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LE NUMÉRO EMBARGO

Reviews

Cet album de pop shoegazy semi-­synthétique pour mutins fragiles est génial, mais depuis l’effet The Pains of Being Pure at Heart – à savoir, le problème de l’album qu’on aime deux

WILD NOTHING

DRAKE

JULIAN LYNCH

DJ HELL

GUILTY SIMPSON

OJ Simpson

Stones Throw/Pias

Je n’attendais rien de ce disque et c’est la raison pour laquelle je suis agréablement surpris, de la même façon que je suis agréablement surpris quand ma mère fait les courses à ma place ou que l’on m’envoie un virement pour des articles nuls que j’ai écrits dans d’autres magazines six mois auparavant. Madlib produit intégralement l’album, ce qui explique les bruits de vinyles qui crépitent et le fait qu’environ un morceau sur deux soit un interlude. Quant au Guilty Simpson en question, il a quelques bonnes phases et me fait penser à un mec, vraiment, mais impossible de mettre un nom dessus. Planet Asia ? Freddie Foxx ? Je ne sais pas et j’ai autre chose à foutre que de devoir faire mon métier de toute façon.

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BARTHES SIMPSON

J’ai du mal à croire que ce que l’on appelait communément le « grime » au début de la décennie qui s’achève puisse continuer de vivre sans que plus personne ne s’y intéresse. Je respecte ces mecs parce qu’ils continuent à sortir des disques solides depuis leur cave avec 200 euros de hustle comme investissement, juste pour leurs potes et trois fraggles blancs qui leur achètent de la weed. Là ça sort sur Big Dada, mais c’est la partie émergée d’une économie parallèle qui prend sa source à East London et s’arrête deux kilomètres plus loin. Ces renois sont des putains de Gaulois dans un monde de Romains.

Yanahmean

?

KELLY SLAUGHTER

DRAKE

Thank Me Later

Cash Money/Universal

Aucun intérêt, à part si vous aimez les glaces à l’eau, les huîtres, boire à la paille ou vous masturber en pensant à votre petite copine, autrement dit, si vous affichez un ­certain penchant pour tout ce qui suce.

KELLY SLAUGHTER

PLIES

Goon Affiliated

Atlantic Records/Warner

Mais c’est incroyable de gueuler comme ça ! Ce serait possible de gueuler un peu plus s’il te plaît, Plies ? Ce mec a la voix qu’aurait eue Trick Daddy s’il avait été opéré des amygdales et des couilles en même temps par un médecin gay carriériste aux îles Maldives, lesquelles auraient été congelées puis greffées dans sa boîte crânienne à la place de son cerveau (le tube de cet album s’appelle « Bruh Bruh », au passage), puisqu’il semble ne pas se rendre compte que ses hurlements de thug musculeux ont tendance à dramatiquement fatiguer son public – pourtant composé en majorité de gens peu regardants sur la finesse. Je suis sûr que ce mec gueule quand il se réveille, quand il s’allume une clope ou quand il se rend compte qu’il ressemble à Ja Rule. On ne peut jamais prévoir quand il va gueuler. Enfermez-moi cet illuminé !

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JIMMY MORE HELL

ALOE BLACC

Good Things

Stones Throw/Pias

C’est quoi cet album de merde ? On dirait du Boyz II Men en nul, ou de la musique pour prendre un bain de minuit avec Jeff Goldblum et Alyssa Milano. Dans les deux cas, je chie sur ce disque comme dans un pot.

JIMMY MORE HELL

DEVIN THE DUDE

Suite 420

Koch Records/Import

Voilà l’album que Aloe Blacc aurait rêvé de faire, s’il n’avait pas passé ces dix ­dernières années à tracer avec des backpackers et perdre ses cheveux. Le dude de Houston a tellement de métaphores sur la weed et les manières de la fumer que même quand il parle d’autre chose (au hasard, de sirop pour la toux ou de rates en bikini), je me sens obligé de chercher une quelconque corrélation avec le fait d’« effriter », de « rouler », de « bam­bouler » et encore tout un tas d’autres trucs fascinants que pratique cette communauté si lointaine, celle de la planète shithead. En revanche, au bout d’un certain temps passé dans ce monde semi-imaginaire, comme avec l’herbe, mon cerveau de petit blanc stressé tente de s’opposer à ce flux ininterrompu de délices indolents, se contrit, hurle, et survient alors l’inévitable, la crise d’angoisse.

JIMMY MORE HELL

Cette techno douce-amère ferait une bonne bande-son pour une satire froide de Fassbinder qui serait intitulée

L’Engrenage de la candeur

et qui évoquerait la misère du désir et l’aliénation culturelle dans la communauté homosexuelle d’une ville industrielle en déclin à travers le destin tragique d’un

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male model

androgyne et ambitieux, de son ascension dérisoire au sommet d’une élite factice à sa mort brutale au terme d’un implacable schéma de manipulation affective et de dégradation morale.

MARCO POLIO

V/A

Body Language Vol.9 mixed by DJ Hell

Get Physical/Pias

Qu’est-ce que tu veux que je dise contre une compile mixée par ce bon vieux DJ Hell rassemblant Klaus Schultze, David Bowie et Carl Craig ? Que la pochette est insoutenable ? OK.

CHARLES MOREASS

ROBYN

Body Talk Pt. 1

Konichiwa/Universal

Cette fille est tellement incapable de ressentir des émotions que j’ai l’impression qu’elle a grandi dans un club.

FÉLIX ATARI

DIMLITE

Prismic tops

Now Again/Import

Hey mais c’est pas mal du tout. Ça partait mal : hip hop instrumental, pochette bio, dessins enfantins, pote avec Prefuse 73… Encore de la musique de mec « peace », me disais-je. Mais les morceaux abstract sont vraiment bien exécutés et comportent pas mal de changements de tonalité et autres bifurcations harmoniques (en plus des mélodies bancales) ; or c’est pas vraiment des caractéristiques du genre, qui ennuie systématiquement par son côté linéaire. Certes, il y a souvent un côté electronica soulful qui casse les couilles (

I see you, Gilles Peterson

!) mais les morceaux chantés sont vraiment agréables et doux à l’oreille, comme si une armée de lutins microscopiques vous grattaient les tympans avec des râteaux à branches souples reliés à des orgasmotrons, ou quelque chose du genre.

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ÉTIENNE ZAHO

Je crois avoir déjà chroniqué ce groupe et j’avais dit en substance que c’était à chier. Avouez que l’idée de mélanger pianos et batterie avec des machines et autres ordinateurs pour faire une « version concrète de la musique contemporaine » de type electro est un

non sequitur

. Vous pouvez vous moquer « des conventions et des antagonismes », mais pas de la logique. Je crois aussi me rappeler que j’avais trouvé que ça ressemblait à de la minimale, ce qui est pour moi la forme la plus haute d’insulte. D’ailleurs, le remix d’Auricle résonne comme un écho interminable d’un mec qui crie « ennui ! » (celui de Sutekh est cool en revanche). À défaut de minimale, les deux morceaux dancefloor originaux ressemblent à de la turbine et de la house pouet pouet sur lesquelles un chef d’orchestre « ouvert aux nouvelles tendances » (il pense que les jeunes s’intègrent par le biais du roller) viendrait apporter sa crédibilité institutionnelle.

ÉTIENNE ZAHO

CHATEAU MARMONT

Nibiru EP

Unsunned/Pias

Cet EP, qui s’appuie sur le théorème Chromatics, démontre la loi d’airain selon laquelle la combinaison disco lente et synthés analogiques demeure la formule la plus sûre et efficace pour éveiller progressivement l’intérêt des jolies filles intéressantes entre 21h30 et 23h00. Passé cette fenêtre pour conserver leur attention facilement distraite, le mieux est de leur parler de Samuel Beckett ou Jacques Dutronc, des rapports entre mode et histoire, ou mieux, d’elles.

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JULIEN CRACK

ACTIVE CHILD

Curtis Lane

Merok/Universal

On est obligés de chroniquer ça parce que c’est sponsorisé par Pitchfork. Eh ouais, c’est comme ça que ça marche le monde de la musique. Vous croyez qu’on produit des avis objectifs ? Vous croyez même qu’on y connait quelque chose en musique ? Vous voulez rire, je sais même pas ce qu’est une clarinette. En plus, on a reçu une lettre écrite avec des caractères découpés dans les journaux suivie de plusieurs appels anonymes avec une voix bizarre dont on sait pas bien si elle provient d’un robot ou d’un monstre, tout ça pour qu’on en parle en bien. Ça disait, en substance : « On vous a déjà emmerdés avec Joanna Newsom et sa harpe, ben là on vous refourgue un type avec une harpe aussi, mais qui fait de l’electro-pop éthérée pour chorale, car on veut se rapprocher un peu plus des jeunes cons et moins des trentenaires écolos. On avait bien pensé à un castrat qui fait de la fidget avec son flûtiau, mais il est déjà trop connu, connards. » Et puis ils menaçaient de raser la barbe de Berenholc pendant son sommeil. Résultat, ça tue !

CHARLES MOREASS

Je m’en fous, je m’en branle, je m’en tape, je m’en moque, je m’en bats les steaks, je m’en tamponne le coquillard, je m’en contrebalance, je m’en bats les malades mentaux, je m’en tapote, je m’en contrefiche, votez Le Pen, je m’en fous, je m’en branle, je m’en tape, je m’en moque, je m’en bats les steaks, je m’en tamponne le coquillard, je m’en contrebalance, je m’en bats les malades mentaux, je m’en tapote, je m’en contrefiche.

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JOHNSTON ET JOHNSTON

YOU SAY PARTY! WE SAY DIE!

Xxxx

Paperbag/Universal

La musique est plutôt OK dans le registre indie-rock poussif sous anxiolytiques mais la voix du mec, son ton gentiment démonstratif, ses inflexions matures et ses petits coups d’épaule bon enfant sont insupportables. Putain tu te prends pour qui, mon grand frère ? J’en ai déjà un, il m’a appris à faire du vélo, il m’a offert le maillot de Cantona à Manchester United et il me faisait conduire sa 205 sur un parking à 11 ans, qu’est-ce que tu veux faire ? Me faire écouter tes albums d’Of Montreal et m’emmener pique-niquer avec tes copines tromblons ? Casse-toi.

MARCO POLIO

You say « The Donnas » ? I say « Yeah Yeah Yeahs » !

LADY DE NANTES

Si ceux qui pensent gouverner maintiennent le droit à la retraite par répartition pour notre génération et si Celui qui gouverne véritablement me prête vie jusque-là je consacrerai sans doute la mienne à prendre des leçons de botanique de mon pote Arturo et à écouter Kurt Vile.

MARCO POLIO

TAME IMPALA

Innerspeake

Modular/Pias

On a tous plusieurs fois atteint les cimes irrespirables de l’embarras en croisant par hasard un jour de semaine, en sortant du boulot, un vieux pote un peu con mais sympa qu’on a délibérément perdu de vue depuis des années et qui va se saisir de cette mauvaise farce de la contingence pour tenter de renouer le contact en étirant les ressorts rouillés de notre culpabilité. Qu’est-ce qu’on est censé faire quand il nous raconte qu’il est vaguement en césure, là, et qu’il sait pas trop ce qu’il va faire l’année prochaine ? Comment on doit réagir lorsqu’il feint mécaniquement l’enthousiasme en nous racontant qu’il traîne pas mal dans les festi-festoches en ce moment parce qu’il a des plans pour suivre la tournée de MGMT et parce que désormais il est à fond dans le stoner rock et le « délire psyché » ? Et quand ce pote s’appelle Modular ? On fait quoi ? On met 5 et on essaie de ne plus y penser ?

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JULIEN CRACK

BEACH FOSSILS

Beach Fossils

Captured Tracks/Import

Les Beach Fossils sont le groupe le plus représentatif de toute cette frange émergente de hipsters débutants de type « la nouvelle vaguelette » qui pensent que faire des ourlets à leur pantalon les dispense de porter des chaussettes.

HUBERT MENSCH

WILD NOTHING

Gemini

Captured Tracks/Import

Cet album de pop shoegazy semi-­synthétique pour mutins fragiles est génial, mais depuis l’effet The Pains of Being Pure at Heart – à savoir, le problème de l’album qu’on aime deux semaines avant de se rendre compte qu’on ne le réécoutera jamais à cause de sa tendance à rassembler aussi bien joyeux drilles que joyeuses pipes, j’hésite à foutre une note maximale à ce genre de groupes. J’ai pas envie qu’une tornade de remords envahissent mon moi, mon je, me prennent en otage quand je suis en tête à tête avec mes choix et que seul le Très Haut me regarde avec son air de connard magnifique et me dise : « Tu vas pas la piner, Juju. »

JUJU

SHIT BROWNE

Every Single Penny Will Be Reinvested in the Party

Asphalt Duchess

Ça fait à peu près vingt ans que les mecs de Shit Browne travaillent un jour sur deux et se la collent deux soirs sur trois, qu’ils vont à tous les festivals où il pleut et qu’ils n’arrivent pas à savoir s’ils préfèrent les Happy Mondays ou Éric Cantona. Dit comme ça, on pourrait croire qu’il s’agit de ce qu’on appelle communément « des grosses ramasses », mais en fait pas du tout, c’est simplement les gens grâce auxquels il existe actuellement des lycéens nés en 1994 qui n’imaginent pas fêter l’été autrement qu’en écoutant les Stone Roses une grosse bière à la main.

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MICHEL ROCKHARD

« La grande affaire pour les générations précédentes fut le passage de l’absolu au relatif ; il s’agit aujourd’hui de passer des certitudes à la négation sans y perdre toute valeur morale. » Et qui peut actuellement se dire mieux armé pour nous proposer la première vision du monde qui ne soit pas fondée sur une morale révélée que cette fraction de la jeunesse apparue au tournant de l’année 2006 et qui n’a depuis cessé d’être à la ­pointe de tous les combats, « les branchés qui font du droit » ? Je pourrais continuer longtemps à faire des vannes sur tout ce à quoi renvoie cette pochette infernale mais je commence à avoir vraiment peur de finir par mettre un étendard sur un autre étendard.

HUBERT MENSCH

TEENAGE FANCLUB

Shadows

Merge/Pias UK

Teenage Fanclub est le meilleur groupe pour être bourré en vacances depuis Alcoholiday, le meilleur groupe pour sortir avec des p’tites meufs qui se la collent depuis Metal Baby, le meilleur groupe pour faire des blagues sur la psychanalyse depuis Neil Jung, et avec la sortie de leur nouvel album, la fin des cours et le début de la Coupe du monde, je me sens hyper paré pour affronter l’été 1994.

JEAN-PIERRE MARIOLE

JULIAN LYNCH

Droplet on a Hot Stone 7"

Underwater Peoples/

Import

Depuis sa chambre du New Jersey et son université du Wisconsin, Julian Lynch est en train d’inventer la nouvelle musique de la banlieue, en s’appuyant à la fois sur le fragment et sur les multiplicités pour charger d’affects des morceaux dans lesquels on a pourtant bien l’impression qu’il ne se passe rien. Je prends pour prétexte la sortie de ce 7" afin de signaler que son album

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Mare

­sortira cet été, et qu’il devrait encore une fois réussir à me rendre nostalgique de la période de ma vie où j’étais une toute petite puis­sance d’agir qui portait des shorts de foot et détestait la géométrie.

FÉLIX ATARI

HERE WE GO MAGIC

ZPigeons

Secretly Canadian/

Differ-ant

Résumé de l’album

: dans un camp aux tentes bariolées, des hommes de 30 ans habillés en scouts solaires font griller des marshmallows et tressent des scoubidous pour oublier durant quelques secondes la marche en avant continuelle de leur irrépressible ennemi, le Temps.

Ce qu’il aurait fallu pour que l’album soit bien (ou mieux)

: le Temps finit par vaincre le peuple des hommes-bébés et met le feu après une danse profane autour de la tombe en sucre de leur déesse protectrice la princesse Mononoké.

MICHEL ROCKHARD

THE DRUMS

The Drums

Moshi Moshi/Island

Deux saisons durant je demeurai frustré tant les réserves que j’opposais intuitivement au single de The Drums débordaient les mots par lesquels je tentais de les exprimer. Mais l’écoute de l’album au solstice d’été fut une épiphanie me rendant la plénitude du langage, et c’est dans une lumière damascène que je compris ce qui avait fait de moi un laissé-pour-compte aux portes de la signification : ces adolescents qu’on avait présentés comme les prophètes d’un nouveau Dieu marin dont la musique aurait été la rédemption du monde à tout moment réalisée n’étaient en fait rien de plus que d’énormes rates en quête d’un moyen de conserver à leur peau trop exposée au soleil une carnation opaline et un tissu délicat.

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COSMO CRÂNEUR

oOoOO

No Summr4U

Disaro/CD-R

Ça buzze sur Internet. L’hégémonie des blogs sur la diffusion, la communication et la critique musicale nous oblige à nous plier à leur politique secrète et à participer aux complots qu’ils ourdissent dans l’ombre des liens html en chroniquant ce CD-R. Derrière ce nom exagérément cryptique se cache un type de San Francisco connecté avec le bon label Disaro. Il fait une synthpop gothique ralentie sur laquelle viennent se poser des voix d’outre-tombe. Débrouillez-vous pour trouver ça, et vous pourrez écouter des sortes de remix de Lady Gaga et de Uffie (oui mais, c’est mieux que ça en a l’air) et même un morceau folk cadavérique pour finir.

FIFRELIN

SEAN MCCANN

The Music of Belief

Release the Bats/Import

Après une série de sorties sur cassette et CD-R, Sean McCann sort son tout premier LP. Il est pas super connu, même dans la galaxie dronisante, peut-être en raison de ses nombreux homonymes – quand on tape son nom sur Google –, mais je pense que cette sortie va remédier à ce problème. Ou bien, c’est peut-être parce que cet étudiant californien buveur de café incorpore des instruments organiques à ses paysages touffus et inondés de delay : sur ce disque on remarquera l’utilisation d’un saxophone, d’un violon et même d’une ­batterie ! Et elle est en 4/4 ! Conformiste, modérantiste, bourgeois !

CHARLES MOREASS