Les os cassés des nains italiens

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Les os cassés des nains italiens

L'achondroplasie est une forme de nanisme causée par une mutation génétique qui affecte une personne sur 20 000. En Italie, on compte 2 500 personnes atteintes de cette mutation. Les nains italiens sont particulièrement enclins...

L'achondroplasie est une forme de nanisme causée par une mutation génétique qui affecte une personne sur 20 000. En Italie, on compte 2 500 personnes atteintes de cette mutation. Les nains italiens sont particulièrement enclins à subir une opération douloureuse d'allongement chirurgical. Il s'agit d'une procédure très longue qui consiste à briser les os des jambes et à poser un appareillage de fixation externe qu'on étire de quelques millimètres chaque jour. En moyenne, une personne atteinte d'achondroplasie mesure 1m20. Grâce à l'allongement chirurgical des membres inférieurs (une douzaine de centimètres de fémur et la même chose pour le tibia), la personne peut atteindre jusqu'à 1m50. Le meilleur âge pour entamer le traitement est entre 12 et 16 ans. Le traitement dure environ 3 ans.

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Emanuele Satolli, un photographe italien, documente cette procédure chrirugicale extrêmement lourde. J'ai eu envie de lui poser quelques questions.

 
VICE : Quand avez-vous commencé ce projet ?
Emanuele Satolli : En janvier 2012. J'ai réalisé que je n'avais jamais rencontré quelqu'un atteint de nanisme à Milan, dans les rues ou en boîte, donc je me suis demandé : mais où sont-ils ? J'ai effectué des recherches et j'ai été amené à m'entretenir avec le président de l'AISAC (l'association pour l'information et l'étude de l'achondroplasie). Il m'a parlé de cette procédure très populaire en Italie qu'est l'allongement chirurgical. J'ai voulu en savoir plus, et j'ai découvert qu'environ 90 % des Italiens souffrant d'achondroplasie subissaient cette opération, alors que dans le reste de l'Europe, on tombe à 8 %.

Qu'est-ce qui, selon vous, rend cette procédure si populaire parmi les Italiens ?
C'est la question que je me posais. C'est un traitement très long et douloureux. Il y a des implications psychologiques là-dedans : ces gens ont l'impression de devoir modifier leur corps car celui-ci déconne, ou ils ont besoin de s'intégrer à une société qui ne prend pas en compte leurs besoins. C'est assez intéressant. En rencontrant les gens sous traitement, je me suis rendu compte que tous étaient très satisfaits. Ils avaient tous l'impression d'avoir fait ce qu'il fallait. Par la suite, tous les succès professionnels ou personnels qu'ils obtiennent, ils les attribuent, au moins partiellement, à l'allongement chirurgical. Je pense qu'ils ont raison. Ils ont bénéficié de cette procédure parce qu'ils se sentent plus acceptés par la société. Mais dans d'autres pays, les personnes atteintes d'achondroplasie parviennent à trouver le bonheur sans cette opération.

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Donc en Italie, c'est plus dur d'être un nain ?
Oui, bien sûr. Sans cette opération, il leur est difficile de mener une vie normale. Quelle autre explication trouver, quand il y a un tel écart statistique entre l'Italie et le reste des pays occidentaux ? Seule l'Espagne a un taux relativement élevé d'allongement chirurgical, mais ce n'est rien en comparaison avec le taux italien. Aussi, les médecins, en Italie, ont tendance à rassurer les parents après la naissance : « Ne vous en faites pas, quand il aura 13 ans, il pourra gagner des centimètres. » C'est une approche culturelle différente dès le début.

Vous avez rencontré des gens qui étaient mécontents de s'être fait opérer ?
Non. Tout le monde était content. Auparavant, des choses de base comme prendre le métro leur étaient particulièrement difficiles. Mener une vie indépendante était pratiquement impossible. J'ai rencontré un garçon qui souffrait énormément quelques semaines après son opération du fémur, mais il était ravi. Il savait qu'il lui allait encore falloir subir plusieurs opérations mais il se réjouissait du futur qui s'ouvrait à lui. Combien coûte cette opération ?
Eh bien, en Italie, l'État rembourse la quasi-totalité du coût. Mais les patients assument le coût de la physiothérapie. Pour les opérations du fémur, du tibia et des bras, on recommande généralement un an de physiothérapie. Aussi, les principaux centres d'allongement chirurgical sont Milan et Gênes, donc les gens du Sud atteints d'achondroplasie, par exemple, doivent assumer les coûts du déplacement. Au final, tout ceci revient terriblement cher au patient.

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Vous projetez de continuer à suivre les gens que vous avez photographiés ?
Oui, j'espère bien. Surtout les jeunes que j'ai rencontrés et qui en étaient au tout début de leur traitement.

Vous avez rencontré des personnes qui ne voulaient pas que vous les preniez en photo ?
Pas vraiment, la plupart étaient contents de participer. Beaucoup m'ont dit que ce qui les avait motivés, c'était de promouvoir l'AISAC ou de communiquer sur les problèmes qu'ils rencontrent en Italie, et de sensibiliser l'opinion à l'achondroplasie.

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