Cet article fait partie de la série 'COMMENT DEVENIR ADULTE' présentée par So Actif. Rendez-vous sur le site.
Pour pas mal de gens, le colocataire est la créature parfaite avec laquelle cuver le dimanche en se repassant de vieux épisodes de The Wire. L'être qui connaît toutes tes histoires de cœur, appelle ta mère par son prénom et sait ce que tu penses de dos à l'autre bout de la pièce, mais qui ne te demande jamais, jamais à quelle heure tu rentres. À d'autres moins chanceux, pourtant, la colocation évoque des images bien différentes, comme un évier problématique, des poils dans la baignoire, ou Guy Georges. Ces gens, on les a rencontrés. Ils nous ont permis de dresser la liste des Sept (oui, sept) Commandements de la colocation.
Alice, 33 ans – « Savoir repérer les sociopathes »
Ce charmant Berlinois se vendait bien sur les réseaux sociaux. Mais la façon dont il me parlait de son ancien coloc, un étudiant italien « bordélique, qui se levait à pas d'heure », aurait dû me mettre la puce à l'oreille quant à sa capacité à vivre avec l'autre. Le deuxième jour, après m'avoir croisée dix minutes dans la cuisine, il m'a dit : « Pourquoi tu ne sors pas te faire des amis ? » Ensuite il s'est mis à traquer tout ce que je faisais, à épier mes heures de réveil, à me reprocher de laisser des cheveux dans la salle de bains… Pour enfin laisser une feuille sur mon ordinateur où il était écrit : « Peux-tu partir aussi vite que possible. » Je ne me suis pas fait prier, je suis partie dans l'heure. Par la suite, il m'a rendu les deux tiers de ma caution… en pièces de 20 centimes.
Jérôme, 33 ans – « Éviter les couples » J'ai vécu pendant trois-quatre mois avec un jeune couple argentino-colombien bien lubrique et j'ai eu le plaisir, après leur avoir prêté ma chambre pendant une semaine pour qu'ils hébergent la mère de la fille, de retrouver dans mon armoire tout leur stock de sex-toys (dont la fameuse boule rouge qu'on met dans la bouche) et leurs Polaroids intimes (mon coloc qui fait la vaisselle avec une demi-molle, mon coloc en nuisette…). Par la suite, j'ai inconsciemment évité de me mettre en colocation avec des couples, des Sud-Américains et des artistes, mais ce que j'en retiens surtout, ce n'est de ne jamais prendre de photos de moi ou de ma meuf à poil. Parce que forcément, ça finit par circuler un jour ou l'autre.
Ali, 41 ans - « Ne pas céder à la pression familiale »
J'étais très bien tout seul dans mon F1. Jusqu'à ce que la copine de mon oncle, apprentie esthéticienne, me propose de prendre un appart avec elle. Je me suis dit chouette, je vais avoir une pédicure à l'œil. En fait, je n'ai eu droit qu'à un sermon bien humiliant sur la nécessité absolue d'essuyer parfaitement l'inox quand on lave l'évier. J'ai eu l'occasion de me plaindre de cette maniaque auprès de mon cousin, qui m'a proposé de prendre un appart ensemble. Ce qu'on a fait, avec un de ses collègues de sport études. J'avais pas prévu de faire mon coming out. Sauf qu'au hasard des visites un de leurs potes a croisé un de mes amis qu'il savait être gay. Mon cousin m'a fait asseoir dans le salon pour me dire ça, tout en ajoutant que putain, si un jour il apprenait que son cousin était homo, il savait pas ce qu'il ferait (genre, si ça se trouve je te tuerais). Après cette année-là j'ai repris un appart tout seul. Et là, c'était juste génial. Quand t'as une âme solitaire, faut pas céder à la fibre familiale. Ça t'évitera de déménager six fois en sept ans.
Marion, 31 ans - « Se méfier des animaux » À la suite d'une rupture, Aurélie était plus ou moins sans logement. J'étais partie pour m'installer seule, mais les circonstances ont fait qu'on a pris un appart ensemble. Ça été super pendant un an et puis c'est devenu l'ENFER. Beaucoup de chantage affectif, de mensonges, de petites « disparitions » d'affaires, et puis surtout beaucoup d'alcool. Une fois, je me suis réveillée en suffoquant. Ma coloc s'était endormie en faisant des pâtes et l'appart était à deux doigts de prendre feu. Elle avait aussi un chat hyper relou qui bouffait toutes mes affaires, et à qui elle ouvrait la porte de ma chambre parce qu'il « aimait beaucoup y passer du temps » (il a bien dû me bouffer quatre chargeurs de téléphone). Le truc le plus dur, c'est de payer la moitié d'un appart que tu as l'impression de squatter, de ne te sentir chez toi nulle part, même pas dans ta chambre.
Cem, 27 ans - « Chacun sa chambre ou rien » Avec Maxime, on a fait connaissance comme ça, en cherchant un appart, et on s'est tout de suite très bien entendus. Celui qu'on a fini par trouver était petit et n'avait qu'une seule chambre, mais ça ne le dérangeait pas de prendre le salon. Pendant six mois, ça a été génial. Et puis il s'est remis avec la fille qui l'avait plaqué, et sur qui accessoirement on avait taillé pendant six mois. Ils ont commencé à passer des journées entières au lit, qui donc était juste derrière ma porte. J'entendais les gémissements non-stop. Pour aller dans la cuisine, aux chiottes ou n'importe où, je devais me résoudre à les surprendre en pleine action. Ce qui ne semblait pas les déranger le moins du monde, d'ailleurs. Je me sentais tellement coincé que j'ai déjà envisagé de sortir par la fenêtre pour aller pisser (on était en rez-de-chaussée). Ah, est-ce que j'ai précisé que ma porte ne fermait pas ? Maintenant la coloc, c'est clair, c'est chacun sa chambre.
Elisa, 28 ans – « Savoir avec qui on s'installe »
Quand j'étais à l'université, une amie m'a demandé si ma mère et moi pouvions l'héberger pendant quelques mois. La première chose qu'elle a tiré de ses valises à son arrivée était une étonnante collection de sprays. C'est à ce moment qu'elle nous a avoué qu'elle avait l'hépatite B et qu'il fallait nettoyer les toilettes de fond en comble à chaque fois qu'elle les utilisait. Il fallait également bien séparer les serviettes, et veiller à ce que les brosses à dents ne se touchent surtout jamais. Ça, c'était la première surprise. Elle dormait dans la même chambre que ma mère, qui un matin l'a trouvée au lit avec sa petite amie. Cette dernière est vite devenue le quatrième occupant de l'appartement. Ce n'était pas ce qui était convenu. On a fini par avoir une discussion. Là, elle m'a répondu : « Si tu le voulais, ça pourrait être seulement nous deux. » Puis elle s'est mise à pleurer en me demandant pourquoi je n'étais pas amoureuse d'elle. Je ne l'ai pas revue pendant des années.
Yoko, 32 ans – « Savoir s'enfuir au bon moment » En Angleterre, on vivait dans une maison avec un autre couple. Très passifs/agressifs, ils terrorisaient les petites colocs étrangères et désargentées de passage, qui ne restaient jamais très longtemps – intimidation, techno dégueulasse à fond, occupation offensive de toutes les zones de la maison… Tout était envahi par leurs affaires, vaisselle, plantes, poupées démembrées, bouquins de photos érotiques, etc. Ils jetaient à la poubelle toute tentative de déco, et nos affaires disparaissaient tout le temps. Un jour je suis entrée dans la cuisine et ils s'amusaient à découper un gros gigot avec un couteau énorme, et ils tournaient autour de moi en agitant le couteau et disaient des trucs comme : « Je vais te découper en morceaux, je vais te trucider, on va tuer le petit agneau. » J'étais seule dans la maison avec eux, j'ai cru que ma dernière heure avait sonné ! Tous les gens qui les ont connus ont été traumatisés. Mais je reconnais qu'entre eux, mon mec colérique et moi qui croyais que Larry David me parlait à travers la télé pour me dire d'aller me suicider, ça devait pas être rigolo tous les jours pour le 5e occupant…
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