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Pourquoi on devrait éviter d’appeler ça du « vin orange »

Vini arancioni cosa sono

Depuis quelques années maintenant, le mouvement des vins de macération (re)prend de l’ampleur – et accompagne notamment celui des vins nature. Tout comme « pét-nat », l’expression « vin orange » est devenue aujourd’hui un truc tendance à dire pour une grande partie des amateurs de pinard.

Dans les restos, foires ou salons que je fréquente, j’entends souvent quelqu’un demander devant un vin blanc légèrement ambré si c’est un « vin orange », ou devant un pétillant si on a bien affaire à un « pét-nat ». C’est pourquoi j’ai à la fois une plainte, un conseil et une demande à formuler : par pitié, arrêtez d’appeler ça du « vin orange ».

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Je l’avoue candidement, il m’est arrivé parfois de l’utiliser moi-même et je sais qu’il en va de même pour d’autres professionnels dans le milieu. Mais je me suis rendu compte lors de nos discussions que le terme pouvait poser problème. Je suis d’avis qu’utiliser « vin orange » plutôt que « vin de macération », ou son équivalent anglais « skin contact », peut porter à confusion et pourrait faire en sorte que certains consommateurs se sentent trompés.

Du coup, c’est quoi le problème avec l’expression « vin orange » ? Elle est maladroite. Les vins de macération ne sont pas toujours forcément orangés, ils peuvent paraître tout à fait blancs, ou encore, à l’extrême, se rapprocher d’un brun incertain.

Plusieurs pistes laissent penser que les vins de macération étaient probablement parmi les premiers vins élaborés. En temps normal, lorsque l’on fait un vin blanc, on ne laisse pas la peau des raisins en contact avec le jus, comme on le fait pour le vin rouge. Ce contact changerait la couleur, la texture et les arômes du vin blanc. Et c’est exactement ce que l’on recherche dans ce type de vin.

On appelle cette technique la macération pelliculaire : essentiellement, on élabore un vin blanc comme si c’était un vin rouge. C’est aussi simple que ça. Ce vin blanc, grâce au contact avec la peau, peut dans certains cas acquérir une teinte orangée, d’où l’expression « vin orange » qui a été inventée par un importateur anglais, en 2004.

Du coup, c’est quoi le problème avec l’expression « vin orange » ? Elle est maladroite. Les vins de macération ne sont pas toujours forcément orangés, ils peuvent paraître tout à fait blancs, avoir une couleur qui ressemble à s’y méprendre à du soda à l’orange, ou encore, à l’extrême, se rapprocher d’un brun incertain.

Dans ce domaine, « orange » est un terme relativement nouveau quand on considère que les vins de macération existent depuis des millénaires. Réduire la technique et la tradition à une couleur ne rend service ni aux curieux, ni aux amateurs de ce type de vin, ni, à l’inverse, à ceux qui croient ne pas aimer ces vins car ils auraient l’impression que la couleur fait tout. Ça me briserait le cœur de voir quelqu’un retourner une bouteille car le vin de macération qu’elle contient ne serait pas de la couleur attendu par le client.

« Le terme ‘vin orange’ vous emprisonne dans une couleur, et comme les vins de macération pelliculaire peuvent être élaborés avec n’importe quel raisin de vin blanc et utiliser n’importe quelle technique de vinification, les vins à teinte orangée peuvent grandement varier »

C’est un terme marketing accrocheur, certes, mais maladroit, et qui au final fait plus de mal que de bien. Je m’explique donc mal de voir autant d’experts, de sommeliers et de vignerons qui connaissent bien l’histoire et la tradition de ces vins, profiter de cette tendance pour la surfer et se remplir les poches. Je pense sincèrement que notre travail est d’informer les gens et de les aider à mieux comprendre ce qu’ils boivent, et, pour ce faire, on doit utiliser les bons termes, et les encourager à faire de même.

Je ne suis d’ailleurs pas le seul à éviter le terme. L’an dernier, l’auteure spécialisée en vin du réputé magazine américain Bon Appétit, Marissa A. Ross, a elle aussi mené une campagne de sensibilisation à cette effet. « Le terme ‘vin orange’ vous limite en tant que buveur de vin. Il vous emprisonne dans une couleur, et comme les vins de macération pelliculaire peuvent être élaborés avec n’importe quel raisin de vin blanc et utiliser n’importe quelle technique de vinification, les vins à teinte orangée peuvent grandement varier », écrivait-elle en mars, l’an dernier.

Ryan Gray, copropriétaire et sommelier des restaurants Nora Gray et Elena, promeut les vins de macération depuis longtemps. « On essaie de délaisser le terme ‘orange’. Ça prête à confusion et c’est quelque peu dénigrant pour ces vins, me dit-il. On préfère utiliser le terme de ‘macerato’, sur nos menus. Je crois que c’est plus précis et digne, surtout que ce ne sont pas tous les vins de macération qui sont orangés. »

La situation est la même pour Jon Cercone, copropriétaire de la Taverne sur le Square, dans Westmount. « Ça induit les gens en erreur. Certains peuvent même croire que c’est un vin fait à partir d’oranges. Je préfère donc le terme ‘vin de macération pelliculaire’, explique-t-il. C’est un terme bizarre, qui n’a pas vraiment de sens, vu que les ‘vins orange’ peuvent être jaunes. »

La sommelière Emily Campeau, de son côté, n’est pas tout à fait opposée au terme. « Je crois que ça remplit un besoin fondamental pour tous, clients et professionnels du vin, d’avoir un descriptif pour catégoriser quelque chose de nouveau. On se sent en sécurité lorsqu’on peut identifier une catégorie, un style », me répond-elle par mail alors qu’elle fait une petite tournée des vignobles, surtout dans des régions où les vins de macération sont répandus. « Les gens se rappellent qu’ils ont aimé (ou pas) un vin de la catégorie ‘orange’. Par la couleur, la description, la singularité. Et ça, ça réconforte. Peu importe le niveau de connaissances. »

Le terme « vin orange » a été inventé pour décrire ce qui semblait être une nouveauté à l’époque. Aujourd’hui, on sait que la macération est une tradition plurimillénaire et une technique qui permet d’élaborer certains des vins les plus fins et intéressants qui se font en ce moment.

Il est vrai qu’après tout, on utilise déjà des termes de couleur pour faire référence aux autres vins, qu’ils soient rouges ou blancs, mais on fait plus souvent allusion ici à la couleur du raisin. Quant au rosé, on garde l’expression probablement parce que peu importe le résultat de l’élaboration du vin, il aura inévitablement une teinte rosée, qu’elle soit rose néon ou qu’elle tire plutôt sur le gris. Mais avec les vins de macération, l’éventail de couleurs possibles est un peu plus grand.

« La définition d’un produit crée des idées et des attentes qui peuvent parfois tomber dans la facilité, ajoute Emily Campeau. Le nom ‘vin orange’ stipule un adjectif de couleur. Or comme dans les autres catégories de vin, tout est dans la grande nuance de la palette. Les raisins ne sont pas égaux dans l’échange de couleur (et de structure) qui se fera au niveau de la vinification, et tous les vins ne sont donc pas orange fluo, ce qui déçoit parfois certains clients. Cela dit, n’importe quelle tendance qui peut pousser les gens à boire plus et mieux, et à développer un intérêt pour le vin est bienvenu. »

C’est sûr que « vin de macération pelliculaire », c’est un peu long à dire à chaque fois. Mais on peut se contenter d’un simple « vin de macération ». D’autres termes existent, comme macerato et ramato en italien, ou encore « skin contact » en anglais. Peu importe le terme que l’on choisit d’utiliser, il faudrait idéalement essayer d’éviter quelque chose qui renvoie à la couleur, car ça devient limitant pour les vins et les consommateurs.

Le terme « vin orange » a été inventé pour décrire ce qui semblait être une nouveauté à l’époque. Aujourd’hui, on sait que la macération est une tradition plurimillénaire et une technique qui permet d’élaborer certains des vins les plus fins et intéressants qui se font en ce moment. Donnons-leur donc la chance d’être défini par autre chose que simplement la couleur de certains d’entre eux.

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