J’ai testé une infusion à 500 balles pour « rebooter » mon cerveau

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J’ai testé une infusion à 500 balles pour « rebooter » mon cerveau

Ce traitement miracle est censé accroître la concentration, augmenter le métabolisme et faciliter le sevrage de drogue. Comme je n'y croyais pas, j'ai essayé moi-même.

Il est plutôt normal d'être sceptique face aux « produits miracles », parce que tout le monde sait qu'ils n'ont absolument rien de miraculeux. Forcément, quand un de mes amis m'a dit qu'il avait découvert un traitement miracle lui permettant de surpasser tous ses collègues, je suis resté plutôt dubitatif. « Non, je te jure, je déborde d'énergie. J'ai l'impression d'être une nouvelle personne ! », m'a-t-il assuré. « Je n'ai même plus besoin de boire huit cafés par jour – il me faut juste une piqûre de rappel de temps en temps ! »

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Au début, j'ai suspecté mon pote d'avoir chopé du Modafinil , ou une de ces drogues qui font le bonheur des psychonautes. J'avais tort. Il m'a envoyé le lien du site d'une pharmacie située au nord de Kensington, qui proposait des « Brain Reboot Infusions » [des infusions destinées à rebooter le cerveau] par intraveineuse. En réalité, je doutais qu'un tel traitement puisse exister, si ce n'est dans Minority Report. Je lui ai accordé le bénéfice du doute et ai entamé des recherches sur le sujet.

L'ingrédient principal de ce cocktail en intraveineuse est le nicotinamide adénine dinucléotide, ou « NAD+ ». Découverte en 1906, cette coenzyme présente dans toutes les cellules vivantes est « essentiellement responsable de la transformation de l'énergie alimentaire en énergie cellulaire », selon le docteur Mark Collins, psychiatre consultant au Priory Hospital de Roehampton.

Au fil de mes recherches, j'ai appris que le NAD+ était très populaire au sein de la communauté « anti-vieillissement ». Une étude menée par la Harvard Medical School a montré que cette coenzyme avait fait « disparaître tous les signes de vieillissement chez mes souris ». Le NAD+ serait aussi très utile pour guérir une addiction à l'alcool ou à la drogue, accroître l'énergie et la concentration, augmenter le métabolisme et améliorer la santé cardiovasculaire.

Comme j'étais incapable de distinguer le vrai du tissu de conneries, j'ai pris un rendez-vous pour m'enfiler du NAD+ en intraveineuse. Cette semaine, j'avais beaucoup bu – et comme je l'avais lu sur Internet – le traitement pouvait aider à faire passer les manques.

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La pharmacie, nommée « Zen Healthcare » est spécialisée dans les traitements de riches : thérapies amincissantes sur mesure, vaccins pour personnes en passe de se rendre dans un pays exotique, « vampire lift » – et bien sûr, le fameux « Brain Reboot Infusion » qui coûte environ 560 euros (au nom de la transparence journalistique, je tiens à préciser que je l'ai eue gratuitement).

Je suis arrivé un peu en avance, mais un certain docteur Yassine tenait d'abord à m'expliquer les possibles effets secondaires du traitement.

« Vous ressentirez une forte contraction dans votre poitrine et vous aurez peut-être mal à la tête, mais ça ne sera que passager »

J'ai signé quelques décharges et on m'a conduit dans une pièce où le docteur Yassine a pris ma tension, laquelle était – et vous serez ravi de l'apprendre – tout à fait normale.

« Vous n'avez pas de problème avec les aiguilles ? », m'a-t-il demandé.

« Non, aucun. »

Le docteur Yassine a mis en place une perfusion, et quelques secondes plus tard, le « Brain Reboot Cocktail » coulait déjà dans mes veines. Comme prévu, j'ai senti une forte contraction dans ma poitrine. Trente minutes plus tard, j'ai commencé à me demander pourquoi je m'infligeais ça – j'avais mal à la tête, la douleur était devenue presque alarmante et j'étais pleinement conscient qu'un liquide mystérieux était en train d'envahir ma circulation sanguine.

Quinze minutes plus tard, j'ai senti une enveloppe de positivité nimber mon corps. Le docteur est venu me voir et m'a annoncé qu'il restait encore dix minutes de traitement. Alors qu'il enlevait ma perfusion, il m'a demandé comment je me sentais.

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« Un peu dans les vapes », ai-je répondu.

« Beaucoup de gens ressentent la même chose, faites attention en rentrant chez vous. »

J'ai remercié le docteur avant de prendre le chemin du retour. Alors que je marchais tranquillement, je me suis senti plein d'énergie. Mon humeur s'est considérablement améliorée. Je me sentais bien, positif et gonflé à bloc. Sur le coup, j'ai pensé « C'est génial » avant de le répéter à haute voix. J'ai sauté dans le métro, qui était toujours aussi bondé – mais cette fois-ci, je n'ai prêté aucune attention à l'immonde odeur de transpiration qui parcourait mes narines. Je me suis levé à 7 heures le lendemain et pour la première fois de ma vie, je ne me suis pas senti minable. En fait, je me sentais vraiment bien, énergique et apte à me concentrer. Ce sentiment m'a accompagné toute la journée et les huit jours qui ont suivi. Mais qu'en était-il de ses effets secondaires et de mon amour démesuré de la bière ?

« Nous savons depuis des années que de fortes doses de vitamines B3 – le NAD+ des pauvres – ont un réel effet sur les alcooliques, aussi bien pour entamer la désintoxication elle-même que pour contrer l'angoisse du manque », m'a expliqué le docteur Mark Collins par mail.

Cette théorie semble toujours d'actualité. Pendant toute la durée où le traitement faisait encore effet, je n'ai pas eu – ne serait-ce qu'une fois – envie de goûter à la douce amertume d'une pinte fraîche.

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Cela dit, mes envies ne sont que des envies. Ce n'est pas comme si j'étais vraiment accro, j'aime simplement l'alcool. J'ai demandé au docteur Yassine de me parler des effets du NAD+ dans le cadre d'un sevrage, afin de comprendre en quoi ce traitement était susceptible d'aider une personne souffrant d'un manque.

« Le NAD+ joue un rôle important dans la réduction des effets de la privation, en rétablissant l'équilibre des neurotransmetteurs qui change brutalement après l'arrêt d'une drogue », m'a-t-il expliqué. « Le patient ne ressent plus aucun manque, même lorsque le cycle d'injection est fini ».

On pourrait douter de la sincérité du docteur Yassine, sachant qu'il travaille dans un lieu qui commercialise ce produit. Toujours est-il que le docteur Collins, spécialiste des addictions, s'est lui aussi montré favorable au traitement – en émettant toutefois une petite réserve : « Jusqu'à aujourd'hui, j'ai pu constater ses effets sur de nombreux patients et je dois dire que je suis plutôt impressionné par ses effets à court terme. Il faudra quand même attendre les résultats des prochaines recherches pour s'assurer des effets sur le long terme. »

Le docteur Yassine m'a mis en relation avec quelques-uns de ses patients, sous couvert d'anonymat, afin que je puisse les interroger sur les effets du traitement.

« Je prenais beaucoup de codéine ces derniers mois », m'a expliqué l'un d'entre eux. « Tout a commencé par un mal de dos, et je ne me suis pas rendu compte que je devenais complètement accro. Alors j'ai essayé d'arrêter, mais c'était pire que tout. L'arrêt de la codéine a été plus facile avec les injections de NAD+ : je ne ressentais pas les symptômes de faiblesse que je pouvais avoir avant. »

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Ian*, ancien accro au crack et à l'héroïne, a constaté des effets similaires. « Je mentirai si je disais que l'envie de me défoncer avait totalement disparu, mais je peux dire que je ne ressens plus ce "besoin urgent" commun à tous les camés », a-t-il déclaré. « J'ai aussi rencontré un thérapeute pour lui parler de ça et comprendre pourquoi je me comportais ainsi, mais en ce moment je sens que j'ai le contrôle sur ma vie - un sentiment que je n'avais pas éprouvé depuis longtemps. J'ai encore des traitements en cours et j'aurai toujours besoin de thérapies, mais je suis content d'avoir pris la décision de confier mes problèmes à un spécialiste. Les choses auraient pu vraiment mal tourner. »

Ian soulève un point important : la thérapie par le NAD+ – bien qu'elle puisse être très utile, d'après les personnes interrogées, n'est pas une panacée. Elle peut certes réduire le sentiment de manque chez certains patients, mais elle ne peut être utilisée seule, sans thérapie complémentaire ou toute autre forme de traitement.

En ce qui me concerne, j'ai constaté les effets escomptés, et les signes sont prometteurs pour pallier le manque des alcooliques et des toxicomanes en désintoxication. Pour ce qui est des propriétés anti-vieillissement, sur votre métabolisme ou votre santé cardiovasculaire, les résultats n'en sont qu'à leurs balbutiements. Comme l'affirme le docteur Collins, il faudra encore attendre les résultats des recherches pour en confirmer les effets.

*Le nom a été changé

@jonnybdeviant