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LE NUMÉRO PÉNITENCE ET REPENTANCE

Glenn Danzig

La plupart des artistes reconnus doivent creuser un fossé entre leur image publique et leur vie privée, mais Glenn Danzig, lui, doit jongler entre deux versions distinctes de son image publique. Il n’y a qu’à voir l̵...

La plupart des artistes reconnus doivent creuser un fossé entre leur image publique et leur vie privée, mais Glenn Danzig, lui, doit jongler entre deux versions distinctes de son image publique. Il n’y a qu’à voir l’ambivalence entre le nunuche du clip de « Mother » et la puissance de la chanson elle-même. Le Glenn ­occulte est ridicule aux yeux du public quand le Glenn songwriter est porté aux nues, un peu comme un acteur qui recevrait simultanément un Razzie Award et un Oscar. Quand j’ai parlé de cette interview à un ami, il m’a répondu un truc comme : « J’arrive pas à me représenter Danzig en tant que personne à qui on peut effectivement poser des questions. »

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Je m’étais imaginé toutes sortes de scénarios possibles avec Danzig l’occulte, parce que j’avais pris rendez-vous avec lui pour une interview et non pas pour un concert privé. Il n’y avait pas de quoi. Glenn est venu me chercher devant son bureau de Los Angeles avec un hochement de tête amical et une poignée de main. Aucun subalterne de type

Metalocalypse

à capuche pour surveiller les alentours. Sa voix était un peu plus enfumée que ce à quoi je m’attendais, toujours marquée de son vieil accent du New Jersey, un peu comme un James Gandolfini hors antenne. Il m’a emmené chez lui, dans son repaire intime faiblement éclairé, a éteint la télé branchée sur Fox News, et m’a suggéré de prendre une chaise. Ce n’est qu’à ce moment-là que je me suis rendu compte que j’étais dans une pièce obscure avec Glenn Danzig.

Vice : Merci de répondre à cette interview en personne. Je n’ai pas très envie de faire le malin.

Glenn Danzig :

Ouais, ma journée est niquée, mais je suis venu tôt pour pouvoir m’arranger.

Je me suis toujours demandé comment fonctionnait un groupe comme Danzig. Tu es à la fois la figure de proue, le leader, le nom du groupe et celui qui écrit les chansons.

Tout a commencé après Samhain, lorsque j’ai rencontré Rick [

Rubin

], à l’époque où nous courtisions toutes les maisons de disques. Changer le nom en Danzig était son idée. Il m’a dit : « Je voulais faire quelque chose comme ça après les Misfits. Je trouvais que ça sonnait trop comme Billy Idol ou ce genre de mecs. » Comme Samhain venait de spliter et s’était transformé en Danzig tout court, les gens savaient à quoi s’attendre de ma part, de Danzig. L’idée d’origine était d’avoir un nouveau lineup à chaque nouvel album.

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Et qu’est-ce qui a changé ça ?

On s’est mis à partir en tournée ensemble. Mais ça aurait dû être fait bien plus tôt.

Tu sembles n’avoir jamais considéré qu’une alchimie puisse se dégager d’une longue collaboration avec les mêmes partenaires. En gros, ils savent toujours qu’ils n’en ont que pour quelque temps.

Non, il s’agit juste de travailler avec de nouvelles personnes. Tu te dois de toujours expérimenter de nouveaux trucs et de faire plein de choses différentes. Je préfère largement cette liberté-là. Tu te dis, genre, « tiens, peut-être que je peux travailler avec ce mec ». J’aime toujours autant ce truc de punk rebelle qui consiste à tout changer, tout le temps. Quand un truc t’ennuie, change-le.

Cette idée m’intéresse, parce que c’est comme si elle faisait de toi un employeur. Comment se passent les répétitions si tu es une sorte de boss du groupe ?

Je n’aime pas me considérer comme tel.

Je ne dis pas que tu es le boss, comme si tu avais une affiche des droits des employés encadrée sur le mur de la salle de répétition, mais…

Chaque jour, tu te dois de faire attention à ton business. Mais il faut quand même faire en sorte que tout le monde s’amuse. Si tu ne t’amuses pas, prends la porte. Si un mec vient ici en étant larmoyant – salut, à plus. Je n’ai pas le temps pour ces trucs de merde. Il n’y a plus beaucoup d’argent dans l’industrie du disque aujourd’hui. Je le fais parce que j’aime ça. Je pourrais gagner bien plus d’argent en faisant autre chose. Est-ce que je vais continuer à partir en tournée pour toujours ? Je ne crois pas. Mais je prends du plaisir à faire ce que je fais, et si quelqu’un essaie de mettre un frein à tout ça, je n’ai certainement pas besoin de lui. Tu ne dois faire de la musique que si tu aimes vraiment ça. Et si tu pars en tournée, tu dois aimer faire des concerts. Et si tu n’aimes pas ça, eh bien, tu ne devrais pas être en tournée, parce que des gens ont payé pour venir te voir jouer et ils n’ont pas envie de te voir tirer la gueule. Faire ça, c’est de la merde.

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Alors, comment se passent les répétitions, si tu es le songwriter en chef ?

Je suis le seul songwriter.

Et tu arrives avec des partitions préécrites ? Genre, « hey, Tommy, voilà la nouvelle partition » ?

Je pense que tu devrais poser cette question à Bowie ou un mec du genre.

Ouais, mais je ne rencontrerai jamais Bowie de ma vie. Et tu es là.

Tu n’as jamais pu poser cette question auparavant ?

Je n’ai jamais parlé à quiconque ayant eu une carrière aussi longue.

Ah, OK. Eh bien, en gros, j’écris les chansons, je les apporte, je montre les partitions à tout le monde, et puis on les joue jusqu’à ce qu’elles sonnent bien.

Alors, dès qu’un de tes musiciens dit : « Je pense que j’ai trouvé le moyen qu’elle sonne mieux encore », c’est considéré comme une ­insubordination vis-à-vis de toi ?

Si c’est juste une autre manière de jouer le riff ou la paterne, non. Mais si t’essaies de changer la composition de la chanson, alors là non, ça ne va pas le faire.

Pour la plupart des musiciens, c’est un concept qui leur est étranger. Tous les groupes que j’ai connus opèrent à un niveau bien plus bas, et essaient d’allier leurs visions communes dans des salles de répète crades. Comment tu fais pour écrire des chansons ?

Parfois, je chope une ligne de guitare, une autre fois je compose au piano, ou alors j’écris les paroles en premier et je rajoute des paternes de cordes par-dessus, ou d’autres fois encore, j’écris les paternes de batterie au tout début. C’est différent à chaque fois.

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Tout reste dans ta tête, ou est-ce que tu enregistres sur cassette avant ?

Quand j’ai commencé à travailler avec Rick, il ne m’a pas fait acheter un, mais deux enregistreurs à microcassette, parce qu’à l’époque, j’allais répéter et il m’arrivait d’être là, genre « mec, j’ai fait un morceau génial en venant ici ». J’ai écrit un paquet de bonnes chansons en caisse, en gueulant des gros « va te faire foutre ! » aux mauvais automobilistes, mais j’oubliais les morceaux en arrivant aux répétitions. Rick était genre : « Tu dois te trouver un microcassette, ce truc aurait pu être un hit ! »

J’aurais pensé que la première fois où ça t’est arrivé, tu te serais ­frappé la tête contre le tableau de bord.

Je n’aime pas me stresser pour ce genre de trucs. Mais à présent, à moins que je sois chez moi et que je puisse prendre ma guitare pour jouer l’air qui me vient, eh bien, ouais, je le fredonne dans mon microcassette, et je le transpose quand je rentre chez moi pour le rejouer à la guitare ou au piano.

J’ai lu que tu souhaitais ralentir sur les tournées, parce que tu ne voulais pas perdre de temps à ne rien faire sur la route.

Après la tournée de 2005, Blackest of the Black, j’ai arrêté de tourner. Puis je me suis dit : « OK, je ferai seulement des concerts locaux, pour ne pas avoir à poser mon cul dans un bus pendant trois jours d’affilée entre les concerts, à ne rien faire. » Je suis accro au boulot, je veux toujours faire des trucs. Quand tu es dans un bus, tu ne peux rien faire du tout. Tu n’es pas chez toi, tu n’as pas tout ton bordel pour faire tes trucs.

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Mais t’en as eu finalement assez de ne plus tourner.

J’adore jouer live, c’est pourquoi j’ai d’abord recommencé par de petits concerts locaux. Puis on a organisé une tournée sur la Côte Ouest durant laquelle j’essayais de rentrer chez moi en avion tous les deux, trois concerts. Puis j’ai essayé d’aller sur la Côte Est faire quatre concerts, rentrer chez moi en avion, puis continuer sur la Côte Ouest pendant deux semaines et demie en rentrant chez moi tous les deux ou trois jours. Ça a bien marché, donc en 2008, on a fait une tournée où je rentrais chez moi au bout de quelques jours. Ça ne m’a pas dérangé, c’est pourquoi on va essayer de faire une tournée ­entière comme ça. Je vais réessayer cette histoire de retour en avion.

Ça veut dire que pendant des années, tu n’as pas fait ça – tu as dû partir en tournée comme tout le monde et en subir les aléas. J’ai connu tellement de musiciens qui se sont laissé avoir par le temps libre des tournées et ont laissé tomber leur rythme de vie habituel. Genre, ils s’endormaient en deux secondes, ne faisaient plus de sport, ne lisaient plus…

J’essaie de faire du sport, mais les hôtels ne disposent plus de salles de gym de nos jours. J’essaie toujours de me trouver une salle de gym quelque part, sans trop de têtes de cons à l’intérieur. Je ne peux pas les blairer. C’est dur. Alors je lis beaucoup, et ça m’aide.

Et tu arrives à lire en tournée ? Je veux dire, tu arrives à te concentrer même avec le bruit que font les autres ?

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J’ai mon propre territoire à l’arrière du bus, comme ça les gens ­restent loin de moi. [

rires

] Je lis en permanence et quand je ne suis pas en train de lire, je suis dans une librairie. Quand, dans la journée, tous les autres sont en train de faire les cons, je suis chez le libraire.

Mais tu as dû connaître des périodes où tu devais rester chez les gens qui vous hébergeaient, au tout début. Dans les années 1980, vous n’aviez ni hôtel ni bus.

On dormait dans le van quelquefois.

Tout le monde ?

Ouais.

Mec, j’ai déjà essayé ça. C’est un putain de casse-tête.

Dans Samhain, c’est moi qui avait entièrement tapissé le bus, mais j’avais aussi construit un truc de façon à ce que les amplis ne te ­fassent pas mal quand tu dormais près d’eux, et ça servait aussi de couchette. J’avais installé des portes au-dessus, ce qui fait que, lorsque tu les ouvrais, tu avais accès aux amplis ou tu pouvais ­monter dans la couchette du dessus. Elle pouvait accueillir deux personnes. Tout était entièrement en peluche. Tu pouvais faire rentrer quatre personnes en dessous, et encore trois personnes à l’avant.

Vivable, mais pas classe.

C’était confortable. C’était bien mieux que le bus des Misfits, je peux te dire. À l’époque, t’avais encore la cabine du conducteur reliée au reste du camion, du coup tu pouvais changer de conducteur sans faire une pause pour t’arrêter. J’étais là genre, « allez, on change ! », et je me levais du siège en tenant le volant jusqu’à ce qu’un autre saute à l’intérieur et me remplace. Ça, c’est une vraie putain de tournée.

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Je me suis toujours dit que Mother ‘93 était un tournant dans la ­carrière de Danzig : c’est à partir de là que vous avez commencé à être vraiment reconnus. Je me trompe ?

MTV ne voulait pas passer le clip de « Mother », mais le morceau était joué cinq fois par heure dans tous les Music Box des États-Unis. L’original a été banni quand il est sorti. Les mecs de MTV ont demandé à Rick une version censurée. Il a cru leur envoyer la version censurée, mais il s’est trompé et a envoyé la non censurée. Ils l’ont passée, et tous les religieux – qu’ils aillent se faire enculer, d’ailleurs – se sont mis à flipper, puis MTV nous a pratiquement bannis à jamais.

Je suis dans le vrai si je dis que partout où tu vas, tu es harcelé par un certain nombre de traqueurs de stars ?

Ouais. Je dois signer des autographes partout où je vais.

Rien à voir, mais je me suis toujours posé une question : as-tu déjà entendu parler du syndrome de Jérusalem, ce truc qui arrive aux gens qui vont en Terre sainte, dévissent, et s’auto-convainquent qu’ils sont Saint Jean ou Jésus ?

Je n’ai jamais entendu parler de ça.

C’est un phénomène psychique reconnu.

Jamais entendu parler.

Ça doit pas être si connu que ça alors. Je ne l’ai pas inventé, en tout cas.

Très bien. Parce que je lis beaucoup, tu sais.

Je parle de ça parce que je me demandais s’il existait aussi un syndrome de Danzig. Est-ce que tu as un truc en toi qui rend les gens mabouls ?

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Je ne sais pas, il faudrait leur demander.

En réalité, je me demandais si des weirdos étaient déjà devenus mabouls par ta faute. Est-ce que quelqu’un est venu te voir un jour, et s’est mis à dire ou faire des trucs chelou ?

Je ne sais pas. Je crois qu’habituellement, les gens sont juste genre « woah ! » et sont vraiment contents de me croiser. Ils sont plus : « Oh, je pourrais avoir un autographe ou te prendre en photo avec moi ? » La plupart de mes fans sont plutôt cool.

Je parle d’une toute petite fraction de tes fans. Quelqu’un qui serait venu te voir en disant : « Mec, j’ai sacrifié mon chien au nom de Kramdar. Voilà ce qu’il reste du corps, Seigneur Danzig. »

Non.

Je me souviens d’un discours de John Carpenter en 2002. Il avait 54 ans à l’époque, mais il en paraissait dix de plus, et il parlait de ses niveaux d’énergie et de fatigue. Vous avez à peu près le même âge, n’est-ce pas ?

À ton avis ?

Eh bien, on dirait plus que tu as mon âge, et ça me fait plutôt flipper. Tu n’as jamais eu de problème avec tes niveaux d’énergie ?

Non.

Et quel est ton secret ?

Je ne sais pas. Je ne mange pas de la merde. Je ne me drogue pas. Je ne sais pas trop quoi te dire d’autre.

J’ai 40 ans. Je ne prends aucun truc. Je mange de la salade à midi. Et quand je me réveille, j’ai l’impression de voir un gros tas de cendres.

La salade, c’est horrible si tu rajoutes de la crème dégueulasse par-dessus.

Ouais, mais c’est de la crème dégueulasse allégée !

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Il n’y a rien de pire.

Donc, tu n’as rien à conseiller à ceux qui, comme moi, se transforment peu à peu en grosses piles de graisse gluante ? Ça arrive vite, tu sais.

Euh, tu fais un peu d’exercice ?

Pas tous les jours.

Tu n’es pas obligé d’en faire tous les jours. Il est très important de suivre un régime et de prendre des vitamines, aussi. Peut-être que tu devrais aller consulter un nutritionniste et voir ce dont ton corps manque, et ce dont il ne manque pas. Et je ne te parle pas d’un de ces charlatans, bouchers ou tueurs potentiels. Je parle d’un vrai nutritionniste, qui examinera ton sang et qui te dira en quoi tu es déficient.

Ce sont des choses à savoir, mais j’étais déjà au courant. Tu n’aurais pas un ou deux trucs qui pourraient…

Si ça peut t’aider, je ne vais pas voir les médecins modernes.

Pourquoi ?

Ils disent de la merde.

Tu veux dire, toute la médecine occidentale moderne ?

À peu près. Si tu avais un cancer, tu ferais de la chimio ? Tu mourrais en une semaine.

Une semaine !

On parie ? [

rires

]

Pourquoi tu voudrais parier avec moi ? Ça m’intéresse.

Je ne voudrais même pas parier avec toi, parce qu’au bout d’une semaine, même si tu étais encore en vie, tu n’en aurais plus pour très longtemps ! Les radiations de la chimiothérapie tuent les gens, ce n’est pas la solution pour guérir le cancer. Tu dois faire en sorte que ton corps soit plus fort. Ton corps a des défenses naturelles qui luttent contre les maladies. Le cancer, ce sont juste des cellules qui détériorent ton corps plus rapidement qu’il n’a le temps de s’auto-soigner. C’est pourquoi tu dois trouver quelque chose qui contrebalance ce processus. Les médecins sont trop occupés à toucher des pots-de-vin sur leurs ordonnances et à te faire payer des mille et des cents en chimio.

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J’étais plutôt à la recherche d’un truc qui m’empêcherait de ressembler à Elmer Fudd chaque fois que je me regarde dans le miroir. Mais tu ne veux pas lâcher le morceau, et je respecte cette attitude.

Eh bien, tu dois faire de l’exercice. Tu fais de l’exercice ? Tu as déjà répondu non. [

rires

]

J’ai dit non, mais en italique. Il y a une salle de sport près de chez moi. J’y vais une fois par semaine. [rires sans conviction] Ah, un autre truc : j’ai entendu ce matin une rumeur (fausse) sur le mec de Twilight, qui devrait jouer Kurt Cobain dans un futur biopic. Je pense qu’un jour, quelqu’un devra te jouer dans un film, qui pourrait soit retracer ton parcours, soit s’attarder sur les trucs périphériques à ton parcours.

Je n’y ai jamais pensé de ma vie. [

rires

]

C’est inévitable. Qui te jouerait ?

Ça n’arrivera jamais.

On rouvre les paris. Je peux me faire de l’argent ce coup-ci.

Premièrement, ça ne se fera jamais. Et je ne pourrais même pas te dire qui j’aimerais voir dans mon rôle, parce que le temps que le film soit tourné, celui que je choisirais maintenant serait déjà trop vieux. [

rires

] Et surtout, Hollywood ne prend jamais les bonnes personnes pour jouer ces rôles-là.

C’est à peu près là où je voulais en venir.

Avec un peu de chance je serai mort, et je n’aurai pas à le savoir.

Le nouvel album de Danzig,

Deth Red Sabbath

, sortira le 22 Juin chez Evilive/The End Records.