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Comment les partis nationalistes d'Europe ont réagi à l'attentat de mercredi

Nos bureaux européens ont compilé les réactions des figures de proue du nationalisme de leur pays respectif.

Mercredi matin, des extrémistes ont attaqué les bureaux du magazine Charlie Hebdo, faisant 12 morts et une dizaine de blessés. Selon plusieurs sources, les assaillants auraient hurlé « Allah Akbar ! » et « Nous avons vengé le prophète ! » avant de prendre la fuite. Nous avons demandé à nos bureaux européens de compiler les réactions de leurs partis conservateurs, groupes identitaires et politiciens d'extrême droite face à cette tragédie.

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FRANCE

Marine Le Pen. Photo via Flickr

Mercredi soir, plus de 100 000 personnes se sont réunis spontanément un peu partout en France, afin de rendre hommage aux personnes tuées lors de l'attaque des bureaux de Charlie Hebdo. Ces événements tragiques, qui constituent ce que l'on connaît désormais comme « le jour le plus sombre de la presse française », ont suscité l'émotion chez les proches des victimes, leurs contributeurs, de leurs lecteurs et confrères, ainsi que chez les hommes politiques français.

Dans un discours prononcé avant-hier et relayé sur la page officielle de son parti, Marine Le Pen évoque un « attentat odieux ». À ce sujet, elle a déclaré : « Ces attentats sont le fait d'une idéologie meurtrière qui fait en ce moment-même des milliers de morts dans le monde. […] C'est ma responsabilité de dire que cet attentat doit libérer notre parole face au fondamentalisme islamique. Le refus absolu du fondamentalisme islamique doit être proclamé haut et fort par quiconque tient la vie et la liberté parmi les valeurs les plus précieuses. » Elle a tenu à souligner que personne ne souhaitait qu'une confusion soit effectuée entre nos compatriotes musulmans et ceux qui croient pouvoir tuer au nom de l'Islam, avant d'ajouter : « Cet évident refus d'un amalgame ne doit pas non plus être l'excuse de l'inertie et du déni. »

Lors d'une apparition sur France 2 le lendemain, elle a déclaré qu'elle désirait « offrir aux Français un référendum sur la peine de mort », ajoutant qu'à titre personnel, elle pense qu'une « telle possibilité doit exister », suscitant ainsi une vague d'indignation chez des personnes outrées par une telle tentative de récupération. Elle s'est par ailleurs offusquée que le Front National ait été exclu de la marche républicaine de dimanche, estimant que les partis du système avaient « transformé un moment d'unité nationale en un symbole de division et de sectarisme pieux ».

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ALLEMAGNE

Une manifestation de PEGIDA à Berlin. Photo : VICE Allemagne

Lors de ces dernières années, l'Allemagne a été très divisée sur l'Islam. Une enquête publiée hier déclare que 57 % de la population sont sceptiques envers l'Islam, et le perçoivent comme étant « dangereux » ou « très dangereux ». C'est de ce climat qu'est né le mouvement PEGIDA (Les patriotes européens contre l'Islamisation de l'Occident), qui aura vu 18 000 manifestants se réunir à Dresden lundi dernier, afin d'exprimer leur haine de l'Islam. Heureusement, le reste de l'Allemagne semble avoir honte de ce mouvement xénophobe – de nombreuses contre-manifestations ont été organisées afin de montrer la solidarité du pays envers les Musulmans. Dans les autres villes allemandes, les contre-manifestants se sont avérés plus nombreux que les militants de PEGIDA, tournant finalement en ridicule leurs pancartes arborant les mots « Nous sommes le peuple ».

Sans surprise, PEGIDA se sert déjà des attentats contre Charlie Hebdo pour renflouer leurs rangs. Dans une vidéo, le président du parti d'extrême droite NPD Frank Franz déclare que « ce qui est arrivé en France est exactement ce que le NPD pressent depuis des années ». Il poursuit : « L'islamisation et l'infiltration doit être stoppée », à l'attention de l'Allemagne et de l'Union Européenne.

Nigel Farage. Photo : James Turner

ROYAUME-UNI

Au Royaume Uni, l'événement politique le plus notable de cette dernière année fut la montée de l'UKIP. Le parti est motivé par sa haine envers l'Union Européenne, notamment parce que notre statut de pays membre autorise les immigrés à entrer au Royaume-Uni pour chercher un travail et un logement. Ils cultivent toute une panoplie d'opinions réactionnaires et en général, leurs membres ne sont fans ni du mariage gay, ni des noirs, ni des féministes.

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Il faut noter tout de même qu'ils ne sont pas ouvertement racistes ; ils ont même l'air d'avoir un besoin constant d'exclure leurs propres membres lorsque ceux-ci tiennent des propos racistes – comme ce fut le cas de cette membre du conseil qui a récemment annoncé qu'elle avait un « problème avec les nègres ». Mais ce qui est drôle, c'est qu'ils ne semblent pas non plus s'étonner du fait que de tels individus aient été attirés par leur parti en premier lieu.

Par conséquent, lorsque deux ou trois Islamo-fascistes ont perpétré leur attaque meurtrière contre Charlie Hebdo, ce n'était plus qu'une question de temps avant que Nigel Farage, le leader anti-gay ne fasse une annonce qui mette le feu aux poudres.

Sans surprise, il fit son apparition hier soir au journal de Channel 4 News, expliquant que l'attaque avait été menée par « [des gens] qui tiennent nos passeports en otage, qui nous haïssent ». Il est vrai que les extrémistes cultivent une véritable haine de l'Occident. Mais la thèse de Nigel sur l'origine de cette haine est moins convaincante : « Cela nous amène à remettre en question toute cette entreprise, qui existe depuis plusieurs dizaines d'années et encourage la division dans notre société au nom du multiculturalisme ».

Bien sûr ! Tous ces non-blancs, ces non-Chrétiens qui essayent simplement de vivre ici en conservant un lien avec leur propre culture, et tous ces Anglais pour qui ça ne pose aucun problème – tous devraient réfléchir un coup et prendre la mesure de leur responsabilité.

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ITALIE

Matteo Salvini à Milan, photo : Marco Valli. Le T-Shirt dit : « Stop à l'invasion »

Depuis le massacre de Charlie Hebdo, lorsque les détails de la fusillade n'étaient pas encore connus de tous, la droite italienne a montré en quoi elle n'avait jamais eu de doute sur l'identité des coupables et s'est mise à fustiger le monde islamique dans son ensemble. Cela inclut notamment l'aile modérée de la droite – selon laquelle la condamnation des terroristes n'a « pas sa place dans la rue ».

L'homme politique italien qui tire le plus grand avantage de la situation est Matteo Salvini – membre du Parlement Européen, secrétaire du parti xénophobe Lega Nord et l'un des principaux alliés de Marine Le Pen au Front National. Dans les vingt-quatre heures qui ont suivi l'attaque, Salvini a fait de multiples apparitions télévisées et inondé les réseaux sociaux de déclarations telles que : « Nous hébergeons nos ennemis », enjoignant l'Europe à « mettre fin à l'immigration clandestine IMMÉDIATEMENT ».

Les propos de Salvini ont été relayés et approuvés par de nombreux journaux de droite : la une du Libero, par exemple, a fait figurer l'image du policier à terre sous la mention « C'est ça, l'Islam ». Le journaliste d'origine égyptienne Magdi Cristiano Allam – un ancien Musulman converti au catholicisme fondamentaliste – a également été invité à toutes les émissions locales. Il a notamment déclaré :« Nous devons frapper au cœur de la chaîne d'approvisionnement du terrorisme : les mosquées, les sites internet, les écoles islamiques ».

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Le massacre fut également récupéré par des mouvements ouvertement fascistes. Roberto Fiore, le chef du parti Forza Nuova, a déclaré : « le massacre de Paris est un acte de guerre contre l'Europe. En retour, il faut une réponse adéquate. » Dans cette optique, Fiore suggère de « fermer les ambassades saoudiennes et du Qatar », ces pays étant les « financiers principaux de l'État Islamique » ; et d'effectuer un recensement de tous les Musulmans vivant en Europe.

Enfin, Fiore souhaite la création de mouvements de type PEDIGA au niveau européen, et a déclaré que « les temps » où l'on se contente « de discuter avec indulgence sont révolus ». Malgré la rhétorique de la droite, la violence exprimée par Matteo Salvini et les propos d'autres extrémistes, je ne pense pas qu'il y aura d'actions violentes contre les musulmans ou les mosquées en Italie.

Ce qui risque de se produire dans les prochains mois, en revanche – et il suffit d'ouvrir n'importe quel journal italien pour s'en rendre compte – c'est que le pays glisse vers des positions de plus en plus xénophobes et islamophobes. Ces positions, qui se renforcent avec des partis tels que Lega Nord, produisent inévitablement une sorte de punition « culturelle » collective pour les musulmans en Italie – et c'est de toute évidence quelque chose dont une minorité déjà marginalisée pourrait bien se passer.

GRÈCE

Antonis Samaras. Photo via

Le sang était encore frais dans les bureaux de Charlie Hebdo quand une nouvelle vague de réactionsxénophobes a émergé en Grèce. Avec les législatives dans moins de trois semaines, certains de nos hommes politiques ont vu le massacre comme une aubaine.

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Le Premier Ministre grec, Antonis Samara, président du parti de droite Nouvelle Démocratie, a déclaré : « Vous voyez ce qui se passe en Europe : tout change dramatiquement. » Il a annoncé qu'en France, « le président Hollande a envoyé son armée dans la rue (…) il y a eu un massacre aujourd'hui à Paris et en Grèce, certains [ses opposants, le parti de gauche SYRIZA] sont en train d'inviter les immigrés clandestins chez nous et de leur offrir la citoyenneté ».

Dans un tweet, l'ancien Ministre de la Santé et membre du parti Nouvelle Démocratie Adonis Georgiadis a déclaré : « Certains ne voulaient pas de la barrière sur l'Evros », faisant référence au mur construit sur la frontière gréco-turcque pour empêcher les migrants et demandeurs d'asile de pénétrer sur le territoire européen. Un second tweet s'est ensuivi quelques minutes plus tard : « L'attaque à Paris pourrait signifier la fin de l'innocence de l'Europe par rapport à l'Islam. SYRIZA veut ouvrir les frontières ». Les critiques de ces commentaires furent nombreuses, dénonçant la récupération de la tragédie à des fins politiques.

Ce n'est pas la première fois que l'islamophobie et les rhétoriques xénophobes prévalent dans le discours politique grec. Pour des millions d'immigrants, la Grèce est une porte d'entrée sur l'Europe. Le pays fait à la fois face à un désastre économique et à une instabilité politique. Il semble évident que les forces conservatrices vont s'emparer de la peur et de la colère pour les récupérer à des fins politiques. En quelques années, les nazis d'Aube Dorée – qui sont pour l'instant en prison – sont parvenus à obtenir quasiment 7% des voix.

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Le 25 janvier, les Grecs vont être amenés à participer à l'une des élections les plus importantes de l'histoire moderne de leur pays. Pour les partis conservateurs, l'heure est à la récupération politique.

AUTRICHE

Photo publiée avec l'aimable autorisation du Mouvement Identitaire d'Autriche (IBÖ).

Hier soir, environ 300 personnes se sont rassemblées devant l'ambassade de France afin de présenter leurs condoléances aux familles des victimes, à moins de 900 mètres des bureaux de Vice Autriche. Notre préoccupation la plus forte n'était pas l'éventualité d'attaques islamistes sur le territoire, mais la sécurité de nos compatriotes musulmans. Parmi ceux qui exprimaient leur peine, on pouvait voir une femme portant le hijab se faisant escorter par de jeunes hommes, comme s'ils la protégeaient d'éventuels agresseurs tandis qu'elle traversait la rue. La tension était palpable.

Malgré l'unité de la foule autour de la cause « Je suis Charlie », personne ne semblait d'accord sur les raisons du massacre, ni sur les réponses censées en découler. Hormis les journalistes et les autres témoignant leur solidarité, un groupe membre du mouvement identitaire était également présent. D'un côté, ils ont participé au recueillement et au rassemblement silencieux en l'honneur des victimes. D'un autre côté, ils ont ensuite transformé leur participation en manifestation contre ce qu'ils appellent « l'islamisation du continent ».

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« Nous condamnons cette attaque qui a coûté douze vies », nous a expliqué Alexander Markovics, leader de la IBÖ. « Non seulement est-ce une atteinte à la liberté d'expression – c'est une attaque contre tous les Européens qui se défendent contre l'islamisation de leur patrie. Pendant des décennies, nous avons décidé d'ignorer les menaces de l'immigration de masse, en particulier avec le prétexte des demandeurs d'asile. Voici la conséquence finale d'une politique de l'ignorance qui s'étend au niveau européen tout entier ». Selon lui, l'heure n'est plus à la « bienveillance » et à la « culture du tout-le-monde-est-le-bienvenu. Les djihadistes attaquent notre liberté à coup de Kalachnikov – il faut à présent défendre ce qui nous appartient. L'heure est à l'auto-conservation ». Néanmoins, celui-ci n'a pas donné de précisions en termes d'actions politiques concrètes.

Pendant ce temps-là, Heinz-Christian Strache, leader du parti nationaliste Parti de la liberté de l'Autriche (FPÖ), a cherché à contourner la situation, se contentant de publier un article à propos du massacre sur sa page Facebook, accompagné du message « Réveillez-vous ! » – comme s'il cherchait à faire plaisir à tous les partis concernés. Hélas, cela nous en apprend également sur l'état du discours politique en Autriche. Tant que l'on tient un discours vaguement critique envers l'Islam ou discrètement xénophobe (ou que l'on insinue du moins implicitement qu'il existe une situation plus large liée à l'immigration sur laquelle il faudrait « ouvrir les yeux »), on s'obtient les faveurs de l'opinion publique. Au fur et à mesure que le soutien envers l'extrême droite s'accroît en Europe, leur idéologie et leur compartimentation patriotique semblent se répandre jusqu'au centre.

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DANEMARK

Pia Kjærsgaard et son portrait. Photo publiée avec l'aimable autorisation de la section média du Parti Populaire Danois (DF).

L'attaque Charlie Hebdo en a vraiment touché plus d'un au Danemark, pays où le débat sur l'immigration fait rage et où le Parti Populaire Danois a récemment vu sa cote de popularité s'envoler dans les sondages. Cela fait un peu moins de 10 ans que le journal Jyllands Posten a publié les 12 caricatures de Mahomet – lesquelles étaient initialement censées participer au débat autour des critiques de l'Islam et de l'auto-censure dans les médias.

Les événements de mercredi ont causé une grande tristesse, tant chez les particuliers que dans la presse. Sans surprise, l'attaque a relancé le débat sur la question de la publication de ce genre de dessins. Pour certains, il est question de liberté d'expression, pour d'autres de provocation gratuite.

Pia Kjærsgaard, fondatrice du Parti Populaire Danois, a déclaré à TV2 qu'étant donné la tragédie en France, ces caricatures devraient être republiées afin de montrer « qui nous étions ». Olav Skaaning, rédacteur en chef du journal BT, a exprimé son profond désaccord et insisté qu'une telle démarche ne serait légitimée par aucune « raison journalistique ».

La droite a rapidement associé l'incident avec le fanatisme religieux et déclaré qu'il s'agissait d'une attaque contre la liberté d'expression. Nous n'avons pas pu joindre Kristian Thuelsen Dahl, leader actuel du Parti Populaire Danois, pour recueillir ses commentaires, mais son statut sur sa page Facebook ne laisse aucun doute quant à son avis sur la question :

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« Cela ne fait quasiment aucun doute que l'attaque contre le magazine a eu lieu pour détruire la liberté d'expression et qu'elle est basée sur la religion. Cela montre que l'on fait face à des terroristes, qui ne reculeront devant rien dans leur guerre contre la liberté et la liberté d'expression (…)

Mais pour le reste d'entre nous, ce qui est à craindre, c'est que la liberté d'expression soit compromise et que les assaillants vont réussir dans leur entreprise. Nous ne devons jamais laisser cela se produire ! Nous devons repenser notre méthode de défense pour protéger et garantir notre droit à la liberté ! »

Sa préoccupation de notre « méthode de défense » fut ensuite relayé par Pia Kjærsgaard, dans une interview accordée au tabloïd Elkstra Bladet. À la question de ce qu'il faudrait faire dans le cas où les lois en vigueur ne parviennent pas à prévenir de telles atrocités, elle a répondu: « Il est tout à fait possible qu'il faille commencer à utiliser d'autres méthodes. Peut-être qu'il va falloir faire le nécessaire. Ce n'est pas raisonnable que les Danois aient besoin de protection policière. C'est nous qui sommes enfermés, comme si nous étions en prison ».

Ces besoins de « faire le nécessaire » ou de « repenser les méthodes de défenses » sont dérangeants dans ce qu'ils ont de vague et dans la difficulté qu'il y a à les penser hors du cadre de l'auto-justice. Un chemin ignoré dans tout chemin vers une intégration constructive. Ici au Danemark, le débat sur l'immigration a permis au parti de s'élever à de nouveaux niveaux de popularité, et l'on peut imaginer en quoi la tragédie de Charlie Hebdo leur fournira de quoi gagner des électeurs.

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ESPAGNE

Les partis d'extrême droite n'ont pas (encore) de réel pouvoir en Espagne, mais conçoivent évidemment leur existence comme légitimée par le massacre de Charlie Hebdo.

« Les sociétés multiculturelles sont des sociétés à multi-problèmes. Ça, tout le monde le voit, à part les dirigeants », a déclaré hier soir Robert Hernando de Plataforma per Catalunya – parti d'extrême droite Catalan –, lors d'un rassemblement solidaire qui comprenait également des membres de partis de gauche. « J'ai honte de participer à une manifestation avec des gens qui sont complices de la colonisation honteuse dont nous souffrons en Europe. Je n'ai pas l'habitude d'être entouré par tant d'hypocrisie et d'opportunisme ».

Manuel Candela, le président de Democracia Nacional, a également déclaré : « Ce qui s'est passé hier en France ne fait que renforcer notre pensée. Les sociétés multiculturelles ont échoué. Une société ne peut pas vivre avec ses ennemis. Si ce problème n'est pas réglé, ce n'est plus qu'une question de temps avant que ce conflit entre l'Europe et l'Islam ne déchire notre continent dans une guerre sanglante. Et il n'y a qu'une solution : les musulmans devraient rentrer chez eux. L'EUROPE AUX EUROPÉENS. »

L'Espagne a une longue et triste tradition d'attaques terroristes: 191 personnes sont mortes dans les attentats de 2004 à Madrid. Notre réponse au massacre de Charlie Hebdo a été la même que toujours : la condamnation et l'unité.

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POLOGNE

Manifestation Ruch Narodow, avril 2014. Photo publiée avec l'aimable autorisation de Fisty Photography

Les dessins de Charlie Hebdo nous ont montré le monde dans lequel nous vivons exactement tel qu'il est, mais avec le mot de la fin en plus. Personne n'est un saint et personne n'est en sécurité non plus. 12 personnes sont mortes à cause de leur manière de s'exprimer. C'est une tragédie, et nous pleurons ces morts.

Mais en Pologne, pour certains partis de droite tels que Ruch Narodowy, l'attaque n'est qu'une raison supplémentaire d'accuser l'Europe de l'Ouest, qui « tolère la montée des mouvements salafistes et autorise la construction de mosquées à travers le continent ».

SUÈDE

Richard Jomshof. P

hoto: Riksdagsförvaltningen / Administration du Parlement Suédois

Lors des élections générales de Septembre 2014, le parti d'extrême droite Démocrates Suédois (SD) est devenu le troisième parti le plus populaire en Suède, avec 13 % des voix.

Le parti est souvent confondu avec un parti anti-immigration, ce qui ne focalise que sur une seule question politique. Néanmoins, des journalistes tels que Niklas Orrenius à Dagens Nyheter (qui suit le parti depuis dix ans) maintiennent que le parti est foncièrement nationaliste.

Lors d'une conférence de presse de décembre 2014, Richard Jomshof, membre du parlement et rédacteur en chef du magazine des Démocrates Suédois SD-Kuriren, a déclaré que « Nous [SD] considérons l'Islam et l'islamisme comme une menace. Il y a quelque chose de très problématique avec l'Islam ».

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À Noël et au Nouvel an, on a vu une série d'incendies criminels prendre pour cible des mosquées à Eskilstuna, Eslöv et Uppsala. Les motifs de ces attaques n'ont pas encore été confirmés, et les attaques ne semblent pas avoir de lien les unes avec les autres.Il n'en demeure pas moins qu'elles doivent être considérées avec le plus grand sérieux. Le slogan « Je suis Charlie » apparait sur toutes les lèvres, mais nous rappelle aussi la division qui agit dans nos sociétés. Le gain en popularité du SD va de pair avec la normalisation progressive de l'islamophobie, qui pourrait diviser notre pays de manière dévastatrice.

Après le massacre de Charlie Hebdo, Jomshof a publié un article dans lequel il se penche sur les caricatures du prophète publiées en 2005 dans le journal Jyllands-Posten. Il a également publié des caricatures de Charlie Hebdo « afin de soutenir la démocratie, la liberté d'expression, les lumières, afin de défendre une société libre, toutes ces choses que d'autres trouvent provocantes ».

En lisant cela, je ne peux m'empêcher de m'arrêter au terme « d'autres ». Comme l'a prouvé l'histoire, la division entre « eux » et « nous » est l'une des manières les plus dangereuses de penser la société.

ROUMANIE

L'ambassade de France à Bucarest hier matin. Photo :

Alex Mihăileanu

Hier soir et ce matin, de petits groupes de Roumains se sont rendus à l'ambassade de France et ont allumé quelques bougies dans la neige, devant le bâtiment, afin de rendre hommage aux victimes de l'attaque de Charlie Hebdo.

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L'une des premières réactions politiques à l'attaque fut un statut modéré posté par notre président, Klaus Iohannis, se terminant par l'idée selon laquelle « la tolérance religieuse et ethnique ainsi que la liberté d'expression sont les fondements de la société moderne, qui est basée sur des principes démocratiques ». Suite à cela, il y eut plusieurs réactions, notamment télévisées, de la part de la communauté musulmane visant à se distancier de l'attaque terroriste. Heureusement, les musulmans sont plutôt bien intégrés en Roumanie.

Nos mouvements d'extrême droite sont très obscurs. La plupart reste à bonne distance des musulmans, davantage préoccupée par les Roms et la communauté LGBT. Néanmoins, certains membres des médias de droite ont eu des réactions racistes envers la communauté musulmane. Lucian Mîndruță, un journaliste libertarien, a déclaré qu'autoriser les cultures qui démolissent les églises ou tuent les chrétiens pour construire des mosquées sur nos terres et nous imposent leurs lois est une idée suicidaire ».

De manière surprenante, il y a eu davantage de réactions xénophobes des hommes politiques chrétiens contre la laïcité à la française – qu'ils tiennent pour responsable de l'attaque – que contre la communauté musulmane. Comme pour justifier ce qui s'est passé à Charlie Hebdo, Adrian Papahagi, un politique Roumain dont le mouvement appartient au Parti Populaire Européen, a déclaré que « dans la France laïque, le fait de se moquer des choses sacrées est très apprécié ». Il fut appuyé par un autre politique chrétien conservateur, Iulian Capsali, qui a déclaré qu' « en France, les Chrétiens sont persécutés par l'État laïque, pas par les musulmans ». Ces réactions sont partagées de tous les individus qui estiment que les journalistes de Charlie Hebdo ont provoqué la communauté musulmane française. La seule bonne nouvelle, c'est que cette situation a peu de chance d'affecter les partis de droite, dans la mesure où la plupart est embourbée dans une guerre en ligne entre libéraux et conservateurs, et peu préoccupée par l'attaque de Charlie Hebdo en elle-même.

SERBIE

Veillée hier soir devant l'ambassade de France à Belgrade. Photo : VICE Serbie

Au cœur de Belgrade, un groupe d'habitants s'est réuni mercredi soir devant l'ambassade de France afin de déposer des fleurs et allumer des bougies en hommage aux victimes de l'attaque contre le journal Charlie Hebdo. Une autre veillée était prévue hier soir – l'appel a été lancé cette fois par l'Union indépendante des journalistes.

La société serbe a radicalement changé après une décennie de guerre dans les Balkans. Les extrémistes de droite, qui autrefois plaidaient pour la purification ethnique des populations musulmanes de la Bosnie voisine et sont à présent au pouvoir en tant que pro-européens modérés, appellent aujourd'hui à la tolérance et à la démocratie à l'occidentale. Ceux qui sont restés fidèles au nationalisme sont largement ignorés : on ne fait attention à eux que lorsque le gouvernement conservateur centriste du Premier Ministre Aleksandar Vucic cherche un bouc émissaire afin de masquer des décisions impopulaires.

Parmi ceux qui ont mentionné le massacre de Paris sur les réseaux sociaux ou sur internet, beaucoup s'en prennent à l'Occident et dénoncent la campagne de bombardement « injuste et sans pitié » de l'OTAN en 1999 contre la Serbie ; campagne qui visait à mettre fin à la répression violente de Slobodan Milosevic contre les velléités d'indépendance des minorités albanaises au Kosovo.

PAYS BAS

Geert Wilders et son chat. Photo via Nufoto.nl

Au Pays-Bas, tout le monde se souvient de la guerre entre la liberté d'expression et l'islamisme fondamentaliste que nous avons vécue il y a dix ans. En 2004, le réalisateur Theo van Gogh a été assassiné par un extrémiste islamiste. Cet événement a donné lieu à une discussion à propos de l'islam radical qui dure depuis plus d'une décennie.

Depuis dix ans, le leader du Parti pour la Liberté (PVV) Geert Wilders a donné le ton du débat sur l'Islam dans notre pays. En faisant passer ses idées dans ses déclarations pleines d'esprit et ses citations choc, il a réussi à transmettre son message islamophobe et son sentiment anti-européen jusque dans les principaux médias. À cause de sa politique agressive et populiste, ses opposants plus traditionnels ont du mal à savoir comment réagir à ses interventions.

Wilder a basé sa stratégie sur de longues absences médiatiques, il attend qu'un désastre se produise avant de réapparaitre en expliquant au premier venu tenant un micro à quel point il avait raison. Hier, il a ouvert sa campagne médiatique à propos de l'attaque à Paris avec le tweet suivant : « Quand est-ce que Rutte et les autres leaders occidentaux vont comprendre ? C'est la guerre. »

Tandis que Wilder déclare une guerre ouverte, ses opposants appellent à la modération et la paix. Des organisations musulmanes telles que l' « Intermédiaire entre les Musulmans et l'État et l'Association Néerlandaise Marocaine se sont empressées de condamner l'attaque des locaux de Charlie Hebdo. Le porte-parole Farid Arzakan a qualifié l'événement de « terrible » et encouragé chacun à bien peser ses mots avant de réagir. « Nous ne devrions pas user de termes tels que la « guerre », cela me semble très inapproprié ».

Après l'assassinat de Van Gogh, une « manifestation du cri » fut organisée à Amsterdam par le maire de la ville afin d'exprimer la colère du pays. Hier, les Amstellodamois clamaient « Je suis Charlie » en insistant sur le fait qu'ils n'étaient pas anti-musulmans – ils étaient là pour rendre hommage aux victimes, et non pas pour manifester.