la toux ; d’autres médicaments contre les symptômes nocturnes du rhume et la grippe en contiennent. Votre corps fabrique également de l’histamine en cas de réaction allergique, ainsi, vous en trouverez à profusion dans les antihistaminiques. Mais si les cauchemars vous inquiètent, sachez que la doxylamine est probablement le moindre de vos soucis – « on est davantage sujet aux cauchemars en cas de prise d’antidépresseurs, lorsqu’on fait des insomnies, ou lorsqu’on est anxieux et déprimé”, explique Chakravorty. Tout de même, ne buvez pas votre Dalmacol à la bouteille.