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Culture

On a interviewé le mec qui a réalisé le clip de Samy Naceri

Réclusion volontaire, loups et Gypsy Kings : une discussion avec le cerveau derrière « Une seconde chance ».
Image extraite du clip de Samy Naceri, « Une seconde chance ».

Le 16 mars 2016, tout s'est arrêté. Internet s'est fissuré, laissant enfin passer l'oxygène nécessaire à chacun des Français pour respirer et faire le bilan. Samy Naceri a balancé le clip de son single « Une seconde chance », comme une mandale à la gueule de ses adversaires, de la France, du monde et de l'univers dans son ensemble. Dans la vidéo, visionnée plus d'un million de fois depuis son lancement, on voit l'acteur Samy Naceri, héraut de la série des Taxi, slammer son ressentiment pendant trois minutes dans la forêt canadienne, en complet Gentleman Farmer, marchant l'air désabusé, coupant du bois, scrutant loups et cerfs en compagnie de son seul ami fidèle, son chien.

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Très vite et sans grande surprise, le clip a provoqué une shitstorm effroyable partout sur Internet. GQ l'a qualifié d' « incroyable », Le Figaro d' « ahurissant ». Contacté par la Nouvelle Édition, Naceri a répondu le jeudi 17 mars en ces termes : « Je ne me prends pas pour un chanteur », a-t-il rétorqué à l'ensemble de la cruelle buzzosphère, avant de reconnaître, plein de bon sens : « Je me suis inspiré de Jean Gabin, le premier à avoir fait du slam. »

La sortie de son album est prévue à la fin du mois, comme un prétexte à la rédemption. Finis les affaires judiciaires, les bastons, les virées en caisse sans permis, les bastons, les abus de toutes sortes, et les bastons. Samy Naceri est là pour rappeler qu'il est un acteur, un artiste, et qu'il se bat avec ses démons pour en finir avec son passé. Mais, qui est le chef d'orchestre de ce come-back sonore et avant tout visuel ?

L'homme à la caméra s'appelle Alain Williams. Il est également l'artisan derrière plusieurs clips de Francis Lalanne, la reprise de « La Madrague » par Loana ou le « I Will Survive » de Gloria Gaynor version Les Yeux dans les Bleus. À noter aussi la production d'un long-métrage sorti en 2011 et intitulé Un marocain à Paris en compagnie de Jean-Marie Bigard, La Fouine, et une fois de plus Francis Lalanne, cette fois-ci en intraitable mafieux.

J'ai appelé Alain pour revenir avec lui sur son métier de réalisateur, ses relations avec Samy Naceri, ses inspirations, la faune de la forêt et bien sûr, de la production du clip le plus tapé de l'année 2016.

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VICE : Bonjour Alain. Comment vous en êtes arrivé à travailler sur le clip d'« Une seconde chance » ?
Alain Williams : Tout commence par une rencontre. On m'a présenté Samy cet été dans ma maison dans le sud de la France. C'est la directrice de sa maison de disques Mediastore Music, Florence Rebrassier, qui nous a fait nous rencontrer. Très vite une amitié est née entre nous deux, et nous avons commencé à parler d'un premier clip. Plus exactement d'un film musical – car c'est pour moi un court-métrage avec une histoire, pas seulement un clip.

Comment s'est déroulée la production de ce court-métrage ?
L'écriture de la vidéo est une collaboration entre Samy et moi, mais en toute franchise, dès l'écoute des paroles du morceau, les images sont venues naturellement. La forêt, la solitude. L'envie de tout reconstruire sur de nouvelles bases. On n'a pas eu un budget énorme, mais grâce au label nous avons pu partir tourner au Canada, dans une réserve naturelle, près d'un lac. Samy était là pour les repérages, nous avons cherché les endroits ensemble. On a ainsi pu faire des images de l'hydravion, tourner les séquences avec la Jeep militaire. De retour en France, comme il nous manquait quelques plans, on a fait quelques retakes en Île-de-France, notamment pour la scène avec les Gypsy Kings.

Il fallait que le personnage de Samy soit un individu isolé, un ermite prêt à tuer n'importe quel animal pour se nourrir comme un trappeur.

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Comment s'est passé le tournage avec Samy Naceri, qui n'a pas la meilleure des réputations ?
Tout s'est passé incroyablement bien. J'étais avec mon équipe habituelle, qui travaille sur mes films. Nous avons tourné avec des caméras de cinéma, pour moi c'était important. Quant à Samy, il était au top, en pleine forme, et impliqué à fond. Nous avons aussi travaillé avec des dresseurs pour les animaux, le chien, le cerf et le loup. C'était magnifique.

Justement, la figure du chasseur est intéressante. Son personnage, le Samy nouveau, serait-il vraiment prêt à buter des loups ?
Samy a hésité avec l'image du chasseur – mais je l'ai convaincu. C'est du Gabin, du Belmondo, comme dans le film de Claude Lelouche, Itinéraire d'un enfant gâté, qui m'a inspiré pour le clip. Un homme qui se retire de tout pour se recentrer sur les choses essentielles. Mais il fallait que ce soit un individu isolé, un ermite prêt à tuer n'importe quel animal pour se nourrir comme un trappeur. Quelqu'un de reclus, mais qui prépare son retour. Et qui a appris de ses erreurs. Le loup que l'on aperçoit au loin est son ange-gardien ; c'est lui qui rappelle à Samy qu'il peut lui aussi être un loup pour l'homme. Quant au cerf, il le met en joue, mais préfère tout de même le laisser vivre. Chacun a droit à une seconde chance.

Il y a un plan hallucinant, lorsque le drone se fige au-dessus de Samy assis près du lac, et qu'un visage apparaît en incrustation.
Oui c'est le visage de la mère de Samy, elle est très importante aussi. Elle apparaît sur l'eau, comme un miroir, afin de lui redonner du courage. Dans la scène d'après, Samy trouve un coffre qui contient le médaillon de sa maman, une étoile en or qu'il enfile autour du cou. Cet objet, tout comme sa famille, a une place très importante dans cette chanson.

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C'est plus clair en effet. Mais de fait, pourquoi l'arrivée des Gypsy Kings à la fin ?
Samy les a rencontrés cet été lors d'une soirée. Le courant est très bien passé entre eux. Nous avons chanté et dansé tous ensemble sur leurs tubes. Ils représentent la convivialité, la chaleur, l'amitié. Il était important que Ricardo et les Gypsys apparaissent à la fin du clip.

Pourquoi cette rupture à un moment, avec des images tirées du film Taxi ?
C'est un flash-back qui permet de mieux rebondir vers l'avant. Si l'on écoute bien l'extrait, il dit : « Allez, fini de jouer, tenez-vous ! » Ça résume l'état d'esprit dans lequel se trouve Samy : il a appris de ses erreurs, comme n'importe quelle star. Regardez Mickey Rourke ; tous les artistes ont fait des conneries. Il ne faut pas oublier que Samy Naceri c'est une quarantaine de films et notamment un prix d'interprétation à Cannes. Les gens ont tendance à ne retenir de lui que les frasques judiciaires.

Vous vous attendiez à autant de succès ?
Plus d'un million de vues en 48 heures, c'est tout de même énorme. Il y a bien évidemment quelques personnes qui n'aiment pas. Mais s'ils sont 2 000 en tout, ce n'est pas bien grave. C'est le jeu sur les réseaux sociaux. Mais je sais que quelques festivals nous ont déjà contactés, afin que nous puissions venir présenter le clip – cela prouve que cette œuvre possède certaines qualités.

Vu le succès de votre première collaboration avec Samy Naceri, d'autres projets sont-ils prévus avec lui ?
On va savourer le succès pendant quelque temps, puis on va passer à la suite. J'ai écrit un rôle pour lui. Ce sera pour mon prochain long-métrage, que je prévois de réaliser très prochainement. Sinon en exclu, je peux vous annoncer qu'un autre clip est prévu avec les Gypsy Kings, sur une chanson magnifique.

Merci beaucoup Alain.

Arthur est sur Twitter.